

432 500 dollars une fois … 432 500 dollars deux fois … 432 500 dollars trois fois … adjugé ! Nous sommes chez Christie’s le 25 octobre 2018, ce “Portrait d’Edmond de Belamy”, une toile d’une série représentant une famille bourgeoise fictive des XVIIIe et XIXe siècle, vient de partir à un bon prix. Et tu sais quoi ? C’est la première œuvre d’art, produite par un logiciel d’intelligence artificielle, à être présentée dans une salle des ventes.
– Ah l’arnaque !!!
Ah non non, ce n’est pas une escroquerie, les gens le savaient, regarde la signature : c’est une formule mathématique en référence au code de l’algorithme utilisé.

– Oh … mais c’est dingue, ça marche comment ton algorithme ?
C’est assez simple, deux réseaux de calcul sont placés en compétition :
Le premier réseau est le “générateur”, à partir d’exemples (des tableaux du XIXe siècle), il génère un autre objet numérique artificiel (un tableau inédit “dans le style” du XIXe siècle);
Son adversaire le “discriminateur” essaie de détecter si le résultat est réel ou bien s’il est généré.
– Et alors ?
Le générateur adapte petit à petit ces paramètres pour maximiser les chances de tromper le discriminateur qui lui aussi adapte ces paramètres pour maximiser les chances de démasquer le générateur. Bref le second entraîne le premier qui finit par être super performant, comme cette image qui ressemble fortement à une photographie d’une vraie personne.

©geeksforgeeks
– Attends … tu peux être plus clair et revenir en arrière : c’est quoi un “réseau de calcul” ?
Ah oui pardon. Très simplement on s’est aperçu que si on cumule des millions de calculs en réseaux (on parle de réseaux de neurones) on peut approximativement faire tous les calculs imaginables, comme reconnaître un visage, transformer une phrase dictée en texte, etc… Et pour apprendre le calcul à faire, on fournit énormément d’exemples et un mécanisme très long ajuste les paramètres du calcul en réduisant pas à pas les erreurs pour avoir de bonnes chances d’obtenir ce que l’on souhaite.
– C’est tout ?
Dans les grandes lignes, oui, on l’explique ici, c’est un truc rigolo et tu peux même jouer avec ici si tu veux.
https://www.lemonde.fr/blog/binaire/2017/10/20/jouez-avec-les-neurones-de-la-machine

– J’ai bien entendu dans tes explications que tu as dit “on peut approximativement faire” et “on a de bonnes chances” ! Donc c’est pas exact et en plus ça peut toujours se tromper ??

Absolument, c’est pour cela qu’il faut bien comprendre les limites de ces mécanismes qui donnent des résultats bluffants mais restent simplement de gros calculs. Mais bon ici on s’en sert pour faire de l’art donc obtenir un résultat inattendu peut même se révéler intéressant.
– Tu veux dire que le calcul est “créatif” car il peut se tromper et faire n’importe quoi ?
Oui mais pas uniquement. La créativité correspond bien au fait de ne pas faire ce qui est attendu, mais il faut un deuxième processus qui “reconnaît” si le résultat est intéressant ou pas.
Pour parler de création artistique il faut être face à quelque chose de :
1/ singulier, original donc, résultat d’une création, par opposition à une production usuelle ou reproduction
ET
2/ esthétique, s’adressant délibérément aux sens (vision, audition), à nos émotions, notre intuition et notre intellect (nous faire rêver, partager un message), par opposition à une production utilitaire.
– Ah oui mais alors quelque chose ne peut être reconnu comme artistique que par un humain ?
Oui, ou par un calcul dont les paramètres ont été ajustés à partir d’un grand nombre de jugements humains.
– Et ces calculs que tu appelles “réseaux antagonistes génératifs”, ils servent juste à faire de l’art ?
Pas uniquement, on les utilisent dans d’autres formes artistiques comme la musique aussi, mais au delà pour générer des calculs qui explorent des solutions à des problèmes complexes comme par exemple : pour la découverte de nouvelles structures moléculaires (encore au stade des essais), en astronomie pour modéliser des phénomènes complexes, et sous une forme un peu différente pour gagner au jeu de go. L’intérêt est de fournir des nouvelles données d’entraînement (tu sais qu’il en faut des millions) quand elles sont à la base en nombre insuffisant.
– Tu sais ce qui me surprend le plus ? C’est que c’est finalement facile à comprendre.
Cool 🙂

– N’empêche que ça questionne sur ce que l’on peut considérer comme de l’art, in fine.
Oui ce qu’on appelle l’intelligence artificielle, remet surtout en question ce que nous considérons comme naturellement intelligent.
– Et tu crois que “ça” pourrait faire de la poésie ?
De la mauvaise poésie peut-être… laissons le dernier mot à Jacques Prévert :

« il se croyait pouet
car il sonnet,
en fait
c’était une cloche »
– Menteur : la citation est apocryphe, c’est toi qui l’a générée !
Discriminateur, va 😉
Références et liens supplémentaires :
– Le Portrait d’Edmond de Belamy : https://fr.wikipedia.org/wiki/Portrait_d’Edmond_de_Belamy
– La présentation des GANs : https://fr.wikipedia.org/wiki/Réseaux_antagonistes_génératifs
– Des présentations alternatives complémentaires des GANs :
– https://www.lebigdata.fr/gan-definition-tout-savoir
– https://www.lesechos.fr/tech-medias/intelligence-artificielle/les-gan-repoussent-les-limites-de-lintelligence-artificielle-206875
– En savoir plus sur ces réseaux de calcul “profonds” https://pixees.fr/ce-quon-appelle-le-deep-learning/
– À propos de création artistique et numérique https://pixees.fr/mais-que-peut-on-appeler-creation-artistique
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