Catégorie : Actualité

  • Concours Castor informatique 2014

    C’est le début du Castor Informatique ! Concours castorAfin de faire découvrir aux jeunes l’informatique et les sciences du numérique, et après le grand succès de la troisième édition 2013 (plus de 170 000 élèves dont 48% de filles et près de 1200 collèges ou lycées français ont participé), une nouvelle édition commence aujourd’hui : les épreuves 2014 se déroulent du 12 au 19 novembre 2014.

    « Le concours comporte quatre niveaux (6e-5e / 4e-3e / 2nd / 1ère-Term). Il couvre divers aspects de l’informatique : information et représentation, pensée algorithmique, utilisation des applications, structures de données, jeux de logique, informatique et société. Ce concours international est déjà organisé dans 21 pays qui partagent une banque commune d’exercices. Environ 734 000 élèves ont participé à l’épreuve 2013 dans le monde.

    Les points à retenir :

    • Entièrement gratuit,
    • Organisé en salle informatique sous la supervision d’un enseignant,
    • 45 minutes pour 15 à 18 questions,
    • Quatre niveaux : 6e-5e / 4e-3e / 2nd / 1ère-Term,
    • Du 12 au 19 novembre 2014, l’enseignant choisit le moment de la semaine qui lui convient,
    • Participation individuelle ou par binôme,
    • Aucune connaissance préalable en informatique n’est requise.

    Nouveauté 2014 : La version 2014 sera entièrement composée de sujets interactifs, pour lesquels il faut trouver une stratégie de résolution, et le score sera affiché en temps réel. Il n’y aura donc plus aucune question à choix multiple.

    Si vous n’avez plus l’âge, vous pouvez vous amuser à tester les exercices des années précédentes depuis 2010 ! Comme nous l’a expliqué Susan McGregor récemment sur Binaire : Explorez la pensée informatique. Vous pouvez le faire !

    Sylvie Boldo

  • Le grand plan numérique. Une bonne nouvelle ou pas ?

    Communiqué de la SIF du 7 novembre 2014

    Le grand plan numérique annoncé par le Président de la République semble bien être, sous réserve d’en connaître les détails, le plan que nous attendions, enfin à la hauteur des enjeux. Dans son allocution du 6 novembre, le Président de la République souligne en particulier qu’en « informatique, […] sans qu’il y ait besoin d’ordinateur, on peut apprendre », il parle bien ici de « contenu » et de science et non d’usage. Quand nos collègues britanniques, allemands, belges, néerlandais, polonais, israéliens, américains… enseignent déjà l’informatique à tous les niveaux depuis de nombreuses années, la France semblait encore se poser des questions d’un autre siècle, qui nous condamnaient à devenir de simple consommateurs de sciences et de techniques inventées ailleurs. Ce plan est susceptible de tout changer !

    L’Académie des sciences, la Société informatique de France, le Conseil national du numérique, le Conseil supérieur des programmes, et beaucoup d’autres acteurs du secteur proposent d’enseigner l’informatique à l’École primaire, au Collège et dans toutes les séries du Lycée, chaque niveau ayant, bien entendu, ses objectifs et sa pédagogie propres. Un tel plan pourrait véritablement former les futures générations d’élèves au monde qui les attend, au monde qu’ils vont pouvoir contribuer à construire. Cela dit la route est longue et il faut mobiliser toutes les énergies autour du ministère de l’Éducation nationale pour ce plan ambitieux dont deux points importants doivent dès maintenant être pris en compte :

    1. Enseigner l’informatique demande, comme pour toute matière, du savoir et de la prise de recul sur ce que l’on enseigne afin de faire émerger les concepts unificateurs et non les détails d’un algorithme, d’un langage ou d’une machine. Si dans une phase de transition il faut s’appuyer, pour des questions de moyens et d’efficacité, sur des professeurs d’autres disciplines déjà en poste, il est nécessaire, comme dans d’autres pays, de recruter très vite des enseignants en informatique.

    2. Si l’informatique est une science et une technique comme une autre, son enseignement doit être fortement basé sur la notion de projets collaboratifs, en collaboration avec les autres disciplines. Cela nous semble essentiel pour que les élèves s’engagent avec enthousiasme dans cette nouvelle discipline et ne la voient pas simplement comme un alourdissement des programmes. La mise en pratique d’un plan ambitieux passe par un effort considérable de formation des professeurs des écoles, et par la présence dans les collèges et les lycées de professeurs d’informatique avec un niveau bac plus quatre ou cinq (comme c’est le cas dans les autres disciplines) et une formation à la pédagogie de l’enseignement de l’informatique. Cela s’imposera vite comme une évidence.

    Car il constitue une chance considérable pour notre pays, le plan numérique est une excellente nouvelle.

    Pour les Conseils d’administration et scientifique de la SIF

    Colin de la Higuera, Président de la SIF

  • Reduction de mémoire et d’énergie par les règles de l’harmonie musicale

    En cette période de crise où chacun se demande s’il doit vraiment remplacer son iPod et autre gadget par une version encore plus performante, nous recommandons à nos lecteurs d’avoir encore un peu de patience. Un reporteur de Binaire a eu vent du dernier  projet d’un de nos plus grands inventeurs, Albert Robida. A suivre…

    phono-operagraphe
    Un grimpeur, en récompense pour avoir réussi l’ascension du Cervin, s’offre l’écoute de Sarastro dans “La flute enchantée
    (phono-opéragraphe d’Albert Robida version bêta 1.2.)

    Un nouvel appareil révolutionnaire est sur le point d’être introduit sur le marché : le phono-opéragraphe récemment breveté (FR5775A1) par Albert Robida, chercheur visionnaire à l’université de technologie de Compiègne et auto-entrepreneur. Il est si léger que même les montagnards qui pèsent leur sac au gramme près se laisseront tenter.

    Le phono-opéragraphe est spécialisé dans la musique d’opéra et, grâce à l’usage des structures de données auto-ajustables de Sleator et Tarjan, s’adapte dynamiquement à l’enregistrement choisi par l’utilisateur. Sa méthodologie technologique permet de re-générer son et musique par une approche calculatoire utilisant les règles de l’harmonie musicale afin de reconstituer le son à partir d’un contenu mémoire minime, quasiment au niveau plancher prédit par la théorie de l’information de Shannon.  L’énergie dépensée par le processeur est minimisée grâce à une exploitation rigoureuse des bruits ambiants, avec un algorithme qui “mine” les sons alentour pour extraire et amplifier les composantes musicales du milieu naturel où elles sont habituellement inaudibles, ce qui permet de les  réutiliser en les incorporant à l’enregistrement, économisant ainsi sur la quantité de son que l’appareil doit créer ex nihilho.

    C’est dans le registre de soprano colorature que l’enregistrement audio est le plus compact, et donc le plus léger, comme il est logique. Mais même les sopranos lyriques restent très raisonnables en montagne. Ainsi, Carmen, la Traviata, et morceaux similaires le rendent d’un poids nettement inférieur à 50g : il bat largement tous ses concurrents. Les performances sont un peu moins impressionnantes avec les altos et ténors, et il faut faire attention à ne pas prendre trop de morceaux avec basse, ni surtout de basse profonde ; cela réduit l’intérêt en pratique. Heureusement, on annonce déjà que la prochaine génération, inspirée par le point de vue d’Alan Perlis (et son célèbre principe “La constante d’une personne est la variable d’une autre”), aura un poids variable en fonction du morceau qu’on est en train d’écouter, avec mises au point de l’algorithme en fonction des préférences musicales du grimpeur (à condition toutefois qu’il soit mélomane.)

    Albert Robida conjecture que la place mémoire nécessaire pour mémoriser un morceau de musique est une fonction monotone décroissante de sa beauté selon le canon classique.

    Le prix de lancement est prévu autour de 45,99 euros.

    Claire Mathieu, ENS, Paris

  • Coder : entre vice et plaisir

    Le phalanger volant (glider) proposé comme emblème de la communauté des hackers.

    Dans la définition (anglaise) sur Wikipedia de « Hacker » on découvre que ce mot peut désigner

    1. Celui qui cherche et exploite les faiblesses d’un système informatique,
    2. Celui qui innove dans le domaine de l’électronique ou de l’informatique, et
    3. Celui (ou celle) qui combine l’excellence, la ruse, et l’exploration dans ses activités.

     

     

    Dans la page française, c’est un brin plus sobre :

    1. Hacker, spécialiste de la sécurité informatique
      ou
    2. Hacker, personne qui aime comprendre le fonctionnement interne d’un système, en particulier des ordinateurs et réseaux informatiques.
    Le bitesize de la BBC inclut des jeux et un guide du nouveau parcours de formation des enfants au code. ©BBC

    Sur ces bases, il est possible d’imaginer que nombreux sont ceux qui pensent que le hacker développe de façon positive son imagination, code, invente, crée. Qu’il reflète le plaisir exprimé par le jeune Max, 10 ans, choisi par la BBC dans le cadre de l’effort national qui fait que depuis le 1er septembre 2014 c’est depuis l’âge de 5 ans qu’on enseigne la programmation aux jeunes Britanniques.

    Le lecteur averti de cet article aura cependant noté que parmi les 3 définitions en anglais et les 2 en français l’une pouvait permettre une interprétation malicieuse. C’est celle qu’a choisi –semble-t-il- un homologue français de la BBC, qui fait dire à un personnage « hacker, c’est un escroc du net ».

    Ou le choix entre proposer que coder soit un plaisir… ou un vice.
    Colin de la Higuera.

  • Il a existé une culture écrite avant le linéaire B

    Ceux qui, tel Michel Onfray voienttwitt-onfray-oct14 un oxymore dans le fait de rapprocher humanités et informatique, ou apprentissage de l’écriture et apprentissage de la programmation, propagent une vision singulièrement partielle de la culture écrite.

    Tablette précunéiforme, ©2011 Musée du Louvre, thierry Ollivier
    Tablette précunéiforme, ©2011 Musée du Louvre, Thierry Ollivier

    Les premières traces écrites dont nous ayons connaissance, des tablettes qui datent de 3300 av. J.-C., sont pour la plupart des pièces de comptabilité ou d’inventaire (voir par exemple les tablettes archaiques), qui expriment des données sur lesquelles des algorithmes opèrent, notamment des algorithmes de comparaison d’entiers naturels et de listes.

    Face à l’irrédentisme de ceux qui nient la dimension technique de l’écriture, réaffirmons que l’écriture est antérieure au linéaire B, que les humanités et les sciences ont beaucoup à s’apprendre et qu’imaginer un professeur de sciences et un professeur de lettres travaillant ensemble n’est une bizarrerie que dans leur tête.

    Gilles Dowek

  • Jules Ferry 3.0

    Le 3 octobre 2014, le Conseil national du numérique (CNNum) a publié ses recommandations pour bâtir une école créative et juste dans un monde numérique. Le titre du rapport est Jules Ferry 3.0 – rencontre improbable entre l’un des pères fondateurs de l’identité républicaine et le Web 3.0, le Web des connaissances. Serge Abiteboul, qui est membre du CNNum et a participé à l’écriture du rapport, et Gilles Dowek, qui a été auditionné dans le cadre de sa préparation, considèrent pour Binaire un des aspects abordés par ce rapport : l’enseignement de l’informatique.

    Jules_Ferry_Nadar

    Jules Ferry, Wikipédia

    Notre idéal éducatif est tout tracé. L’éducation du peuple aujourd’hui a une dimension personnelle. Son objectif est de donner à chacun sa chance non pas en servant à chacun la même soupe amère au nom d’une égalité mal comprise mais en permettant à chacun d’accéder à l’éducation adaptée à sa demande, Jules Ferry, 1870

    Programme ou tu seras programmé ! Douglas Rushkoff, 2012

    L’École traverse une crise existentielle : elle paraît bien désarmée face à la révolution numérique et peine, par exemple, à intégrer un enseignement de l’informatique dans ses programmes. Pour essayer de contribuer à cette nécessaire transformation de l’École, le Conseil National  du Numérique évoque, dans un rapport publié ce 3 octobre, les mânes de  l’idéal républicain et  réaffirme la nécessité de l’École gratuite et obligatoire pour tous : « L’enseignement de l’informatique de l’école primaire au lycée. C’est une réponse à l’attente sociale d’une politique de l’égalité : permettre à tous les élèves d’avoir une « clé » pour comprendre le monde numérique, participer à la vie sociale et se préparer à de nouveaux mondes professionnels. »

    Le défi est immense : il faut « Construire l’école solidaire et créative d’un monde numérique » et il faut agir rapidement, comme le soulignait déjà le rapport publié l’année dernière par l’Académie des Science, « Il est urgent de ne plus attendre ».
    Le rapport du CNNUM est organisé en 7 chapitres qui structurent ses recommandations :
    1.    Enseigner l’informatique : une exigence
    2.    Installer la littératie de l’âge numérique
    3.    Oser le bac Humanités Numériques
    4.    Vivre l’école en réseau
    5.    Relier la recherche et l’éducation
    6.    Accompagner l’explosion des usages éditoriaux
    7.    Accepter les nouvelles industries de la formation

    Ce rapport est riche et touffu et nous en conseillons la lecture à tous ceux qui s’intéressent aux questions d’éducation. Nous nous limitons dans ce post au premier chapitre, consacré à l’enseignement de l’informatique, parce qu’il nous semble particulièrement important pour le futur de notre pays et parce qu’il rejoint un combat que nous menons depuis plusieurs années.

    Cette exigence d’enseigner l’informatique, qui revient dans de nombreux rapports, en France comme à l’étranger, est en train de s’imposer. Le rapport va plus loin en proposant trois mesures simples et concrètes pour lancer son installation :

    • A l’école primaire : offrir aux professeurs la formation en informatique qui les aidera à répondre aux attentes de leurs élèves.
    • Au collège : démarrer un enseignement d’informatique d’un an, en classe troisième,  sur le temps de la technologie, centré sur la programmation et de l’algorithmique.
    • Au lycée : offrir à tous les élèves la possibilité de choisir l’option Informatique et Science du Numérique en terminale.

    Le rapport insiste sur un indispensable renouvellement des méthodes pédagogiques qui doit accompagner un enseignement de l’informatique. Ce nouvel enseignement doit, par exemple, être l’occasion de développer un enseignement par projet, aujourd’hui encore trop limité dans nos Écoles. En plaidant pour que ces projets soient le plus souvent possible proposés en collaboration avec d’autres disciplines, le rapport suggère aussi d’estomper les murs qui séparent trop souvent les disciplines.

    Le rapport insiste également sur l’aspect qui nous semble le plus important pour faire de cette métamorphose de l’École une réussite : la formation des professeurs. Pour le collège et le lycée, il rappelle la nécessité de développer un corps de professeurs d’informatique ayant reçu une formation solide dans la discipline, de niveau bac+5, car c’est le niveau requis en mathématiques, en physique, en anglais ou en latin. Le rapport propose des chiffres précis. Par exemple, enseigner l’informatique au collège demande 3500 postes. Et l’expérience a montré que l’on était bien loin de fournir un tel nombre d’enseignants en «  transformant » simplement des enseignants d’autres disciplines en informaticiens. Il est donc urgent  pour l’Éducation nationale de recruter des informaticiens.  Des pistes sont suggérées dans le rapport pour trouver les candidats dont notre système éducatif a besoin.

    Si l’enseignement de l’informatique est l’objet du premier chapitre, il est présent à plusieurs autres endroits du rapport. Il permet par exemple d’établir une littératie numérique sur des bases solides. Il se marie à l’enseignement des  humanités, pour construire le Bac Humanités numériques, etc. La proposition de ce Bac Humanités numériques va à l’encontre de l’idée reçue que l’informatique est une affaire qui   concerne uniquement les scientifiques, voire les ingénieurs. L’enseignement de l’informatique doit au contraire s’adresser à toutes et  tous, et peut-être au lycée, en priorité aux littéraires qui, plus que les autres élèves, risquent de rater leur dernière chance d’apprendre un peu d’informatique.

    Le CNNum s’est autosaisi de ce sujet de l’éducation au numérique. Il a longuement écouté des spécialistes de la question, beaucoup de professeurs et d’intervenants de l’éducation populaire. C’est ce long travail coopératif qui a abouti à ces propositions. Ces propositions ne constituent qu’un début, et gageons qu’on reprochera au CNNum de ne pas être allé assez loin. Mais ces propositions ont le mérite d’être réalisables à la rentrée prochaine.

    Ces propositions demanderont certes de l’énergie et on peut parier que la tâche paraîtra certainement insurmontable au Ministère de l’Éducation nationale. Elle le serait sans doute si ce ministère agissait seul, mais c’est un effort collectif qu’il s’agit d’organiser, avec les élèves qui jouent là leur avenir, les familles qui sont en demande,  les professeurs, sur les épaules desquels repose la responsabilité de la réussite de ce projet, les entreprises qui ont besoin d’employés compétents, et la société dans son ensemble, qui vivra plus harmonieusement avec des citoyens à même de comprendre le monde numérique dans lequel ils évoluent.

    Nous sommes tous concernés et c’est collectivement que le pays doit saisir cette occasion.

    Serge Abiteboul et Gilles Dowek

  • Antoine Petit, Président Directeur Général d’Inria

    Antoine Petit vient d’être nommé Président Directeur Général d’Inria, établissement public de recherche dédié aux sciences du numérique (le 28/9/2014). Comme il était au bon vieux temps professeur à l’Ecole Normale Supérieure de Cachan, Binaire a demandé à Alain Finkel, professeur à l’ENS Cachan, qui l’a côtoyé quand il était encore professeur, de nous parler de cette personnalité du monde de la recherche en informatique. Il nous raconte un chercheur, un enseignant, la genèse d’un dirigeant.

    antoineAntoine Petit

    Je connais Antoine Petit depuis 30 ans. Je l’ai rencontré au début des années 1980 dans un groupe de recherche qui utilisait la théorie des langages pour étudier le calcul parallèle et la vérification de programme. Les séminaires avaient lieu dans le sous-marin au LITP*. Antoine faisait sa thèse avec Luc Boasson. Je me souviens de discussions passionnées : Luc soutenait que la recherche devait être motivée par le plaisir quand Antoine défendait qu’il fallait aussi s’intéresser aux applications. Antoine aura par la suite à cœur de faire, personnellement, de la recherche fondamentale en prise avec les applications et, comme responsable, d’éviter qu’un laboratoire ne s’enferme dans une recherche uniquement  fondamentale.

    J’ai retrouvé Antoine à l’Université Paris Orsay où nous étions tous les deux maitres de conférences. J’ai été impressionné par sa grande liberté de penser, son absence d’à priori et de préjugés, qui lui permettent de trouver des solutions originales pour atteindre ses objectifs. J’ai découvert ses capacités exceptionnelles : il est à la fois un chercheur brillant (beaux résultats, très belles présentations pédagogiques, papiers dans les très bonnes conférences) et un stratège hors-norme. S’il y avait dans notre domaine d’autres chercheurs brillants, je n’en connaissais pas avec ses talents de stratège.

    picture-015Antoine Petit, à la Conférence annuelle sur « Computer Science Logic », 2001, @ LSV

    En 1995, il est devenu professeur à l’ENS Cachan. C’est aussi un enseignant brillant. C’est un spécialiste de ces méthodes formelles qui permettent de vérifier des systèmes informatiques calculant en le temps réel, et avec plusieurs processus en parallèle». Il a notamment dirigé la thèse d’une de nos stars, Patricia Bouyer, sur les automates temporisés (des automates finis auxquels on adjoint des horloges ce qui permet d’exprimer et vérifier des propriétés temporelles). Patricia est aujourd’hui DR CNRS, médaille de bronze et prix EATCS Presburger. Malgré ses responsabilités, Antoine a tenu à continuer à faire de la recherche jusqu’assez récemment .

    Les débuts de l’informatique à l’ENS Cachan ne furent pas toujours faciles. Certains  collègues d’autres disciplines souhaitaient une informatique à leur service. Comme Directeur du département Informatique (1995 a 2001), Antoine a eu à négocier pied à pied. Il ne quittait pas ses objectifs de vue et savait déployer une grande créativité pour les atteindre ou résister aux contraintes. Les arguments d’autorité n’avaient aucune prise sur lui. Ni la colère ou les menaces de son interlocuteur. Antoine n’est pourtant pas infaillible. Il a échoué à faire évoluer la cantine de l’ENS Cachan sur un point important. En 1995, il était possible de prendre deux plats définis à l’avance, écrits sur un tableau, par exemple un « steak haricot verts » ou un « poulet frites » mais pas une combinaison comme un « steak frites », et cela bien que les différents composants soient dans des bacs séparés. Antoine s’est battu mais il a perdu.  L’ensemble {steak, poulet, haricots verts, frites¬¬} muni de la combinaison cantinière officielle n’était pas un monoïde (**) et n’était certainement pas libre.

    Son goût de la compétition et de la performance ne s’exprime pas seulement dans le domaine scientifique. Il est passionné par le sport, surtout le rugby. (A son époque cachanaise, il lisait L’équipe tous les jours.) Il adore utiliser des métaphores sportives. S’il veut convaincre de viser l’excellence, il parle de : « jouer en première division ». Dans ces métaphores, on retrouve tout le plaisir qu’Antoine trouve dans la recherche, tout ce plaisir qu’il aimerait que les chercheurs des structures qu’il dirige partagent. Oui. Antoine sait se placer où il faut quand il faut ; il est là où arrive le ballon. Et, je ne parle pas d’opportunisme mais d’intuition, d’analyse, de raisonnement.

    Je me souviens encore de l’entretien que j’ai eu en 1995 avec Antoine pour sa candidature à l’ENS Cachan. Je lui ai prédit une carrière de ministre mais pour l’instant, il n’a été que :
    •    Directeur scientifique du département STIC du CNRS (2001-2003)
    •    Directeur interrégional Sud-Ouest au CNRS (2004-2006)
    •    Directeur d’INRIA Paris-Rocquencourt (2006-2010)
    •    Directeur général-adjoint d’INRIA (2010-2014) et enfin
    •    Président Directeur Général d’INRIA aujourd’hui.

    Antoine n’est pas encore ministre, mais sa carrière n’est pas terminée loin s’en faut. 🙂

    Alain Finkel, Professeur ENS Cachan

    (*) Laboratoire d’informatique théorique et programmation de Paris 7, maintenant LIAFA  de Université Paris Diderot
    (**) Blague de geek. Un monoïde est une structure algébrique. L’ensemble des mots d’un alphabet muni de l’opération de concaténation forme un monoïde libre.

  • Gérard Berry, traqueur de bugs

    Un informaticien médaille d’or du CNRS 2014 (communiqué du 24 septembre)

    college2Gérard Berry en cours au Collège de France

    C’est un chercheur en informatique qui vient de recevoir la médaille d’or du CNRS, la plus haute distinction scientifique française toutes disciplines confondues. Les informaticiens sont rares à avoir été ainsi honorés : ce n’est que la seconde fois, après Jacques Stern en 2006.

    Gérard Berry est un pionnier dans un nombre considérable de domaines informatiques : le lambda-calcul, la programmation temps réel, la conception de circuits intégrés synchrones, la vérification de programmes et circuits, l’orchestration de services Web. Il a été l’un des premiers informaticiens académiciens des sciences, le premier professeur d’informatique au Collège de France.

    Parmi ses grandes inventions, essayons d’en expliquer une, le langage Esterel.

    Sad_macEcran indiquant un code erreur sur
    les premières versions de Macintosh. @Wikipédia

    Nous sommes entourés de systèmes d’une incroyable complexité : téléphones, moteurs de recherche, avions, centrales nucléaires. Ils fonctionnent tous avec du matériel informatique (des circuits) et du logiciel informatique (des programmes). Mais alors que le plantage d’un téléphone ou même d’un moteur de recherche est anodin, il en est tout différemment des avions, des centrales nucléaires ou encore des pacemakers. Pour ces derniers, le bug peut provoquer un désastre. Pour ne donner qu’un exemple, c’est un bug qui est à l’origine de la destruction d’Ariane 5, de l’Agence spatiale européenne, quarante secondes seulement après son décollage, le 4 juin 1996. Or un bug, c’est souvent une seule ligne de code erronée sur des millions qui composent un programme. Ça vient vite ! Et ça peut faire mal.

    Comment éviter les bugs ? On peut bien sûr tester davantage les programmes. Cela permet de trouver beaucoup d’erreurs, mais combien d’autres passeront à travers les mailles du filet ? Une autre solution, c’est d’intervenir en amont dans le processus de création de programme, par exemple en fournissant aux informaticiens de meilleurs outils de conception, de meilleurs langages de programmation. C’est l’approche que prône Gérard Berry.

    Les langages de programmation standards sont mal adaptés aux situations rencontrées dans des systèmes aussi complexes que des avions. Il faut tenir compte à la fois du matériel et du logiciel, du fait que nombreuses tâches s’exécutent en parallèle, que parfois la même tâche est exécutée plusieurs fois pour se protéger d’une panne d’un composant. Surtout, il faut utiliser des modèles qui tiennent compte du temps, des délais de réponse, des mécanismes de synchronisation. Le nouveau concept de langage synchrone a permis de répondre à cette situation. Ce concept a été découvert et promu par Gérard Berry et ses collègues au travers notamment du langage Esterel. Ce langage ainsi que d’autres langages synchrones développés en France, comme Lustre et Signal, ont eu un impact majeur dans le monde entier.

    Mais comment un langage peut-il aider à résoudre des problèmes aussi complexes ? D’abord, parce qu’il permet de décrire les algorithmes que l’on veut implémenter sous une forme compacte et proche de l’intention du programmeur. Ensuite, parce que ce langage est accompagné de toute une chaîne d’outils de compilation et de vérification automatique, qui garantit que le produit final est correct.

    Les langages synchrones ont constitué une avancée scientifique majeure. Gérard Berry est allé plus loin encore, et les a emmenés dans l’aventure industrielle en cofondant la société Esterel Technologies. Ces langages sont aujourd’hui incontournables dans des domaines comme l’aérospatial ou l’énergie.

     

    Sa notoriété, Gérard l’a aussi mise au service du partage de la culture scientifique pour permettre à chacune et chacun de comprendre « pourquoi et comment le monde devient numérique ». Il passe un temps considérable, souvent avec des jeunes, à expliquer les fondements et les principes de la science informatique. Un défi !

    L’enseignement de l’informatique est l’un de ses grands combats. Il a dirigé avec Gilles Dowek l’écriture d’un rapport important sur la question. Un autre défi ! Alors qu’il  s’agit d’éducation, de science et de technique, l’Etat se focalise souvent sur le haut débit et l’achat de matériel. Un pas en avant et au moins un en arrière. Mais il en faut bien plus pour entamer l’enthousiasme de Gérard Berry.

    Gérard Berry est un inventeur. Au-delà d’Esterel, c’est un découvreur des modèles stables du lambda-calcul, un inventeur de machine abstraite chimique, un concepteur de langages d’orchestration d’objets communicants, comme HipHop. Gérard Berry s’investit avec enthousiasme dans ses nombreuses fonctions des plus académiques, comme professeur au Collège de France, aux plus mystérieuses, comme régent de déformatique du Collège de Pataphysique.

     

    Les Mardis de la science

    Et quand vous passerez devant une centrale nucléaire, admirez le fait que même s’il utilise des logiciels et matériels bien plus compliqués que votre téléphone, son système informatique ne « plante » pas, contrairement à celui de votre téléphone. Quand vous volerez, peut-être au-dessus de l’Atlantique, réjouissez-vous que le fonctionnement de votre avion soit plus fiable que celui de votre tablette. Et puis, de loin en loin, pensez que tout cela est possible parce que des chercheurs en informatique comme Gérard Berry ont mis toute leur créativité, toute leur intelligence pour développer cette science et cette technique qui garantissent la fiabilité des systèmes informatiques.

    Serge Abiteboul (Inria), Laurent Fribourg (CNRS) et Jean Goubault-Larrecq (École normale supérieure de Cachan)

    Pour aller plus loin

    1. « Science et conscience chez les Shadoks ! », vidéo
    2. « L’enseignement de l’informatique en France. Il est urgent de ne plus attendre », rapport de l’Académie des sciences, 2013
    3. « L’informatique du temps et des événements », cours au Collège de France 2012-2013)
    4. « Penser, modéliser et maîtriser le calcul », cours au Collège de France 2009-2010)
    5. « Pourquoi et comment le monde devient numérique », cours au Collège de France 2007-2008)
    6. Entretien avec Gérard Berry, Valérie Schafer, technique et science de l’informatique

    PS. : une citation de Gérard Berry, pataphysicien, « L’informatique, c’est la science de l’information, la déformatique, c’est le contraire. »

    PPS de Binaire : Une amie non informaticienne nous a écrit pour nous dire que le sujet était passionnant mais qu’elle n’avait pas tout compris, en particulier comment un langage comme Esterel pouvait aider. Binaire reviendra sur ce sujet avec Gérard Berry. Mais en attendant, nous conseillons une lecture qui tente d’aller plus loin dans les explications.

     

  • Un informaticien Médaille d’or du CNRS 2014 : Gérard Berry

    college2

    Annonce par Alain Fuchs, président du CNRS.

    Voir un article récent dans Binaire : l’informatique s’installe au college de france

    Et sa page dans Wikipédia.

    La médaille d’or du CNRS est la plus haute distinction scientifique française. Elle est décernée par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) tous les ans depuis sa création en 1954. Elle récompense « une personnalité scientifique qui a contribué de manière exceptionnelle au dynamisme et au rayonnement de la recherche ».

    Gérard a apporté des contributions majeures en sciences informatiques. Grâce à ses collègues et lui, nous comprenons mieux, par exemple, comment fonctionne un système numérique (logiciel et/ou matériel) qui interagit en temps-réel avec son environnement et comment on peut garantir la logique de son fonctionnement.
    Et depuis que Gérard est devenu un scientifique académicien célèbre, il fait cette chose exemplaire de mettre sa notoriété au service du partage de la culture scientifique pour permettre à chacune et chacun de comprendre « pourquoi et comment le monde devient numérique ».

  • Cod cod coding à Nancy

    codcodcoding-logoCod Cod Coding ? C’est le nom de la toute nouvelle activité de programmation créative récemment qui vient d’éclore au sein de la MJC centre social Nomade à Vandoeuvre-lès-Nancy.

    Avec Cod cod coding, les poussins à partir de 8 ans peuvent inventer des jeux, des histoires animées, ou simuler des robots avec l’ordinateur.  Le partage d’une culture scientifique en informatique est-il un problème de poule et d’œuf ?  Comment ceux qui ne sont pas du tout initiés aux sciences du numérique peuvent-ils comprendre la pertinence et la nécessité de partager des sciences du numérique ? Voire même une source de querelles de poulaillers ? Est-ce que nos mômes seront initiés à ces sciences du XXième siècle quand les poules auront des dents ? Plus maintenant !

    codcodcoding-vueatelierBien loin de ces prises de bec et sans jamais casser d’œufs, un jeune chercheur en sciences informatiques consacre une partie de son activité à permettre aux enfants de découvrir, en jouant, comment faire éclore des bout de logiciels pour co-créer le monde numérique de demain.  Avec le logiciel Scratch, ils apprennent : la logique, l’algorithmique, le codage numérique de l’information. Ils auront même le droit de se tromper pour trouver des solutions (seul ou avec ses voisin(e)s), personne n’est là pour leur voler dans les plumes !! Oui, apprendre le code, c’est aussi une seconde chance de picorer quelques grains de science, y compris pour ceux qui sont plus ou moins à l’écart du nid scolaire.

    Et pour en savoir plus, rendez-vous sur le blog associé à cette activité,  une poule aux œufs d’or pour partager les réalisations des participants ! Voir aussi comment faire de l’informatique en primaire, comme nous l’explique Martin Quinson. Et si vous cherchez un lieu de ce type près de chez vous : rendez-vous sur jecode.org qui offre une carte de France de ces initiatives.

    Florent Masseglia et Véronique Poirel, propos recueillis par Thierry Viéville  et Marie-Agnès Enard.

    codcodcoding-tweets

  • Informatique en primaire, comment faire ?

    Les ministres de l’éducation nationale changent, mais l’idée de commencer à initier à la programmation informatique en primaire, fait son bonhomme de chemin comme les questionnements qu’elle soulève. Martin Quinson, enseignant-chercheur en informatique, a proposé une analyse sur son blog : «Informatique en primaire, comment faire ?». Avec d’autres, nous avons trouvé son texte passionnant. Nous avons demandé une fiche de lecture à une enseignante, amie de Binaire.

    On parle donc de mettre en place des activités, destinées à enseigner l’informatique au plus grand nombre et au plus vite. Comment alors apporter des éléments de réponses aux nombreuses questions pratiques qui se posent, notamment sur ce qu’il convient d’enseigner, et sur la démarche à adopter ?

    Les objectifs pédagogiques

    ©letourabois.free.fr

    Il y a un terme fédérateur : celui de littératie numérique des enfants. En adaptant la définition de littératie donnée par l’OCDE, on peut parler de « l’aptitude à comprendre et à utiliser les technologies de l’information et de la communication dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité en vue d’atteindre des buts personnels et d’étendre ses connaissances et ses capacités ».

    Comment faire alors en sorte que les enfants soient capables de faire un usage raisonné de l’informatique et des ordinateurs ? Si quelques idées sont disponibles dans ces propositions d’orientations générales pour un programme d’informatique à l’école primaire, d’autres éléments de réponse complètent cette vision :

    ©scratch.mit.edu

    Que les enfants soient capables de créer des petites choses sur ordinateur, comme ils sont capables d’écrire de petits textes ou faire des dessins à l’heure actuelle. Mais aussi qu’ils puissent créer leur propre carte de vœux animée pour la fête des mères, sans avoir à choisir parmi des cartes toutes faites sur http://www.dromadaire.com ou ailleurs, ou encore qu’ils soient capables de faire de petits dessins animés pour raconter des petites histoires, de complexité comparable aux rédactions qu’ils font déjà. Enfin, qu’ils puissent réaliser leurs propres petits jeux informatiques, qui auront le mérite d’être leurs propres créations même s’il ne s’agit pas de futurs blockbusters.

    Voilà qui est clair et proche du quotidien.

    Faut-il faire des « Coding Goûters » ?

    ©jecode.org

    Un « Coding Goûter » est une animation qui se déroule une demi-journée, où les enfants et leurs parents apprennent ensemble la programmation créative, avec des accompagnateurs, mais sans professeur. Ce format est particulièrement bien trouvé et des micro-formations pour aider les collègues qui voudraient se lancer sont proposées côté Inria. Cependant, la réponse est à nuancer, car ce format n’est pas généralisable, en l’état actuel, pour des activités récurrentes en milieu scolaire sans formation des enseignants. Voyons donc les autres possibilités d’animation.

    . . ou de la programmation créative ?

    Comme dit Claude Terosier de chez Magic Makers, il s’agit d’apprendre à coder pour apprendre à créer . Dans la même lignée, s’organise une activité pilote à la rentrée à la MJC Nomade de Vandœuvre-les-Nancy sur ce modèle. Leur club s’appelle Cod Cod Coding .

    ©codcodcoding

    L’un des points forts de l’outil le plus répandu Scratch, c’est sa communauté d’utilisateurs. De très bons pédagogues diffusent beaucoup de bonnes ressources, ce qui est pratique quand on débute. Cette communauté se réuni tous les deux ans, lors d’événements très enrichissants. On peut s’appuyer sur ce guide présentant dix séances clé en main, ou sur celui-ci, également bien fait. Et on trouve de bonnes ressources sur le wiki de http://jecode.org.

     

    Oser l’informatique débranchée

    ©csunplugged.org

    Comprendre comment est représentée l’information une fois numérique ou découvrir un algorithme ou ce que sont les algorithmes, c’est possible sans machine, sous forme de jeux, de devinette ou d’activité avec un crayon et un papier. Et c’est précieux : cela montre que c’est une façon de penser, pas que d’utiliser les machines. Cela permet aussi à ce qui ne raffolent pas de technologie de comprendre aussi. Faire à chaque séance un peu de débranché au début, un temps d’activités sur machine, avant un petit retour tous ensemble à la fin semble une excellente idée.

    Sans aller jusqu’à introduire la notion d’algorithme avant le premier passage sur machine, il est possible d’utiliser des activités débranchées pour expliquer ce que programmer veut dire. Cette activité semble particulièrement pertinente pour cela. Ensuite, si les enfants ont encore un peu de patience, vous pouvez enchaîner avec les activités débranchées mises au point avec Jean-Christophe Bach, ou d’autres activités débranchées existantes.(…)

    Mise en œuvre pédagogique.

    ©images.math.cnrs.fr

    Prenons l’exemple de l’enseignement de Scratch. On peut opter pour une approche traditionnelle avec un chapitre sur les variables, un chapitre sur les boucles, un autre sur les conditionnelles. Mais on peut aussi retourner le modèle, et commencer par faire un petit Angry Birds (en utilisant des conditionnelles sans s’en rendre compte, du moins jusqu’à la fin du chapitre où l’on verbalise la notion après usage), continuer par un casse brique (et utiliser des variables sans apprendre explicitement ce que c’est), puis un Pong (mettant du parallélisme en œuvre sans réaliser avoir besoin de le dire), etc. Voilà ce qui marche pour de vrai, avec les enfants du primaire. Et ensuite de montrer ce qu’on a découvert : les ingrédients de tous les algorithmes du monde.

    Comme support, on recommande ce livre. Il s’agit d’une bande dessinée racontant les aventures d’un chat et d’un étudiant en informatique. Au fil des 10 chapitres, on est amené à programmer des petits jeux pour « débloquer » l’aventure jusqu’au chapitre suivant. On apprend les bases de la programmation créative.

    Sinon, l’un des dix principes de « La main à la pâte » est de faire tenir un cahier de laboratoire aux enfants, où ils consignent leurs expériences et conclusions avec leurs mots à eux.

    Utilisation du matériel.

    Un ordinateur pour deux enfants suffit. La programmation en binôme est très efficace. Le plus important est de s’assurer que les rôles s’inversent régulièrement, et qu’aucun enfant ne monopolise la souris. Être deux par machine force les enfants à planifier leurs activités au lieu de se laisser porter par la souris, sans but précis.

    Et après ?

    Voilà donc l’état des réflexions. Mais on est  pas seuls: l’équipe invite à discuter tous ensemble au fur et à mesure des avancées sur ce qui fonctionne et les problèmes rencontrés. C’est aussi pour cela qu’elle a fondé http://jecode.org  : faire se rencontrer les volontaires souhaitant enseigner, informer à propos des lieux qui veulent organiser des ateliers, mettre en lien les acteurs qui désirent apprendre l’informatique. Inscrivez-vous sur la liste de diffusion pour échanger sur ces sujets.

    Alice Viéville.

     

  • Le « grand plan numérique » du président : pour quoi faire ?

    Le numérique est déjà omniprésent dans nos maisons et au travail. On peut naturellement penser qu’il est temps que l’école en profite aussi. Mais en pratique, quels problèmes concrets pourraient être résolus par le « grand plan numérique » annoncé par François Hollande ? Claire Mathieu, Directrice de recherche CNRS, spécialiste en algorithmique, aborde le sujet. 

    D’une part, il y a les problèmes de communication dont voici quelques exemples.

    1. L’enfant n’a pas écrit quels devoirs il a à faire pour le lendemain. Les parents doivent téléphoner aux autres parents pour essayer de récupérer les informations. Solution : l’enseignant pourrait mettre la liste des devoirs à faire sur le site internet de l’école.
    2. L’enfant n’a pas rapporté son livre ou sa feuille d’exercices à la maison. Les parents doivent trouver une autre famille qui a le document nécessaire, et aller en catastrophe le leur emprunter. Solution : l’éditeur pourrait avoir une version numérique de son livre, accessible sur le site internet de l’école. L’enseignant pourrait télécharger sur le site web de l’école les documents supplémentaires.
    3. L’enfant ne fait pas signer le cahier de classe à ses parents. Solution : les résultats de l’enfant pourraient être accessibles à ses parents sur le site internet de l’école, et ceux-ci pourraient « signer » par internet.
    4. Les enseignants perdent du temps à rassembler autorisations pour les sorties, attestations d’assurance, et autres paperasses. Solution : ces attestations pourraient être téléchargées directement par les parents sur le site internet de l’école.
    5. On découvre en arrivant à l’école qu’il y a une grève ou qu’un enseignant est absent. Solution : afficher ces informations sur le site internet de l’école.
    6. Un enfant est malade. Solution : Les parents envoient la lettre prévenant qu’il est malade, directement sur le site internet de l’école. Ils se tiennent au courant de ce qui est enseigné grâce à ce site, afin que l’enfant rattrape son retard.

    D’autre part, il y a les problèmes dus à la diversité et aux limitations des uns et des autres.

    1. Certains n’apprennent pas à la même vitesse que les autres. Solution : s’il y avait au fond de la classe, dans le coin bibliothèque, quelques tablettes sécurisées avec des logiciels éducatifs associés aux manuels scolaires, l’enseignant pourrait demander aux enfants plus lents ou plus rapides de passer du temps à apprendre avec l’aide du logiciel.
    2. L’enseignant est censé apprendre aux enfants un large programme de sciences, d’histoire, d’art, etc., mais il y a des domaines auxquels il ne connaît pas grand-chose. Solution : il peut préparer son cours plus facilement avec des logiciels de cours sur internet préparés par les éditeurs de manuels scolaires.
    3. Il y a des moments dans la journée où l’attention baisse et où les enfants ont du mal à se concentrer. Solution : une activité supplémentaire pour laquelle les possibilités sont multipliées grâce à internet pourrait être de projeter un film documentaire. On n’est plus limité par la bibliothèque de films de l’école.
    4. Des enfants n’aiment pas l’école, s’ennuient, font des bêtises, dérangent la classe. Solution : les occuper à bon escient par des jeux éducatifs sur les tablettes.

    Il ne s’agit pas là de faire des changements fondamentaux, mais d’utiliser l’outil numérique pour faciliter le quotidien de manière très concrète.

    Que faut-il pour réaliser ces modestes objectifs ?

    • Du point de vue des ressources matérielles et logicielles, il faut qu’internet soit disponible, que les éditeurs aient une version numérique de leurs manuels scolaires avec logiciels associés, qu’un cadre existe pour créer des sites web scolaires faciles à consulter et à modifier, mais également sécurisés et protégeant les informations privées des élèves ; il faut aussi que les classes aient des tablettes ou portables qui soient protégés contre le vol et que leur maintenance soit assurée. Pour les familles qui n’ont pas internet chez elles, il faut absolument (c’est une question d’équité) que les parents puissent, à la mairie, à la bibliothèque municipale, ou dans un autre lieu, avoir accès au site internet de l’école.
    • Du point de vue des compétences, il faut que les enseignants sachent utiliser le site web de l’école, consulter les versions numériques des manuels, produire des contenus numériques. Il faut que les parents sachent communiquer avec l’école par l’intermédiaire du site web. Des formations sont pour cela nécessaires, pas très longues mais récurrentes puisque la question se repose chaque année.
    • Enfin, pour les réfractaires irréductibles, il faut un « pont » qui permette de continuer à recevoir les messages des parents comme avant tout en mettant à jour le dossier numérique de l’élève (grâce à un scanner par exemple), et qui permette aux parents de savoir quand même ce qui se passe à l’école par des moyens traditionnels (panneau d’affichage par exemple). Il faut donc prévoir de recruter le personnel adéquat pour ce travail supplémentaire, au moins pendant une période de transition de quelques années.

    Bien sûr, tout cela a un coût. Globalement il n’est pas clair que ce plan ferait gagner du temps aux enseignants, mais il permettrait d’améliorer la communication entre parents et enseignants, et d’améliorer l’apprentissage grâce à un enseignement plus personnalisé. Il est donc raisonnable de penser que la population est prête à ce qu’une fraction de ses impôts soit utilisée pour cela.

    Pour aller plus loin.

    L’introduction du numérique dans le quotidien de l’école ne serait qu’un premier pas. Une fois l’outil présent, on peut s’en servir avec plus d’ambition. Par exemple, les enfants pourraient écrire un journal de leur école, qui (avec une équipe motivée) pourrait être de qualité quasiment professionnelle. Pour les écoles jumelées, il y aurait des perspectives de collaborations nouvelles. Il pourrait être envisageable que les enfants malades, s’ils sont suffisamment en forme, suivent quand même la classe en même temps que les autres avec une « webcam ». Des exercices de style QCM, conçus par les éditeurs, pourraient être corrigés par ordinateur au lieu de faire intervenir l’enseignant. Pour les enfants souffrant d’un handicap, des possibilités nouvelles existeraient. Pour les enfants curieux de comprendre comment ça marche, il serait possible d’avoir un enseignement de l’informatique. Les MOOCs, FLOTs et autres cours en-ligne auraient une chance d’être intégrés à l’enseignement. Plus généralement, une fois les automatismes acquis pour exploiter l’outil informatique, il serait beaucoup plus facile ultérieurement de profiter des futures avancées, et cela permettrait à la France de participer plus pleinement à la révolution du numérique dans la société.

    Claire Mathieu, École Normale Supérieure  Paris, CNRS

  • Votre vie numérique dans un Pims

    Une personne « normale » aujourd’hui a généralement des données sur plusieurs machines et dans un grand nombre de systèmes qui fonctionnent comme des pièges à données où il est facile de rentrer de l’information et difficile de la retirer ou souvent même simplement d’y accéder. Il est également difficile, voire impossible, de faire respecter la confidentialité des données. La plupart des pays ont des règlementations pour les données personnelles, mais celles-ci ne sont pas faciles à appliquer, en particulier parce que les serveurs de données sont souvent situés dans des pays avec des lois différentes ou sans véritable réglementation.

    Nous pourrions considérer qu’il s’agit du prix inévitable à payer pour tirer pleinement avantage de la quantité toujours croissante d’information disponible. Cependant, nous n’arrivons même pas à tirer parti de toutes les informations existantes car elles résident dans des silos isolés. La situation ne fait que s’aggraver du fait de l’accroissement  du nombre de services qui contiennent nos données. Nous sommes arrivés à un stade où la plupart d’entre nous avons perdu le contrôle de nos données personnelles.

    Pouvons-nous continuer à vivre dans un monde où les données sont de plus en plus importantes, vitales, mais aussi de plus en plus difficiles à comprendre, de plus en plus complexes à gérer ? De toute évidence, non ! Alors, quelles sont les solutions pour parvenir à un monde de l’information qui puisse durablement satisfaire ses utilisateurs ?

    Une première solution serait que les utilisateurs choisissent de déléguer toutes leurs informations à une entreprise unique. (Certaines entreprises rêvent clairement d’offrir tout le spectre des services de gestion d’information.) Cela faciliterait la vie des utilisateurs, mais les rendrait aussi totalement dépendants de cette société et donc limiterait considérablement leur liberté. Nous supposerons (même si c’est discutable) que la plupart des utilisateurs préfèrerait éviter une telle solution.

    Une autre possibilité serait de demander aux utilisateurs de passer quelques années de leur vie à étudier pour devenir des génies de l’informatique. Certains d’entre eux ont peut-être le talent pour cela ; certains seraient peut-être même disposés à le faire ; mais nous allons supposer que la plus grande partie des personnes préfèreraient éviter ce genre de solution si c’est possible.

    Y a-t-il une autre option ? Nous croyons qu’il en existe une, le système de gestion des informations personnelles, que nous appellerons ici pour faire court Pims pour « Personal information management system ».

    Pour aller plus loin : Article complet

    Serge Abiteboul Benjamin André Daniel Kaplan
    INRIA & ENS Cachan Cozy Cloud Fing & MesInfos

     

  • L’informatique à l’école : un pas bien timide, mais un pas quand même

    Depuis quelques mois les appels à un enseignement de l’informatique dans les écoles et lycées se multipliaient, traduisant l’impatience tant de parents que de personnalités politiques, de scientifiques et de représentants du monde numérique. En annonçant dans le Journal du dimanche du 13 juillet 2014 qu’il favoriserait « en primaire une initiation au code informatique, de manière facultative et sur le temps périscolaire », Benoît Hamon a fait un pas – certes timide mais difficile car le sujet n’est toujours pas consensuel.

    A défaut d’être la réponse attendue, c’est un signal d’encouragement aux très nombreux enseignants qui innovent jour après jour, luttent contre le décrochage scolaire, en s’appuyant sur les pratiques numériques de leurs élèves pour motiver et former aux approches critiques, mais butent vite sur le manque de compétences informatiques, le leur et celui de leurs élèves. C’est aussi un signal d’encouragement aux très nombreuses associations et aux rares collectivités territoriales qui ont pris à leur charge la formation à l’informatique que l’école différait. Les uns et les autres ont compris que la culture numérique implique une initiation précoce à l’informatique et ne saurait se suffire des « usages ». Les uns et les autres savent que la transition numérique de notre société appelle ces savoirs et savoir-faire, pour de futurs citoyens créatifs, solidaires et lucides.

    La programmation encourage naturellement l’apprentissage par l’essai-erreur, le travail collaboratif. Elle place les élèves dans des attitudes actives, créatives, de partage et de contribution. Un projet mené à bien est un plaisir, une fierté. Cela explique ses succès auprès d’élèves décrocheurs. L’entrée du « code » à l’école doit être l’occasion de participer à la transformation de l’enseignement.
    Si la volonté d’opérer en douceur semble être de mise avec une amorce par le périscolaire, le choix du primaire comme point de départ peut aussi s’envisager comme l’opportunité d’un changement de fond, une occasion de convergence entre les professeurs des écoles et les acteurs de l’éducation populaire, de la médiation scientifique et numérique, de l’entrepreneuriat social, pour une école ouverte, reliée aux territoires. Reste à savoir l’exploiter. Cet appel au riche tissu de ressources territoriales implique une gestion de projet, qui va mobiliser les directeurs d’école. Il faudra travailler en réseau entre écoles et associations, proposer aux animateurs et éducateurs qui le souhaitent une certification ou une validation d’acquis, l’enjeu pour les élèves étant la base d’une véritable littératie numérique qui aidera les autres savoirs fondamentaux à se révéler.

    Le recours au périscolaire ne pourrait évidemment seul suffire. Un enseignement périscolaire se doit d’être créatif, expérimental, ludique, émancipateur, non-institutionnel. Il peut enrichir l’enseignement scolaire, participer à faire évoluer contenus et méthodes, à cultiver des compétences transversales. Il ne peut se substituer à l’école. Une approche basée purement sur le périscolaire ne touchera pas tous les enfants, engendrera des inégalités entre territoires ruraux et agglomérations, entre écoles « branchées » et les autres (même si de telles inégalités pourraient être atténuées par des politiques volontaristes couteuses). Enfin et surtout sans une l’implication active des professeurs des écoles eux-mêmes, l’apprentissage de l’informatique par les enfants restera isolé des autres enseignements et ne pourra pleinement réussir.

    C’est là qu’une autre mesure annoncée par Benoît Hamon prend toute son importance, et traduit une vision qui dépasse heureusement la délégation aux associations : l’entrée de son enseignement dans les ESPE (les Ecoles Supérieures du Professorat et de l’Education), dont la loi de refondation de l’école a fait le cœur de la transformation numérique de l’enseignement. Il faut avancer rapidement et résolument dans ce sens et accompagner cette mesure par un développement de la formation continue dans ce domaine pour toucher la plus grande partie des professeurs des écoles. La formation de l’ordre de 350 000 professeurs des écoles est un défi considérable, que la profession va devoir organiser. On voit bien qu’il ne s’agit pas seulement de former tous les professeurs « au code », mais de les engager dans la transformation de leurs disciplines et de leur pédagogie, reconfigurées par la « société numérique » et désormais imprégnées par les sciences et techniques informatiques.

    Il faut aussi répondre aux inquiétudes légitimes : il ne s’agit pas de former de la main-d’œuvre pour l’industrie du logiciel ; il ne s’agit pas d’appendre à coder pour coder ; il ne s’agit pas d’apprendre une nouvelle discipline abstraite ; il ne s’agit pas non plus d’une démission de l’école, d’une brèche dans laquelle s’engouffreraient les nouveaux acteurs industriels de l’éducation numérique pour se substituer à l’école.

    Il reste que la tâche est complexe. Il faudra les efforts de tous et une mobilisation très large pour que ce projet réussisse.

    Au-delà de l’école primaire, la déclaration de Benoît Hamon touche le collège et le lycée. Il choisit de s’appuyer d’abord sur les professeurs de mathématiques et de technologie. C’est à court terme une solution. Le vivier de tels professeurs volontaires pour enseigner l’informatique existe mais on atteint vite ses limites, quand cela ne participe pas à accentuer comme en mathématiques une pénurie endémique de tels enseignants. Il est urgent d’ouvrir les portes de l’éducation nationale à des enseignants dont l’informatique est la compétence principale. Le vivier naturel se trouve dans les licences et master d’informatique, et aussi dans les entreprises pour des ingénieurs qui souhaiteraient une reconversion. Sur ce sujet, nous attendons une véritable vision qui fasse bouger les lignes.

    Benoît Hamon présente un projet qu’il faut concrétiser et enrichir. Tout ne peut se résumer à une brève initiation au « code informatique ». Il ne suffit pas de savoir écrire des programmes dans un langage informatique quelconque pour, par exemple, comprendre comment fonctionne le moteur de recherche de Google, l’encryption dans un système de vote électronique, ou une base de données « dans les nuages ». Au-delà des seuls aspects scientifiques et techniques, l’enseignement de l’informatique représente le chemin de l’acquisition d’une véritable culture numérique par tous. La formation de ses enseignants en informatique et en culture numérique est la clé de la réussite.  C’est bien là une des ambitions que l’éducation nationale doit porter dans les années à venir.

    Serge Abiteboul et Sophie Pène, membres du Conseil national du numérique

    Sur le site du CNNum

  • Lev Manovitch à Place de la Toile

    Interview de Lev Manovitch par Claire Richard à Place de la Toile.  Lev Manovich est professeur d’informatique à l’Université de New York, spécialiste des médias et de la visualisation de data masse. Il est l’auteur de Le langage des nouveaux médias et  l’an dernier de Software takes command.

    Ce Place de la Toile est le dernier de la saison et le dernier de Xavier de la Porte. C’est l’occasion, comme auditeur assidu,  de remercier Xavier pour de très bons moments, des moments forts, des moments intelligents qui forçent à réfléchir.

    A la question « Est-ce qu’il est important de comprendre comment fonctionnent les algorithmes », Manovitch répond évidemment que oui, une évidence pour les lecteurs de Binaire. Mais il soulève un problème : « Notre société ne repose plus sur une constitution de quelques pages de textes mais sur des algorithmes de millions de lignes de code, et ce code on ne peut pas le consulter ». Pas cool !

    En une phrase, il rejoint deux sujets sur lequel je m’arrache la tête depuis deux ans :

    Bon sang mais c’est bien sûr, les deux sujets sont très liés ! Pour vivre honnêtement dans une société numérique, il faut être formé pour cela (l’informatique) et il faut que la société arrête de nous entuber (la neutralité). Pour ça et le reste, allez écouter Manovitch et son accent russe des plus sympas.

    Serge Abiteboul

     

  • La science ne peut s’accommoder de certaines idées

    Dans Grand-peur et misère du IIIe Reich, Brecht nous indiquait comment la science ne pouvait s’accommoder de certaines idées. Il montrait également comment ces idées pénètrent une société, même quand elles y sont arrivées de façon tout à fait démocratique.
    Binaire est un Blog Scientifique. Il pourrait donc se contenter de regarder dans une autre direction, décider que les résultats électoraux en France n’ont aucun rapport avec Science et Technologie.

    Questionnements sur la montée du totalitarisme, mis en scène par Estelle Bordaçarre et joué par la jeune Compagnie Emoi ©Jolimome  

    Ou bien, il peut penser que si, justement, il y a un rapport.

    Si le lecteur de Binaire pense autrement, qu’il reste sur le site et nous continuerons à parler science et technologie. S’il accepte de voir un rapport, nous l’invitons à nous suivre sur ce lien externe.

    Colin, Eric, Marie-Agnès, Pierre, Serge, Sylvie et Thierry.

  • Des casques bleus pour le Net ?

    On parle souvent de « neutralité du réseau », dont le but est de participer à la liberté de communication et la liberté d’entreprendre. C’est d’abord un principe qui garantit l’égalité de tous les flux de données sur Internet. Ce principe exclut ainsi toute discrimination à l’égard de la source, de la destination ou du contenu de l’information transmise sur le réseau. Il est régulièrement répété et disputé.

    Un avis du Conseil national du numérique l’a défendu en 2013. Cet avis introduisait aussi la notion de « neutralité des plateformes ».  En étant un peu simpliste : à quoi servirait que le tuyau soit neutre (le réseau) si le robinet (la plateforme) décide pour vous ce que vous avez le droit de recevoir.

    axelleLa secrétaire d’état au numérique, Axelle Lemaire, à la remise du rapport: « Le Cnnum dans sa diversité est un modèle de la république numérique », © Léa Douhard

    Avant, les gens se connectaient directement au Web par un navigateur. Maintenant ils sont sur un téléphone en utilisant des applications. Et si le store ne veut pas de l’application que vous avez écrite parce qu’il lui préfère sa propre application qui a une fonction équivalente ? La plupart des gens passent systématiquement par un moteur de recherche. Et si le moteur de recherche ne vous référence que sur la deuxième page de résultats que quasi personne ne lit ? Parce que vous concurrencez un ses clients, ou même parce que vous concurrencez un des services de l’entreprise qui propose ce moteur ? Vos droits d’expression, d’exister, ont rétréci. Le droit des internautes d’accéder à votre contenu s’est rétréci. Ces grandes plateformes servent d’inter-médiation avec les utilisateurs. Elles peuvent, quand elles dominent trop, tuer la compétition, interdire l’innovation, réduire la liberté d’expression.

    Le CNNum a rendu aujourd’hui un avis sur la neutralité des plateformes. Plutôt que d’essayer un résumé d’un texte complexe, j’ai fait un choix (qui s’assume biaisé) de points soulevés dans les quatre volets de ce rapport.

    Volet I – Renforcer l’effectivité des droits sur les plateformes numériques
    •    Les plateformes numériques ne sont pas des espaces de non-droit.
    •    Adapter les rythmes d’intervention et les niveaux de sanction des autorités à la vitesse du marché et à la hauteur des dommages.

    Volet II – Garantir la loyauté du système des données
    •    Favoriser la fluidité des données : portabilité et l’interopérabilité des données.
    •    Mieux appréhender les comportements des plates-formes dominantes et les rapports de force avec leurs usagers et leurs partenaires.

    Volet III – Pas de compétitivité sans un investissement massif dans les compétences et les connaissances
    •    Informer les citoyens sur le fonctionnement des plates-formes …  littératie numérique.

    Volet IV – Créer les conditions pour l’émergence d’alternatives
    •    Soutenir activement les initiatives de constitution de modèles d’affaires alternatifs.
    •    Porter au niveau international les valeurs européennes pour la construction d’une société numérique soutenable.

    Je ne vais pas vous commenter tout cela, mais je vais juste illustrer un point des recommandations : la fluidité des données.

    Aujourd’hui vous utilisez un service, vous avez plein de données sur ce service. Deux limitations sérieuses :

    • Vous aimeriez bien utiliser les données de ce service dans un autre service (proposé par une autre entreprise). Cela n’est pas possible par manque d’interopérabilité entre ces services.
    • Vous souhaitez changer de service pour une raison ou une autre, c’est quasi impossible car vous ne voulez pas perdre les données qui sont sur le service. Problème de portabilité.

    Les entreprises veulent vous garder ; elles cherchent à vous convaincre de prendre plus de services chez elles. Donc elles ne sont à priori pas très motivées pour intégrer le principe de portabilité et d’interopérabilité (avec les services des autres). Il faut donc les y « encourager »… par la loi, par la pression des associations d’utilisateurs, etc.

    Serge Abiteboul

  • Real Humans ?

    Dans un article du journal du CNRS, Raja Chatila, un chercheur en robotique, replace dans son vrai contexte la très attrayante série real humans que propose Arte. C’est une série qui « ne parle pas de robotique » mais utilise la robotique comme une fable pour nous aider à regarder notre humanité en miroir de ces êtres imaginaires.

    Raja nous explique que « ces machines sont extrêmement loin de la réalité ou même d’un futur éventuel » :

    • La notion de droit pour les robots est une absurdité, car ce sont bien des humains qui les ont conçus, développés et utilisés, donc qui sont juridiquement responsables de leurs agissements ;
    • La notion de conscience pour une machine est un oxymore, alors qu’on « ne sait même pas [complètement] définir la conscience chez les êtres humains» ;
    • Choisir de laisser un robot décider seul est un non-sens, car il y a bien une décision humaine : celle d’utiliser le résultat de l’algorithme de calcul sans chercher à l’analyser.

    Raja rappelle que les «risques de confusion entre le vivant et le non-vivant » est un sujet d’étude en soi. La vraie question est posée.

    Pinocchio de bois, Florence (dès que la fée passera ces patins seront humains ) ©Vladimir Menkov

    Nous sommes bien loin de ceux qui, personnifiant les objets numériques (machines, algorithmes, …), se perdent dans des débats illusoires ou confondent un résultat scientifique avec un coup de bluff médiatique.  Le dernier, « On a réussi le test de Turing », est démystifié par Jean-Paul Delahaye dans un joli billet.

    Raja est bien un chercheur à la pointe de la robotique et de l’intelligence mécaniste (dite souvent intelligence artificielle). Ce sont des scientifiques comme lui dont les travaux extrêmement sophistiqués permettent aux industriels de faire les robots qui changent notre vie, ceux qui la changeront encore plus demain. Ces objets numériques et mécaniques seront probablement plus des objets connectés intégrés à notre environnement quotidien que des marionnettes animées.

    Thierry Viéville.

  • La télécarte est finie…

    Vous savez le truc qui permettait de téléphoner dans une cabine téléphonique dans la rue, en fait l’ancêtre du mobile,  quoi.

    Eh bien, tout fout le camp ma bonne dame.

    Photo-Telecarte

    Mardi matin dernier, petit mail d’un copain qui annonce la fin de la télécarte. Nouvelle reprise par 20minutes, le Figaro, le Huff…

    Bon je fonce sur le site d’Orange : rien !… je paie un verre à celui qui me trouve l’annonce officielle sur le site, car bien évidemment il n’est question que de 4G, de talents du numérique, mais pas de télécarte qui ne sera plus distribuée aux réseaux de grossistes.

    Ces petits objets (appelés aussi cartes à mémoire) étaient revendus par les buralistes et autres vendeurs. Tout le monde a compris que les débits (des ventes bien sûr) n’étaient pas terribles sinon la profession des buralistes aurait fait entendre le son de leurs revendications.

    Mais pour quoi on arrête les télécartes ? Parce que personne ne téléphone dans la rue depuis une cabine téléphonique ! Ce mobilier urbain a disparu des villes et bientôt des campagnes, car on a tous un téléphone pardon un mobile voire même un smartphone… Mais que restera-t-il à ceux qui n’ont pas accès à ces nouvelles technologies ?…

    Une télécarte ?

    C’est simple, c’est un plan de mémoire (256 bits – je n’ai oublié ni le K ni le M). Une partie est protégée par un fusible grillé lors de la fabrication/personnalisation après inscription des informations liées à l’émetteur (l’opérateur) et au service portés par la carte (par exemple 50 unités téléphoniques, 67 entrées à la piscine, voire 150 jetons). Une partie moins protégée permettait de (dé)compter des unités en fonction d’impulsions électriques (on dit programmer un point mémoire).

    Quand les unités sont consommées (écrites, programmées) la carte est en fin de vie, elle peut être jetée… ou gardée par les amoureux des beaux objets pour constituer un marché de collection.

    Telecarte-ET-1001-1erepage Telecarte-ET-1001-Plan

    Archives personnelles : Jean-Pierre Gloton (Fondateur de Gemplus, devenu Gemalto après la fusion entre Axalto et Gemplus), spécification de l’ET 1001. Photo : Pierre Paradinas.

    Pas très sécurisé, vous me direz, ce dispositif… mais il a tenu. Des centaines de millions de cartes ont été distribuées, une nouvelle génération a vu le jour avec une authentification cryptographique de la carte — nom de code T2G (Télécarte 2ème génération). Une famille d’algorithmes et de protocoles sur la rive droite du Rhin avec les industriels allemands et une autre avec nos industriels, ont augmenté la sécurité de ce type de carte… au final il s’en distribuera en France un milliard.

    Il n’y a pas de morale à l’histoire.

    1974, Roland Moreno dépose des brevets sur un dispositif mémoire, l’industrie et les services associés à la carte mettront du temps à se développer puis se déployer. Au milieu des années 80, la télécarte se développe dans les télécommunications.

    40 ans après, la télécarte est arrêtée, le bibop est déjà oublié, la téléphonie mobile à base de GSM est passée par là.

    Néanmoins, on reviendra sur ce blog sur cette technologie (la carte à puce qui elle n’est pas terminée) en parlant des cartes à microprocesseur car après la mémorisation on traite les données…

    Pierre Paradinas

    PS : Pour un regard historique sur des usages perdus, ou pour retrouver quelques images de l’époque en allant sur le site de l’INA : http://www.ina.fr/playlist-audio-video/1769989/les-telecartes-c-est-fini-playlist.html#]

     

     

     

     

     

     

     

  • Information et communication scientifique, à l’heure du numérique

    6884-1793-CouvertureOuvrage collectif, dans Les essentiels d’Hermes. Des regards différents sur plusieurs aspects du problème. La diffusion des résultats est au cœur de la science. Le numérique conduit à une remise en question complète de tout le système même si on revient souvent au même constat : le peer reviewing est un mauvais système ; mais c’est ce qu’on connaît de mieux. Comment le faire évoluer ? Peut-on inventer autre chose ?

    À lire au moins pour la présentation générale par Valérie Schafer qui a dirigé cet ouvrage. Chercheuse à l’Institut des sciences de la communication du CNRS (ISCC), notre collègue est spécialiste d’histoire des télécommunications et de l’informatique, en particulier des réseaux de données. Elle étudie actuellement le développement de l’internet et du Web en France dans les années 1990 (histoire des FAI, des premiers sites Web, régulation, etc.) et les questions de patrimonialisation du numérique.

    Et un article intéressant Three myths about scientific peer review.

    Serge Abiteboul