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  • [DA]vid contre Gol[IA]th : Quelle est la place de la créativité humaine dans le paysage de l’intelligence artificielle générative ?

    [DA]vid contre Gol[IA]th : Quelle est la place de la créativité humaine dans le paysage de l’intelligence artificielle générative ?

    Billet d’introduction: L’expression “David contre Goliath” n’a jamais semblé aussi pertinente que lorsqu’il faut décrire le combat des artistes contre les GAFAM. Cette expression souvent utilisée pour décrire un combat entre deux parties prenantes de force inégale souligne une réalité : celle de la nécessité qu’ont ressenti des artistes de différents milieux et pays de se défendre face à des géants de la tech de l’IA générative pour protéger leur oeuvres, leur passion et leur métier, pour eux et pour les générations futures.  Si la Direction Artistique porte le nom de [DA]vid, alors l’IA sera notre Gol[IA]th… C’est parti pour une épopée 5.0 ! 

    Julie Laï-Pei, femme dans la tech, a à cœur de créer un pont entre les nouvelles technologies et le secteur Culturel et Créatif, et d’en animer la communauté. Elle nous partage ici sa réflexion au croisement de ces deux domaines.

    Chloé Mercier, Thierry Vieville et Ikram Chraibi Kaadoud

    Comment les artistes font-ils face au géant IA, Gol[IA]th  ?

    « David et Goliath » – Gustave Doré passé dans Dall-e – Montage réalisé par @JulieLaï-Pei

     

    A l’heure d’internet, les métiers créatifs ont connu une évolution significative de leur activité. Alors que nous sommes plus que jamais immergés dans un monde d’images, certains artistes évoluent et surfent sur la vague, alors que d’autres reviennent à des méthodes de travail plus classiques. Cependant tous se retrouvent confrontés aux nouvelles technologies et à leurs impacts direct et indirect dans le paysage de la créativité artistique. 

    Si les artistes, les graphistes, les animateurs devaient faire face à une concurrence sévère dans ce domaine entre eux et face à celle de grands acteurs du milieu, depuis peu (on parle ici de quelques mois), un nouveau concurrent se fait une place : l’Intelligence artificielle générative, la Gen-IA ! 

    C’est dans ce contexte mitigé, entre écosystème mondial de créatifs souvent isolés et puissances économiques démesurées que se posent les questions suivantes : 

    Quelle est la place de la création graphique dans cet océan numérique ?  Comment sont nourris les gros poissons de l’intelligence artificielle pour de la création et quelles en sont les conséquences ?

    L’évolution des modèles d’entraînement des IA pour aller vers la Gen-AI que l’on connaît aujourd’hui

    Afin qu’une intelligence artificielle soit en capacité de générer de l’image, elle a besoin de consommer une quantité importante d’images pour faire le lien entre la perception de “l’objet” et sa définition nominale. Par exemple, à la question “Qu’est-ce qu’un chat ?” En tant qu’humain, nous pouvons facilement, en quelques coup d’œil, enfant ou adulte, comprendre qu’un chat n’est pas un chien, ni une table ou un loup. Or cela est une tâche complexe pour une intelligence artificielle, et c’est justement pour cela qu’elle a besoin de beaucoup d’exemples !

    Ci dessous une frise chronologique de l’évolution des modèles d’apprentissage de l’IA depuis les premiers réseaux de neurones aux Gen-IA : 

    Frise chronologique par @JulieLaiPei

     

    En 74 ans, les modèles d’IA ont eu une évolution fulgurante, d’abord cantonnée aux sphères techniques ou celle d’entreprises très spécialisées, à récemment en quelques mois en 2023, la société civile au sens large et surtout au sens mondial. 

    Ainsi, en résumé, si notre IA Gol[IA]th souhaite générer des images de chats, elle doit avoir appris des centaines d’exemples d’images de chat. Même principe pour des images de voitures, des paysages, etc.

    Le problème vient du fait que, pour ingurgiter ces quantités d’images pour se développer, Gol[IA]th mange sans discerner ce qu’il engloutit… que ce soit des photos libres de droit, que ce soit des oeuvres photographiques, des planches d’artwork, ou le travail d’une vie d’un artiste, Gol[IA]th ne fait pas de différence, tout n’est “que” nourriture…

    Dans cet appétit gargantuesque, les questions d’éthique et de propriétés intellectuelles passent bien après la volonté de développer la meilleure IA générative la plus performante du paysage technologique. Actuellement, les USA ont bien de l’avance sur ce sujet, créant de véritables problématiques pour les acteurs de la création, alors que  l’Europe essaie de normer et d’encadrer l’éthique des algorithmes, tout en essayant de mettre en place une réglementation et des actions concrètes dédiées à la question de  la propriété intellectuelle, qui est toujours une question en cours à ce jour. 

    Faisons un petit détour auprès des différents régimes alimentaires de ce géant…

    Comment sont alimentées les bases de données d’image pour les Gen-AI ?

    L’alimentation des IA génératives en données d’images est une étape cruciale pour leur entraînement et leur performance. Comme tout bon géant, son régime alimentaire est varié et il sait se sustenter par différents procédés… Voici les principales sources et méthodes utilisées pour fournir les calories nécessaires de données d’images aux IA génératives :

     

    • Les bases de données publiques

     

    Notre Gol[IA]th commence généralement par une alimentation saine, basée sur un des ensembles de données les plus vastes et les plus communément utilisés: par exemple, ImageNet qui est une base de données d’images annotées produite par l’organisation du même nom, à destination des travaux de recherche en vision par ordinateur. Cette dernière représente plus de 14 millions d’images annotées dans des milliers de catégories. Pour obtenir ces résultats, c’est un travail fastidieux qui demande de passer en revue chaque image pour la qualifier, en la déterminant d’après des descriptions, des mot-clefs, des labels, etc…

    Entre autres, MNIST, un ensemble de données de chiffres manuscrits, couramment utilisé pour les tâches de classification d’images simples.

    Dans ces ensembles de données publics, on retrouve également COCO (à comprendre comme Common Objects in COntext) qui contient plus de 330 000 images d’objets communs dans un contexte annotées, pour l’usage de la segmentation d’objets, la détection d’objets, de la légendes d’image, etc…

    Plus à la marge, on retrouve la base de données CelebA qui contient plus de 200 000 images de visages célèbres avec des annotations d’attributs.

    « Sample Imagesliath » – CelebA – http://mmlab.ie.cuhk.edu.hk/projects/CelebA.html

     

     

    • La collecte de données en ligne (web scraping)

     

    Plus discutable, Gol[IA]th peut également chasser sa pitance… Pour ce faire, il peut utiliser le web scraping. Il s’agit d’un procédé d’extraction automatique d’images à partir de sites web, moteurs de recherche d’images, réseaux sociaux, et autres sources en ligne. Concrètement, au niveau technique, il est possible d’utiliser des APIs (Application Programming Interfaces) pour accéder à des bases de données d’images: il s’agit d’interfaces logicielles qui permettent de “connecter” un logiciel ou un service à un autre logiciel ou service afin d’échanger des données et des fonctionnalités. Il en existe pour Flickr, pour Google Images, et bien d’autres.

    Ce procédé pose question sur le plan éthique, notamment au sujet du consentement éclairé des utilisateurs de la toile numérique : Est-ce qu’une IA a le droit d’apprendre de tout, absolument tout, ce qu’il y a en ligne ? Et si un artiste a choisi de partager ses créations sur internet, son œuvre reste-t-elle sa propriété ou devient-elle, en quelque sorte, la propriété de tous ? 

    Ces questions soulignent un dilemme omniprésent pour tout créatif au partage de leur œuvre sur internet : sans cette visibilité, il n’existe pas, mais avec cette visibilité, ils peuvent se faire spolier leur réalisation sans jamais s’en voir reconnaître la maternité ou paternité.

    Il y a en effet peu de safe-places pour les créatifs qui permettent efficacement d’être mis en lumière tout en se prémunissant contre les affres de la copie et du vol de propriété intellectuelle et encore moins de l’appétit titanesque des géants de l’IA.

    C’est à cause de cela et notamment de cette méthode arrivée sans fanfare que certains créatifs ont choisi de déserter certaines plateformes/réseaux sociaux: les vannes de la gloutonnerie de l’IA générative avaient été ouvertes avant même que les internautes et les créatifs ne puissent prendre le temps de réfléchir à ces questions. Cette problématique a été aperçue, entre autres, sur Artstation, une plateforme de présentation jouant le rôle de vitrine artistique pour les artistes des jeux, du cinéma, des médias et du divertissement. mais également sur Instagram et bien d’autres : parfois ces plateformes assument ce positionnement ouvertement, mais elles sont rares ; la plupart préfèrent enterrer l’information dans les lignes d’interminables conditions d’utilisation qu’il serait bon de commencer à lire pour prendre conscience de l’impact que cela représente sur notre “propriété numérique”.

     

    • Les bases de données spécialisées

     

    Dans certains cas, Gol[IA]th peut avoir accès à des bases de données spécialisées, comprenant des données médicales (comme les scans radiographiques, IRM, et autres images médicales disponibles via des initiatives comme ImageCLEF) ou des données satellites (fournies par des agences spatiales comme la NASA et des entreprises privées pour des images de la Terre prises depuis l’espace).

     

    • Les données synthétiques

     

    Au-delà des images tirées du réel, l’IA peut également être alimentée à partir d’images générées par ordinateur. La création d’images synthétiques par des techniques de rendu 3D permet de simuler des scénarios spécifiques (par exemple, de la simulation d’environnements de conduite pour entraîner des systèmes de conduite autonome), ainsi que des modèles génératifs pré-entraînés. En effet, les images générées par des modèles peuvent également servir pour l’entraînement d’un autre modèle. Mais les ressources peuvent également provenir d’images de jeux vidéo ou d’environnement de réalité virtuelle pour créer des ensembles de données (on pense alors à Unreal Engine ou Unity).

     

    • Les caméras et les capteurs

     

    L’utilisation de caméras pour capturer des images et des vidéos est souvent employée dans les projets de recherche et développement, et dans une volonté de sources plus fines, de capteurs pour obtenir des images dans des conditions spécifiques, comme des caméras infrarouges pour la vision nocturne, des LIDAR pour la cartographie 3D, etc.

    Toutes ces différentes sources d’approvisionnement pour Gol[IA]th sont généralement prétraitées avant d’être utilisées pour l’entraînement : normalisation, redimensionnement, augmentation des données, sont des moyens de préparation des images.

    En résumé, il faut retenir que les IA génératives sont alimentées par une vaste gamme de sources de données d’images, allant des ensembles de données publiques aux données collectées en ligne, en passant par les images synthétiques et les captures du monde réel. La diversité et la qualité des données sont essentielles pour entraîner des modèles génératifs performants et capables de produire des images réalistes et variées. Cependant cette performance ne se fait pas toujours avec l’accord éclairé des auteurs des images. Il est en effet compliqué – certains diront impossible – de s’assurer que la gloutonnerie de Gol[IA]th s’est faite dans les règles avec le consentement de tous les créatifs impliqués… Un sujet d’éducation à la propriété numérique est à considérer!

    Mais alors, comment [DA]vid et ses créatifs subissent cette naissance monstrueuse ?

    Les métiers créatifs voient leur carnet de commande diminuer, les IA se démocratisant à une vitesse folle. [DA]vid, au delà de perdre des revenus en n’étant plus employé par des revues pour faire la couverture du magazine, se retrouve face à une concurrence déloyale : l’image générée a le même style… voir “son style”… Or pour un créatif, le style est l’œuvre du travail d’une vie, un facteur différenciant dans le paysage créatif, et le moteur de compétitivité dans le secteur… Comment faire pour maintenir son statut d’acteur de la compétitivité de l’économie alors que les clients du secteur substituent leur commande par des procédés éthiquement questionnables pour faire des économies ?

    Gol[IA]th mange sans se sentir rompu, qu’il s’agisse de données libres ou protégées par des droits d’auteur, la saveur ne change pas. L’espoir de voir les tribunaux s’animer, pays après pays, sur des questionnements de violation, ou non, des lois protégeant les auteurs, s’amenuise dans certaines communautés. En attendant, les [DA]vid créatifs se retrouvent livrés à eux-mêmes, lentement dépossédés de l’espoir de pouvoir échapper au géant Gol[IA]th. Alors que l’inquiétude des artistes et des créateurs grandit à l’idée de voir une série d’algorithmes reproduire et s’accaparer leur style artistique, jusqu’à leur carrière, certains s’organisent pour manifester en occupant l’espace médiatique comme l’ont fait les acteurs en grève à Hollywood en 2023, et d’autres choisissent d’attaquer le sujet directement au niveau informatique en contactant Ben Zhao et Heather Zheng, deux informaticiens de l’Université de Chicago qui ont créé un outil appelé Fawkes, capable de modifier des photographies pour déjouer les IA de reconnaissance faciale

    Exemple de photos originales et de leurs versions “masquées” par Fawkes. (© Sand Lab/Université de Chicago)

    La question s’imposant étant alors :

    “Est-ce que Fawkes peut protéger notre style contre des modèles de génération d’images comme Midjourney ou Stable Diffusion ?”

    Bien que la réponse immédiate soit “non”, la réflexion a guidé vers une autre solution…

    “Glaze”, un camouflage en jus sur une oeuvre

    Les chercheurs de l’Université de Chicago se sont penchés sur la recherche d’une option de défense des utilisateurs du web face aux progrès de l’IA. Ils ont mis au point un produit appelé “Glaze”, en 2022, un outil de protection des œuvres d’art contre l’imitation par l’IA. L’idée de postulat est simple : à l’image d’un glacis ( une technique de la peinture à l’huile consistant à poser, sur une toile déjà sèche, une fine couche colorée transparente et lisse)  déposer pour désaturer les pigments  “Glaze” est un filtre protecteur des créations contre les IAs

    “Glaze” va alors se positionner comme un camouflage numérique : l’objectif est de brouiller la façon dont un modèle d’IA va “percevoir” une image en la laissant inchangée pour les yeux humains

    Ce programme modifie les pixels d’une image de manière systématique mais subtile, de sorte à ce que les modifications restent discrètes pour l’homme, mais déconcertantes pour un modèle d’IA. L’outil tire parti des vulnérabilités de l’architecture sous-jacente d’un modèle d’IA, car en effet, les systèmes de Gen-AI sont formés à partir d’une quantité importante d’images et de textes descriptifs à partir desquels ils apprennent à faire des associations entre certains mots et des caractéristiques visuelles (couleurs, formes). “Ces associations cryptiques sont représentées dans des « cartes » internes massives et multidimensionnelles, où les concepts et les caractéristiques connexes sont regroupés les uns à côté des autres. Les modèles utilisent ces cartes comme guide pour convertir les textes en images nouvellement générées.” (- Lauren Leffer, biologiste et journaliste spécialisée dans les sciences, la santé, la technologie et l’environnement.)

    “Glaze” va alors intervenir sur ces cartes internes, en associant des concepts à d’autres, sans qu’il n’y ait de liens entre eux. Pour parvenir à ce résultat, les chercheurs ont utilisé des “extracteurs de caractéristiques” (programmes analytiques qui simplifient ces cartes hypercomplexes et indiquent les concepts que les modèles génératifs regroupent et ceux qu’ils séparent). Les modifications ainsi faites, le style d’un artiste s’en retrouve masqué : cela afin d’empêcher les modèles de s’entraîner à imiter le travail des créateurs. “S’il est nourri d’images « glacées » lors de l’entraînement, un modèle d’IA pourrait interpréter le style d’illustration pétillante et caricatural d’un artiste comme s’il s’apparentait davantage au cubisme de Picasso. Plus on utilise d’images « glacées » pour entraîner un modèle d’imitation potentiel, plus les résultats de l’IA seront mélangés. D’autres outils tels que Mist, également destinés à défendre le style unique des artistes contre le mimétisme de l’IA, fonctionnent de la même manière.” explique M Heather Zheng, un des deux créateurs de cet outil.

    Plus simplement, la Gen-AI sera toujours en capacité de reconnaître les éléments de l’image (un arbre, une toiture, une personne) mais ne pourra plus restituer les détails, les palettes de couleurs, les jeux de contrastes qui constituent le “style”, i.e.,  la “patte” de l’artiste.

     

    Quelques exemples de l’utilisation de Glaze arXiv:2302.04222 

    Bien que cette méthode soit prometteuse, elle présente des limites techniques et dans son utilisation.  

    Face à Gol[IA]th, les [DA]vid ne peuvent que se cacher après avoir pris conscience de son arrivée : dans son utilisation, la limite de “Glaze” vient du fait que chaque image que va publier un créatif ou un artiste doit passer par le logiciel avant d’être postée en ligne.. Les œuvres déjà englouties par les modèles d’IA ne peuvent donc pas bénéficier, rétroactivement, de cette solution. De plus, au niveau créatif, l’usage de cette protection génère du bruit sur l’image, ce qui peut détériorer sa qualité et s’apercevoir sur des couleurs faiblement saturées. Enfin au niveau technique, les outils d’occultation mise à l’œuvre ont aussi leurs propres limites et leur efficacité ne pourra se maintenir sur le long terme. 

    En résumé, à la vitesse à laquelle évoluent les Gen-AI, “Glaze” ne peut être qu’un barrage temporaire, et malheureusement non une solution : un pansement sur une jambe gangrenée, mais c’est un des rares remparts à la créativité humaine et sa préservation.

    Il faut savoir que le logiciel a été téléchargé 720 000 fois, et ce, à 10 semaines de sa sortie, ce qui montre une véritable volonté de la part des créatifs de se défendre face aux affronts du géant.

    La Gen-AI prend du terrain sur la toile, les [DA]vid se retrouvent forcés à se cacher… Est-ce possible pour eux de trouver de quoi charger leur fronde ? Et bien il s’avère que la crainte a su faire naître la colère et les revendications, et les créatifs et les artistes ont décidé de se rebeller face à l’envahisseur… L’idée n’est plus de se cacher, mais bien de contre-attaquer Gol[IA]th avec les armes à leur disposition…

    “Nightshade”, lorsque la riposte s’organise ou comment empoisonner l’IA ?

    Les chercheurs de l’Université de Chicago vont pousser la réflexion au delà de “Glaze”, au delà de bloquer le mimétisme de style, “Nightshade” est conçu comme un outil offensif pour déformer les représentations des caractéristiques à l’intérieur même des modèles de générateurs d’image par IA

    « Ce qui est important avec Nightshade, c’est que nous avons prouvé que les artistes n’ont pas à être impuissants », déclare Zheng.

    Nightshade ne se contente pas de masquer la touche artistique d’une image, mais va jusqu’à saboter les modèles de Gen-AI existants. Au-delà de simplement occulter l’intégrité de l’image, il la transforme en véritable “poison” pour Gol[IA]th en agissant directement sur l’interprétation de celui-ci. Nightshade va agir sur l’association incorrecte des idées et des images fondamentales. Il faut imaginer une image empoisonnée par “Nightshade” comme une goutte d’eau salée dans un récipient d’eau douce. Une seule goutte n’aura pas grand effet, mais chaque goutte qui s’ajoute va lentement saler le récipient. Il suffit de quelques centaines d’images empoisonnées pour reprogrammer un modèle d’IA générative. C’est en intervenant directement sur la mécanique du modèle que “Nightshade” entrave le processus d’apprentissage, en le rendant plus lent ou plus coûteux pour les développeurs. L’objectif sous-jacent serait, théoriquement, d’inciter les entreprises d’IA à payer les droits d’utilisation des images par le biais des canaux officiels plutôt que d’investir du temps dans le nettoyage et le filtrage des données d’entraînement sans licence récupérée sur le Web.

    Image issue de l’article de Shan, S., Ding, W., Passananti, J., Zheng, H., & Zhao, B. Y. (2023). Prompt-specific poisoning attacks on text-to-image generative models. arXiv:2310.13828

     

    Ce qu’il faut comprendre de « Nightshade » :

    • Empoisonnement des données: Nightshade fonctionne en ajoutant des modifications indétectables mais significatives aux images. Ces modifications sont introduites de manière à ne pas affecter la perception humaine de l’image mais à perturber le processus de formation des modèles d’IA. Il en résulte un contenu généré par l’IA qui s’écarte de l’art prévu ou original.
    • Invisibilité: Les altérations introduites par Nightshade sont invisibles à l’œil humain. Cela signifie que lorsque quelqu’un regarde l’image empoisonnée, elle apparaît identique à l’originale. Cependant, lorsqu’un modèle d’IA traite l’image empoisonnée, il peut générer des résultats complètement différents, pouvant potentiellement mal interpréter le contenu.
    • Impact: L’impact de l’empoisonnement des données de Nightshade peut être important. Par exemple, un modèle d’IA entraîné sur des données empoisonnées pourrait produire des images dans lesquelles les chiens ressemblent à des chats ou les voitures à des vaches. Cela peut rendre le contenu généré par l’IA moins fiable, inexact et potentiellement inutilisable pour des applications spécifiques.
    Ci-dessus, des exemples d’images générées par les modèles SD-XL empoisonnés de Nightshade.arXiv:2310.13828

     

    Voici alors quelques exemples après de concepts empoisonnés :

    Ci-dessus, des exemples d’images générées par les modèles SD-XL empoisonnés de Nightshade et le modèle SD-XL propre, lorsqu’ils sont invités à utiliser le concept empoisonné C. arXiv:2310.13828

     

    Plus précisément, « Nightshade transforme les images en échantillons ’empoisonnés’, de sorte que les modèles qui s’entraînent sur ces images sans consentement verront leurs modèles apprendre des comportements imprévisibles qui s’écartent des normes attendues, par exemple une ligne de commande qui demande l’image d’une vache volant dans l’espace pourrait obtenir à la place l’image d’un sac à main flottant dans l’espace », indiquent les chercheurs.

    Le « Data Poisoning » est une technique largement répandue. Ce type d’attaque manipule les données d’entraînement pour introduire un comportement inattendu dans le modèle au moment de l’entraînement. L’exploitation de cette vulnérabilité rend possible l’introduction de résultats de mauvaise classification.

    « Un nombre modéré d’attaques Nightshade peut déstabiliser les caractéristiques générales d’un modèle texte-image, rendant ainsi inopérante sa capacité à générer des images significatives », affirment-ils.

    Cette offensive tend à montrer que les créatifs peuvent impacter les acteurs de la technologie en rendant contre-productif l’ingestion massive de données sans l’accord des ayant-droits.

    Plusieurs plaintes ont ainsi émané d’auteurs, accusant OpenAI et Microsoft d’avoir utilisé leurs livres pour entraîner ses grands modèles de langage. Getty Images s’est même fendu d’une accusation contre la start-up d’IA Stability AI connue pour son modèle de conversion texte-image Stable Diffusion, en Février 2023. Celle-ci aurait pillé sa banque d’images pour entraîner son modèle génératif Stable Diffusion. 12 millions d’œuvres auraient été « scrappées » sans autorisation, attribution, ou compensation financière. Cependant, il semble que ces entreprises ne puissent pas se passer d’oeuvres soumises au droit d’auteur, comme l’a récemment révélé OpenAI, dans une déclaration auprès de la Chambre des Lords du Royaume-Uni concernant le droit d’auteur, la start-up a admis qu’il était impossible de créer des outils comme le sien sans utiliser d’œuvres protégées par le droit d’auteur. Un aveu qui pourrait servir dans ses nombreux procès en cours…

    Ainsi, quelle est la place de la créativité humaine dans le paysage de l’intelligence artificielle générative ?

    En résumé, dans sa gloutonnerie, Gol[IA]th a souhaité engloutir les [DA]vid qui nous entourent, qui ont marqué l’histoire et ceux qui la créent actuellement, dans leur entièreté et leur complexité : en cherchant à dévorer ce qui fait leur créativité, leur  style, leur patte, au travers d’une analyse de caractéristiques et de pixels, Gol[IA]th a transformé la créativité humaine qui était sa muse, son idéal à atteindre, en un ensemble de données sans sémantique, ni histoire, ni passion sous-jacente. 

    C’est peut être un exemple d’amour nocif à l’heure de l’IA, tel que vu par l’IA ? 

    Sans sous-entendre que les personnes à l’origine de l’écriture des IA génératives ne sont pas des créatifs sans passion, il est probable que la curiosité, la prouesse et l’accélération technologique ont peu à peu fait perdre le fil sur les impacts que pourrait produire un tel engouement. 

    A l’arrivée de cette technologie sur le Web, les artistes et les créatifs n’avaient pas de connaissance éclairée sur ce qui se produisait à l’abri de leurs regards. Cependant, les modèles d’apprentissage ont commencé à être alimentés en données à l’insu de leur ayant-droits. La protection juridique des ayant-droits n’évoluant pas à la vitesse de la technologie, les créatifs ont rapidement été acculés, parfois trop tard, les Gen-AI ayant déjà collecté le travail d’une vie. Beaucoup d’artistes se sont alors “reclus”, se retirant des plateformes et des réseaux sociaux pour éviter les vols, mais ce choix ne fut pas sans conséquence pour leur visibilité et la suite de leur carrière.

    Alors que les réseaux jouaient l’opacité sur leurs conditions liées à la propriété intellectuelle, le choix a été de demander aux créatifs de se “manifester s’ils refusaient que leurs données soient exploitées”, profitant de la méconnaissance des risques pour forcer l’acceptation de condition, sans consentement éclairé. Mais la grogne est montée dans le camp des créatifs, qui commencent à être excédés par l’abus qu’ils subissent. “Glaze” fut une première réaction, une protection pour conserver l’intégrité visuelle de leur œuvre, mais face à une machine toujours plus gloutonne, se protéger semble rapidement ne pas suffire. C’est alors que “Nightshade” voit le jour, avec la volonté de faire respecter le droit des artistes, et de montrer qu’ils ne se laisseraient pas écraser par la pression des modèles.

    Il est important de suivre l’évolution des droits des différents pays et de la perception des sociétés civiles dans ces pays de ce sujet car le Web, l’IA et la créativité étant sans limite géographique, l’harmonisation juridique concernant les droits d’auteur, la réglementation autour de la propriété intellectuelle, et l’éducation au numérique pour toutes et tous, vont être – ou sont peut-être déjà – un enjeu d’avenir au niveau mondial.

    Rendons à César ce qui est à césar

    L’équipe du « Glaze Project »

    Instagram du Glaze project

    Profil X du Glaze project

    Lien officiel : https://glaze.cs.uchicago.edu/ 

    Pour avoir davantage d’informations sur Glaze et Nightshade : page officielle

    Article Glaze : Shan, S., Cryan, J., Wenger, E., Zheng, H., Hanocka, R., & Zhao, B. Y. (2023). Glaze: Protecting artists from style mimicry by {Text-to-Image} models. In 32nd USENIX Security Symposium (USENIX Security 23) (pp. 2187-2204).  arXiv preprint arXiv:2302.04222 

    Article Nightshade : Shan, S., Ding, W., Passananti, J., Zheng, H., & Zhao, B. Y. (2023). Prompt-specific poisoning attacks on text-to-image generative models. arXiv preprint arXiv:2310.13828.

     

    A propos de l’autrice : Julie Laï-Pei, après une première vie dans le secteur artistique et narratif, a rejoint l’émulation de l’innovation en Nouvelle-Aquitaine, en tant que responsable de l’animation d’une communauté technologique Numérique auprès d’un pôle de compétitivité. Femme dans la tech et profondément attachée au secteur Culturel et Créatif, elle a à coeur de partager le résultat de sa veille et de ses recherches sur l’impact des nouvelles technologies dans le monde de la créativité.

    https://creativhight.wixsite.com/creativity-and-tech 

  • Robotique développementale, ou l’étude du développement des connaissances dans une Intelligence Artificielle

    Intelligences naturelles et artificielles peuvent apprendre les unes des autres. De nombreux algorithmes s’inspirent de notre compréhension des mécanismes du vivant et les modèles utilisés en intelligence artificielle peuvent en retour permettre d’avancer dans la compréhension du vivant. Mais comment s’y retrouver ? Donnons la parole à Ikram CHRAIBI KAADOUD qui nous offre ici un éclairage. Pascal Guitton et Thierry Viéville.

    Cet article est publié conjointement avec le blog scilog qui nous offre ce texte en partage. Une version en anglais est disponible au lien suivant

    Apprendre à apprendre, une problématique IA  mais pas seulement

    Photo de Andrea De Santis de Unsplash

    Il est souvent dit et admis que de nombreux algorithmes s’inspirent du vivant et qu’inversement l’artificiel peut permettre d’avancer la compréhension du vivant*.

    S’inscrivant dans cette démarche, le développement des connaissances chez les humains est un domaine qui a été largement étudié par exemple,   par des méthodes informatiques utilisant des approches d’apprentissage automatique (Machine Learning) ou encore des approches robotiques (Cangelosi, 2018). L’objectif:  réaliser des algorithmes ou robots flexibles et performants capables d’interagir efficacement avec les humains et leur environnement.

    * Attention cher lecteur, chère lectrice, s’inspirer du vivant n’implique pas de créer un double artificiel ; par exemple mimer ou dupliquer:  la conception d’avions peut s’inspirer des oiseaux mais ce n’est pas pour autant que les avions battent des ailes !

    L’un des défis principaux qui existe lors d’une interaction humain-machine est la prise en compte de la variabilité de l’environnement. Autrement dit l’évolution du contexte de l’interaction. Une réponse d’une machine pertinente à un instant donné, ne sera peut-être plus la bonne quelques instants plus tard. Cela peut être dû à l’environnement (changement de lieu, d’horaire) ou à l’individu avec lequel la machine interagit. 

    Par exemple, si je vous dis « Mon train est dans 10 min » et que je suis à l’autre bout de la ville (la gare étant à l’opposé de ma localisation), il est évident que celui-ci partira sans moi. Si je suis devant la gare, alors il serait adéquat de me dépêcher ! Enfin si je suis dans le train au moment où je prononce ces mots, alors tout est bon pour moi !*
    *Merci au Dr. Yannis Haralambous, chercheur en Traitement du langage naturel, fouille de textes et grapho linguistique de IMT atlantique et l’équipe DECIDE du LAB-STICC, CNRS pour le partage de cet exemple 

    La compréhension du contexte et son assimilation est un sujet à part entière entre humains et par extension, également entre Humains et Machine.

    Alors comment faire pour qu’une machine apprenne seule à interagir avec un environnement changeant ? Autrement dit, comment faire pour que cet agent apprenne à raisonner : analyser la situation, déduire ou inférer un comportement, exécuter ce dernier, analyser les résultats et apprendre de sa propre interaction ?

    Il existe déjà nombre de travaux dans les domaines de l’apprentissage par renforcement en IA qui s’intéressent aux développements d’agents artificiels, ou encore de la cobotique où le système robotique doit prendre en compte la localisation des opérateurs humains pour ne pas risquer de les blesser. Mais il existe aussi des approches qui tendent à s’inspirer de la cognition et notamment de celle des enfants :  les approches de robotique développementale.

    “L’un des paradigmes les plus récents, la robotique développementale, propose de s’intéresser non pas à l’intelligence « adulte » d’un individu capable de résoudre a priori une large classe de problèmes, mais plutôt d’étudier la manière dont cette intelligence se constitue au cours du développement cognitif et sensori moteur de l’individu. On ne cherche pas à reproduire un robot immédiatement intelligent, mais un robot qui va être capable d’apprendre, en partant au départ avec un nombre réduit de connaissances innées. Le robot apprend à modéliser son environnement, les objets qui l’entourent, son propre corps, il apprend des éléments de langage en partant du lexique jusqu’à la grammaire, tout cela en interaction forte à la fois avec le monde physique qui l’entoure mais également au travers d’interactions sociales avec les humains ou même d’autres robots. Le modèle qui préoccupe le chercheur en intelligence artificielle n’est plus le joueur d’échec, mais tout simplement le bébé et le jeune enfant, capable d’apprendre et de se développer cognitivement.”
    Extrait de la page de présentation d’une série de conférences sur ce sujet en 2013 : https://x-recherche.polytechnique.org/post/Conf%C3%A9rence-Robotique-D%C3%A9veloppementale

    Quelques définitions avant d’aller plus loin ! 

    Reprenons d’abord quelques définitions avant d’aborder ce sujet passionnant de cognition artificielle.

    Alors qu’est-ce que l’apprentissage par renforcement, ou Reinforcement Learning ? Il s’agit d’un domaine de l’apprentissage automatique, Machine Learning, qui se concentre sur la façon dont les agents artificiels entreprennent des actions dans un environnement par la recherche d’un équilibre entre l’exploration (par exemple, d’un territoire inexploré) et l’exploitation (par exemple, de la connaissance actuelle des sources de récompense)(Chraibi Kaadoud et al, 2022). Ce domaine aborde la question de la conception d’agents autonomes qui peuvent évoluer par l’expérience et l’interaction (Sutton, Barto, et al., 1998).

    Le second concept à éclaircir est celui de Robotique :

    La robotique est un domaine scientifique et industriel qui a pour objet d’étude le robot en lui-même. Cela englobe, ses performances, ses caractéristiques énergétiques, électroniques, mécaniques et même automatiques.  

    La cobotique est un domaine scientifique qui étudie les systèmes hommes-robots collaboratifs. Un cobot se définit donc comme un robot collaboratif travaillant dans le même espace de travail que l’humain. Par exemple, un robot jouet ou robot d’accueil. La cobotique est très proche de la robotique, cependant elle n’englobe pas toutes les problématiques de la robotique. En effet, en cobotique, le cœur du sujet est la perception du cobot de son environnement, son interaction avec l’humain et inversement, la perception, l’interaction et l’acceptabilité de l’humain de son cobot. La cobotique se distingue par un volet ergonomie et ingénierie cognitique, absente de la robotique.

    La cobotique est donc de nature pluridisciplinaire et se situe à l’intersection de trois domaines : robotique, ergonomie et cognitique (Salotti et al, 2018). Notons que la cobotique n’est pas directement liée au sujet de la robotique développementale mais il est essentiel de distinguer ces deux sujets, d’où cette petite parenthèse.

    Enfin cela nous amène à la robotique développementale ou Developmental robotics. Ce domaine est aussi connu sous d’autres synonymes : cognitive developmental robotics, autonomous mental development, ainsi que epigenetic robotics.

    Ce champ de recherche est dédié à l’étude de la conception de capacités comportementales et cognitives des agents artificiels de manière autonome. Autrement dit, ce domaine s’intéresse au développement des comportements de robots et de leur représentation du monde avec lequel ils interagissent et de tout ce qui a trait à leur connaissance.

    Intrinsèquement interdisciplinaire, ce domaine s’inspire directement des principes et mécanismes de développement observés dans les systèmes cognitifs naturels des enfants. 

    Photo de Ryan Fields de Unsplash

    En effet, quoi de plus curieux et autonome qu’un enfant dans la découverte de son monde ?

     Ce domaine tend ainsi à s’inspirer du développement des processus cognitifs des enfants pour concevoir des agents artificiels qui apprennent à explorer et à interagir avec le monde comme le font les enfants (Lungarella, 2003; Cangelosi, 2018).

    Comment ? L’approche traditionnelle consiste à partir des théories du développement humain et des animaux appartenant aux domaines de la psychologie du développement, des neurosciences, du développement, de la biologie évolutive, et de la linguistique pour ensuite les formaliser et implémenter dans des robots ou agents artificiels.

    Attention, précisons que la robotique développementale est disjointe de la robotique évolutionnelle qui utilise des populations de robots interagissant entre eux et qui évoluent dans le temps.

    En quoi la robotique développementale est intéressante ?

    Afin d’avoir des agents artificiels qui évoluent et s’adaptent au fur et à mesure de leur expérience, des chercheurs se sont attelés à observer des enfants à différents stade de leur apprentissage et le développement de cette capacité d’apprentissage. Les nourrissons en particulier créent et sélectionnent activement leur expérience d’apprentissage en étant guidés par leur curiosité. Des travaux se sont donc penchés sur la modélisation de la curiosité en IA afin de déterminer l’impact de celle-ci sur l’évolution des capacités d’apprentissage des agents artificiels (Oudeyer et Smith, 2016). Les domaines d’applications sont nombreux et peuvent permettre par exemple la conception de robots capables d’apprendre des choses sur le long terme et d’évoluer dans leur apprentissage ou encore des algorithmes performants capables de générer des explications adaptées au contexte en langage naturel par exemple.

    Au-delà de la conception d’agents intelligents, l’expérimentation de ces modèles artificiels dans des robots permet aux chercheurs de confronter leur théorie sur la psychologie du développement à la réalité et ainsi confirmer ou infirmer leur hypothèse sur le développement des enfants par exemple. La robotique développementale peut ainsi être un outil d’expérimentation scientifique et d’exploration de nouvelles hypothèses sur les théories du développement humain et animal. Un outil au service de l’enfant, s’inspirant de ce dernier.

    Une meilleure compréhension du développement cognitif humain et animal, peut permettre alors de concevoir des machines (robots, agents artificiels) adaptées à l’interaction avec des enfants au fur et à mesure qu’ils grandissent et que leur contexte évolue. Cela permet également de créer des applications plus adaptées aux enfants dans les technologies éducatives comme le montre le schéma “Qu’est ce que la robotique développementale ?”.

    Au-delà de l’interaction humain-machine, ce domaine passionnant amène à se poser également des questions sur la curiosité artificielle, la créativité artificielle et même celle de la question de la motivation d’un agent artificiel ou robot ! Autrement dit, la robotique développementale permet également des découvertes scientifiques au service de la compréhension du développement cognitif des enfants et celui de la conception d’agents ou machines artificiels qui apprennent à apprendre tout au long de leur expérience.

    Schéma: Qu’est ce que la  robotique développementale ? l’alliance de modèle de sciences cognitives et d’intelligence artificielle au service de la compréhension du développement cognitif et de l’apprentissage autonome tout au long de la vie. Images: @Pixabay

    Que retenir ?

    La conception d’une interaction humain-machine réussie est une quête en soit pour laquelle différentes approches sont possibles : celle de l’apprentissage par renforcement qui se focalise sur l’agent artificiel comme objet d’étude dans un contexte donné, celle de la robotique qui se focalise sur le robot en tant que sujet d’étude d’un point de vue mécanique et logiciel, et enfin celle de la robotique développementale qui s’inspire du développement cognitif des enfants afin de créer des machine/agents artificiels flexibles, adaptée et adaptable qui évoluent. Cette épopée en est à ses prémisses et de nombreuses découvertes sont encore à venir. Toutefois retenons une chose : comment apprendre à apprendre est bien une question autant d’humains que de robots ! 

    Références & pour en savoir plus :

    Cangelosi, A., Schlesinger, M., 2018.  From babies to robots:  the contribution of developmental robotics to developmental psychology.  Child Development Perspectives 12, 183–188.

    Chraibi Kaadoud, I., Bennetot, A., Mawhin, B., Charisi, V. & Díaz-Rodríguez, N. (2022). “Explaining Aha! moments in artificial agents through IKE-XAI: Implicit Knowledge Extraction for eXplainable AI”. Neural Networks, 155, p.95-118. 10.1016/j.neunet.2022.08.002 

    Droniou, A. (2015). Apprentissage de représentations et robotique développementale: quelques apports de l’apprentissage profond pour la robotique autonome (Doctoral dissertation, Université Pierre et Marie Curie-Paris VI).

    Lungarella, M., Metta, G., Pfeifer, R., Sandini, G., 2003.  Developmental robotics:  a survey.  Connection science 15,151–190.

    Oudeyer, P. Y., & Smith, L. B. (2016). How evolution may work through curiosity‐driven developmental process. Topics in Cognitive Science, 8(2), 492-502.

    Padois Vincent (2011) Dossier « iCub et les robots de services » pour le site www.Futura-sciences.com URL : https://www.futura-sciences.com/tech/dossiers/robotique-icub-robots-service-1143/

    Salotti, J. M., Ferreri, E., Ly, O., & Daney, D. (2018). Classification des systèmes cobotiques. Ingénierie cognitique, 1(1). https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01943946

     

     

     

  • Enjeux sociétaux, c’est le sujet du TIPE 2020-2021

    Le Travail d’Initiative Personnelle Encadré (TIPE) est une épreuve commune à la plupart des concours d’entrée aux grandes écoles scientifiques. Il permet d’évaluer les étudiant·e·s non pas sur une épreuve scolaire mais à travers un travail de recherche et de présentation d’un travail personnel original. C’est un excellent moyen d’évaluer les compétences. Cela peut être aussi une épreuve inéquitable dans la mesure où selon les milieux on accède plus ou moins facilement aux ressources et aux personnes qui peuvent aider. Pour aider à maintenir l’équité, les chercheuses et les chercheurs se sont mobilisés pour offrir des ressources et du conseil à toute personne pouvant les solliciter. Thierry Viéville.

    Free-Photos Pixabay

    TIPE ? Comme tous les ans, en lien avec sillages.info et l’UPS pour les CGPE, Interstices et Pixees vous proposent des ressources autour des sciences du numérique, informatique et mathématiques.

    Le thème pour l’année 2020-2021 du TIPE commun aux filières BCPST, MP, PC, PSI, PT, TB, TPC et TSI est intitulé : enjeux sociétaux. Ce thème pourra être décliné sur les champs suivants : environnement, sécurité, énergie.

     

    L’article complet sur Pixees.

    Le recueil de ressources d’Interstices.

    © Inria / Photo C. Morel

    À l’heure où ces lignes sont écrites, une partie de l’humanité est confinée pour maîtriser la propagation de l’épidémie de coronavirus Covid-19. Cette crise sanitaire exceptionnelle en désagrégeant nos vies et nos organisations, a relativisé l’importance de nombreuses questions et a bousculé de nombreuses croyances. Bien malin qui peut décrire les conséquences à long terme de cette épidémie. Bien sûr, les rumeurs et les fausses informations sont toujours bien présentes mais une idée a retrouvé une place centrale dans le débat public : la science.

    En cherchant à partir d’observations et de raisonnements rigoureux à construire des connaissances, la science permet de comprendre, d’expliquer mais aussi d’anticiper et parfois de prédire. Et aujourd’hui, les sciences du numérique (modélisation, simulation, communication, information…) ont un rôle capital.

    Les thématiques abordées ci-dessous sont majeures : risques naturels, énergies, sécurité informatique, sobriété numérique, avec souvent des sujets reliant science et société. C’est l’occasion pour vous d’exercer vos connaissances, votre curiosité, votre capacité de synthèse. L’objectif n’est pas tant de résoudre l’une de ces questions que d’y donner un éclairage personnel et scientifique. Chacune des problématiques décrites ci-dessous ne constitue pas exactement un sujet de TIPE mais plutôt un thème duquel vous pourrez extraire votre sujet. Le TIPE s’articule souvent autour de la trilogie théorie/expérience/programme. Les recherches décrites ici portent sur les sciences du numérique, l’expérimentation numérique y a une grande place.

    Même si, suite à l’épidémie de coronavirus Covid-19, les destructions ne sont pas matérielles, beaucoup est à refonder, à rebâtir. Et vous qui êtes étudiantes et étudiants de filières scientifiques, votre rôle sera prépondérant.

    Pour conclure cette brève présentation et insister à nouveau sur l’importance de la science, je rappellerai l’article 9 de la charte de l’environnement (texte à valeur constitutionnelle) : « La recherche et l’innovation doivent apporter leur concours à la préservation et à la mise en valeur de l’environnement. »

  • Le temps de Gilles Dowek et Serge Abiteboul

    abitebouldowek-2Cher Serge,

    Ce vendredi 27 janvier parait ce livre qui vous tient tant à cœur à Gilles et toi:  « Le temps des algorithmes » aux éditions du Pommier. Tu ne voulais pas (par déontologie) en faire la pub sur ce blog dont tu es le fondateur, mais nous lisons régulièrement vos écrits et sommes intimement convaincus que cet ouvrage nous aidera à nous poser des questions fondamentales sur la place des algorithmes dans notre société.

     

    abitebouldowek-1
    Alors l’ensemble de l’équipe de Binaire (sauf toi !) avons décidé, comme pour toutes les autres productions de ce type, d’en faire très simplement l’annonce. En attendant, compte sur nous, pour en faire aussi la critique 🙂

    Amitiés.

    Pour accéder aux critiques du livre c’est ici : le-temps-des-algorithmes-le-cadeau

  • Comment les chercheurs en informatique partagent leur culture scientifique

    Fête de la Science 2014 Inria Grenoble - Rhône-AlpesLes annonces de « grands plans éducatifs au numérique » où les enfants apprendront le « code » (c’est à dire le codage numérique de l’information, comment construire un algorithme et le programmer) se multiplient. Et l’on ne peut que se réjouir que tous nos enfants aient enfin la chance de s’approprier les éléments essentiels pour comprendre et surtout façonner la société dans laquelle ils sont appelés à vivre.  Si notre système éducatif a mis du temps à prendre conscience du besoin de transmettre une réelle connaissance de la science informatique et non seulement de ses usages, d’autres n’ont pas tant attendu. Une des nombreuse facettes des métiers de la recherche est de partager l’information scientifique avec chacune et chacun, pour faire de nous et de nos enfants des citoyen-ne-s  éclairé-e-s sur ces sujets. Depuis des années déjà, les chercheurs en informatique se sont emparés de ces questions et sont à l’origine de nombreuses initiatives qui visent à mettre à portée de tous, de manière souvent originale et ludique, des éléments de science informatique. Il ne s’agit pas ici d’enseigner mais bien de susciter la réflexion, de semer des grains de science qui pourront ensuite germer, par exemple à l’occasion de formations ou d’échanges plus approfondis.

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    Activités débranchées: pour comprendre ce qui se passe dans un ordinateur, on joue avec des objets du quotidien qui en reproduisent certains mécanismes.

    Pour témoigner de ce travail, ou plutôt de cette passion au quotidien, la Société Informatique de France, sort un numéro spécial de son bulletin 1024 sur la médiation scientifique en science informatique.  Pourquoi et comment partager une culture scientifique en science informatique ? Comment parler d’informatique à chacune et chacun ? Concrètement comment aller de l’avant au niveau de cette médiation scientifique ?

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    Activités InriRobot, des chercheurs en informatique et didactique proposent des activités d’initiation dès le primaire.

    Témoignages d’actions concrètes pour découvrir quelques unes de ces activités, mettre en valeur des partenariats forts avec le monde associatif, et tenter d’évaluer l’impact de ce service public.
    Parole donnée aux institutions pour réaffirmer l’importance de la mission de médiation dans les métiers de la recherche. Mise en perspective de ces actions pour que la communauté scientifique regarde vers l’avenir sur ces sujets. Voici ce que ce numéro spécial de la revue 1024 nous offre en partage.

    Cliquer sur ce lien pour accéder à la revue en ligne.

    Il est urgent de ne plus attendre, en ce qui concerne l’enseignement de l’informatique en France. Les actions de médiation scientifiques, si elles peuvent être un tremplin, ne doivent pas être perçues comme une rustine pour pallier  l’absence d’enseignement,  seule voie pour assurer un accès réellement démocratique à la culture informatique.  Pour autant, relever ce défi de l’éducation est aujourd’hui à portée de main. De la formation des enseignants et des animateurs péris-scolaires à la production de ressources, la communauté scientifique est déjà en marche pour contribuer à cette grande cause nationale.

    Sylvie Alayrangues, Enseignante- Chercheure, Vice-présidente médiation de la Société Informatique de France.
    Thierry Viéville, Chercheur Inria en membre de la SIF, Chargé de mission médiation scientifique Inria.

  • Pixees, le monde numérique à portée de clic

    Vous en avez marre qu’on vous rabâche les oreilles avec des notions d’informatique ou de numérique, que l’on vous dise « Ah oui, mais c’est hyper important pour le monde d’aujourd’hui », alors que vous ne comprenez même pas pourquoi ? Et bien voici un moyen efficace et intéressant de comprendre ces notions.

    pixees-4Pixees, un site Inria, de la SIF (Société Informatique de France) et de Pasc@line (Association des Professionnels du Numérique) avec plus d’une vingtaine de partenaires, dédié à la médiation scientifique…

    Pixees, une solution pour décoder le monde du numérique

    La médiation… ?! D’accord ! On part déjà trop loin ? Et bien disons simplement que ce site regroupe toute sorte de supports pour nous initier aux notions d’algorithmes, à la représentation de l’information, à l’histoire de l’informatique, etc. C’est à travers des conférences, des vidéos, des interviews, des documentaires, des jeux, et on en passe, que nous pouvons nous documenter, et même apprendre à apprendre aux autres.

    pixees-2En effet ce site a été réalisé pour toute personne du niveau le plus sobre au plus élevé. Que nous soyons parent, élève ou étudiant, professeur, ou bien simplement curieux, ce site est fait pour nous. Des méthodes sont là pour vous accompagner pas à pas, par exemple pour expliquer à l’enfant comment utiliser et s’approprier ces machines omniprésentes au quotidien dans notre société : ordinateur, tablette ou smartphone… et au-delà de l’usage,apprendre également à créer grâce à elles.

    Peur de ne pas être à la hauteur ? De ne pas comprendre les articles ? Pas d’inquiétude, ils sont indexés et de multiples définitions sont là pour nous secourir en cas de problème.

    Spécial profs : profitez de la culture numérique en live.

    Cela tombe à pic, au moment où l’enseignement des fondements du numérique entre au collège et en primaire (on parle parfois de « codage », mais au delà de l’apprentissage de la programmation, il y a la construction d’une culture scientifique indispensable à la maîtrise du numérique).

    pixees-3Selon le lieu où on se trouve en France, il y a la possibilité de faire venir dans son établissement une ou un chercheur. Pixees propose différents types d’interventions, telles que des animations et/ou des conférences, consultables sur le site et répertoriées géographiquement sur la carte de France de tous les partenaires du projet.

    Vous préférez un contact direct de visu ? Cela tombe bien, car notre bureau en ligne est ouvert à partir du 8 septembre les mercredis et jeudis de 14h00 à 17h00. Vous n’aurez ensuite plus qu’à lancer la connexion en cliquant sur l’image affichée. Nous contacter par mail, téléphone, Twitter ou en remplissant un formulaire numérique est aussi possible.

    Le partage et la co-construction avant tout

    Pixees n’est évidemment pas réservé qu’aux enseignants, animateurs d’activité extra-scolaire ou parents. Le bureau en ligne est destiné à tous les futurs et bienvenus inconditionnels du site qui souhaiteront participer à cette aventure.

    En plus, Pixees peut vous répondre en anglais, espagnol, italien, allemand et en d’autres langues, grâce à notre bureau en ligne international. Certaines ressources sont mêmes déjà traduites.

    Pixees ou le mouvement perpétuel

    pixees-1Ça y est, mordu de Pixees ? N’oubliez alors pas de suivre son actualité et ses évolutions de publications et d’interventions. N’hésitez surtout pas à faire part de vos idées et remarques, afin que ce site évolue selon vos besoins.

    Un dernier argument pour vous montrer que ce site est celui de toutes et tous ? L’une de nous est une jeune prof de langues, l’autre une étudiante en communication. Aider à construire et nourrir Pixees a été notre job d’été. On en a profité pour découvrir plein de choses bien utiles dans notre vie quotidienne, dans le monde numérique. Et aussi des choses «inutiles» mais passionnantes pour avoir une meilleure vision de cet univers-là.

    Alice Viéville et Juliette Calvi