Sur le blog binaire, nous aimons aussi la fiction, et Henri d’Agrain, nous partage ici une petite nouvelle bien … édifiante. Plaise à la vie que cela reste bien de la fiction. Yves Bertrand & Serge Abiteboul
Dessiné aux bons soins de l’auteur par ChatGPT, qui ne s’est pas fait prier…
Bruxelles, le 4 juillet 2025, par notre envoyé spécial, Jean Pacet-Démayeur
Une décision historique et lourde de conséquences vient bouleverser les relations entre les États-Unis et l’Union européenne. Dans un contexte de tension croissante depuis six mois, le Président Trump a annoncé hier soir, à la veille des célébrations de l’Independence Day, qu’il avait signé un Executive Order avec effet immédiat, interdisant aux entreprises technologiques américaines de délivrer des produits et des services numériques au Danemark, membre de l’Union européenne. Cette mesure de rétorsion, sans précédent entre alliés historiques, est la conséquence du conflit diplomatique majeur que Donald Trump a provoqué en annonçant au début de l’année, et avant d’entrer à la Maison blanche le 20 janvier 2025, son projet d’annexion par les États-Unis du Groenland, y compris par la force armée.
Une annexion qui embrase les relations internationales
Tout a commencé il y a six mois en effet, lorsque Donald Trump a annoncé sa volonté d’annexer le Groenland, éventuellement par la force armée. L’île principale de l’Atlantique Nord représente en effet un atout géostratégique majeur en raison de sa proximité avec les routes maritimes critiques reliant l’Europe, l’Asie et l’Amérique du Nord, ainsi que pour ses riches réserves en matières premières stratégiques. Déjà en 2019, une rumeur prêtait à Donald Trump, au cours de son premier mandat, l’intention d’acheter le Groenland au Danemark.
Malgré des protestations fermes de l’Union européenne et des appels au dialogue international, le Président Donald Trump a justifié sa décision par des impératifs stratégiques et de sécurité nationale. En réponse, le Danemark a saisi le Conseil de sécurité des Nations Unis, appelant à une mobilisation diplomatique mondiale.
Un embargo numérique aux conséquences vertigineuses
Hier soir, dans une escalade sans précédent, la Maison-Blanche a annoncé qu’elle interdisait à toutes les entreprises américaines de la tech de continuer à fournir leurs services au Danemark et à son économie. Cette décision inclut des géants tels que Microsoft, Google, Amazon, Meta et Apple, dont les infrastructures, les logiciels et les plateformes sont omniprésents dans l’économie danoise. Il a par ailleurs annoncé que les États-Unis lèveront cet embargo numérique lorsque le Danemark aura accepté de leur vendre le Groenland à un prix raisonnable et conforme à l’offre d’achat formulée en avril 2025.
Le ministre danois de l’Économie a qualifié cette décision de « déclaration de guerre économique », prévenant que son pays faisait face à une « paralysie imminente ». En effet, le fonctionnement de l’économie danoise repose largement sur les services cloud de fournisseurs américains, tandis que son administration publique et son système éducatif dépendent étroitement d’outils tels que Microsoft 365. Plusieurs organisations professionnelles danoises ont par ailleurs appelé le Gouvernement a engager des négociations avec les États-Unis pour éviter l’effondrement de l’économie du pays.
Les conséquences sociales se font déjà sentir : la plupart des administrations publiques sont à l’arrêt, des milliers d’entreprises se retrouvent coupées de leurs outils de gestion, les services bancaires numériques sont indisponibles, et les citoyens constatent qu’ils ne peuvent plus accéder à leurs services du quotidien comme les applications de messagerie, les réseaux sociaux ou les plateformes de streaming. Les hôpitaux, quant à eux, s’inquiètent de l’accès à leurs systèmes de données patient, majoritairement hébergés sur des serveurs américains.
Une vulnérabilité européenne mise à nu
Cette crise expose cruellement le caractère systémique des dépendances numériques des États européens et de leur économie à l’égard des technologies américaines. Si le Danemark est le seul à être touché, d’autres États européens redoutent des mesures de rétorsions similaires. La Commission européenne, par la voix de sa Présidente, a déclaré que « l’Union européenne déplore de telles attaques contre l’intégrité économique et numérique de l’un de ses membres. » Elle a appelé au dialogue entre les États-Unis et le Danemark et à l’apaisement des tensions. Elle a par ailleurs proposé aux États membres d’apporter un soutien technique au Danemark. Elle suggère enfin de lancer les travaux nécessaires pour accélérer les stratégies d’investissements de l’Union dans des alternatives européennes, notamment en mettant en œuvre les préconisations inscrites dans le rapport que Mario Draghi, l’ancien président de la Banque centrale européenne, lui avait remis en septembre 2024.
Les réponses possibles du Danemark
Face à cette situation inédite, le gouvernement danois tente de réagir. Des négociations d’urgence ont été ouvertes avec des acteurs non américains pour assurer une transition vers des systèmes alternatifs, mais de telles démarches de migration prendront des mois, voire des années. Parallèlement, le pays envisage des mesures de rétorsion, comme le blocage des actifs américains sur son territoire, mais son poids économique relativement faible limite ses marges de manœuvre.
En attendant, les citoyens danois se préparent à vivre une crise sans précédent. Certains experts avertissent que cette situation pourrait entraîner une radicalisation de l’opinion publique contre les États-Unis, renforçant les partis politiques favorables à un rapprochement avec d’autres puissances mondiales.
Une fracture durable ?
Alors que la situation semble s’envenimer, de nombreux observateurs redoutent que cette crise ne marque un tournant dans les relations transatlantiques. L’embargo numérique américain pourrait non seulement remodeler les alliances stratégiques comme l’OTAN, mais aussi accélérer le développement de systèmes technologiques régionaux indépendants, que ce soit en Europe ou ailleurs. Une chose est certaine : le Danemark est devenu, bien malgré lui, le théâtre d’une confrontation qui pourrait redéfinir l’ordre international.
La visualisation de données scientifiques connaît une transformation radicale depuis quelques années due à l’accroissement du volume de données et de la puissance de calcul, mais aussi grâce à la prolifération d’outils informatiques permettant l’exploration de ces données. Imaginez pouvoir vous balader dans l’immensité du cosmos, explorer aussi bien l’infiniment petit que l’infiniment grand, sans pour autant vous lever de votre chaise. Vous pourriez, par exemple, découvrir les compositions moléculaires de l’atmosphère de plusieurs planètes révélées par le télescope James Webb. C’est l’objectif ambitieux de Moliverse, un logiciel unifiant la visualisation moléculaire avec la visualisation de phénomènes astrophysiques. Mathis Brossier nous explique ici comment ce logiciel fonctionne et quels sont ces objectifs. Lonni Besançon et Pascal Guitton.
Moliverse [1] est une intégration du logiciel de visualisation moléculaire VIAMD [2] avec le logiciel d’astronomie OpenSpace [3]. Ce mariage permet de représenter des structures moléculaires en contexte avec des corps célestes. Concrètement, Moliverse vous permet de voir, par exemple, la composition gazeuse d’une atmosphère planétaire ou les structures moléculaires dans les traînées de comètes, tout en conservant une vue d’ensemble de l’univers.
Le Contexte Scientifique
Au fil des années, les simulations de dynamique moléculaire ont atteint un niveau de réalisme impressionnant. Cependant, les outils utilisés par les chimistes et biologistes pour visualiser ces simulations restent souvent confinés à une utilisation experte. Des logiciels comme VMD [4], Avogadro [5] ou VIAMD sont essentiels pour les experts, mais manquent de fonctionnalités pour rendre ces données accessibles à un public non spécialiste.
L’idée est donc de rendre plus accessibles ces outils d’experts, pour éduquer et attiser la curiosité du grand public [6, 7]. En combinant la puissance de ces outils avec des environnements immersifs comme les planétariums ou les écrans interactifs, on peut créer des expositions éducatives spectaculaires.
Les Défis Techniques
L’un des défis majeurs de Moliverse est de gérer les échelles extrêmes. Une simple molécule est incroyablement petite, mesurant à peine quelques ångströms (de l’ordre de 0,1 nanomètre), tandis que l’univers observable s’étend sur des millions d’années-lumière (c’est-à-dire des dizaines de milliards de milliards (oui, deux fois) de kilomètres). Il est alors très difficile de percevoir la différence d’échelle entre une molécule et un corps céleste.
Moliverse résout ce problème en utilisant des techniques innovantes de transition d’échelle. Plutôt que de passer de manière linéaire d’une échelle à l’autre, ce qui serait impraticable, Moliverse utilise des encadrements illustratifs qui aident à séparer visuellement les différentes échelles.
De gauche à droite: ① Atmosphère de la Terre à 10km d’altitude ② Nuage de méthane sur Titan ③ Comparaison de molécules organiques ④ Visualisation dans un planétarium.
Application et Impact
L’objectif principal de Moliverse réside dans son application comme outil pédagogique. Imaginez-vous dans un planétarium, où l’on vous montre d’abord les planètes, les étoiles, les galaxies et leurs compositions. Ensuite, la caméra zoome jusqu’à la surface d’une planète, révélant la composition moléculaire de son atmosphère, et la plaçant directement dans le contexte de sa découverte. En changeant de point de vue, on peut voir comment la densité et la composition des gaz changent à différentes altitudes et sur différentes planètes. Par exemple, l’atmosphère terrestre est dense et principalement composée d’azote et d’oxygène, tandis que celle de Mars est beaucoup plus fine et dominée par le dioxyde de carbone.
Un autre usage intéressant de Moliverse est de permettre aux scientiques de visualiser leurs données et leurs simulation de dynamiques moléculaires dans plusieurs environnements, allant de l’ordinateur personnel pour leurs travaux de recherche à des larges écrans ou des planétariums pour de l’enseignement tout en incluant des espaces d’analyses collaboratifs.
Moliverse ouvre la voie à une nouvelle forme de communication scientifique. Les enseignants, chercheurs et vulgarisateurs scientifiques disposent désormais d’un outil pour expliquer des concepts complexes de manière visuelle et immersive. Avec l’arrivée du télescope James Webb et les découvertes qu’il promet, la capacité de Moliverse à montrer des compositions chimiques d’exoplanètes en contexte sera particulièrement précieuse. Pour améliorer cet outil, il convient maintenant d’explorer comment permettre une interaction fluide, naturelle, et efficace [8] entre toutes ces échelles, autant pour les chercheurs lorsqu’ils effectuent leurs recherches, que pour le public lors de démonstrations.
Références
[1] M. Brossier et al., “Moliverse???: Contextually embedding the microcosm into the universe,” Computers & Graphics, vol. 112, pp. 22–30, May 2023, doi: 10.1016/j.cag.2023.02.006.
[2] R. Skånberg, I. Hotz, A. Ynnerman, and M. Linares, “VIAMD: a Software for Visual Interactive Analysis of Molecular Dynamics,” J. Chem. Inf. Model., vol. 63, no. 23, pp. 7382–7391, Dec. 2023, doi: 10.1021/acs.jcim.3c01033.
[3] A. Bock et al., “OpenSpace: A System for Astrographics,” IEEE Trans. Visual. Comput. Graphics, pp. 1–1, 2019, doi: 10.1109/TVCG.2019.2934259.
[4] W. Humphrey, A. Dalke, and K. Schulten, “VMD: visual molecular dynamics,” J Mol Graph, vol. 14, no. 1, pp. 33–38, 27–28, Feb. 1996, doi: 10.1016/0263-7855(96)00018-5.
[5] M. D. Hanwell, D. E. Curtis, D. C. Lonie, T. Vandermeersch, E. Zurek, and G. R. Hutchison, “Avogadro: an advanced semantic chemical editor, visualization, and analysis platform,” J Cheminform, vol. 4, p. 17, Aug. 2012, doi: 10.1186/1758-2946-4-17.
[6] A. Ynnerman, P. Ljung, and A. Bock, “Reaching Broad Audiences from a Science Center or Museum Setting,” in Foundations of Data Visualization, M. Chen, H. Hauser, P. Rheingans, and G. Scheuermann, Eds., Cham: Springer International Publishing, 2020, pp. 341–364. doi: 10.1007/978-3-030-34444-3_19.
[7] S. Schwan, A. Grajal, and D. Lewalter, “Understanding and Engagement in Places of Science Experience: Science Museums, Science Centers, Zoos, and Aquariums,” Educational Psychologist, vol. 49, no. 2, pp. 70–85, Apr. 2014, doi: 10.1080/00461520.2014.917588.
[8] L. Besançon, A. Ynnerman, D. F. Keefe, L. Yu, and T. Isenberg, “The State of the Art of Spatial Interfaces for 3D Visualization,” Computer Graphics Forum, vol. 40, no. 1, pp. 293–326, Feb. 2021, doi: 10.1111/cgf.14189.
En octobre 2021, Facebook a annoncé le développement d’un nouvel environnement virtuel baptisé Metaverse. Cette information a entrainé de nombreuses réactions tant sous la forme de commentaires dans les médias que de déclarations d’intention dans les entreprises. Comme souvent face à une innovation technologique, les réactions sont contrastées : enfer annoncé pour certains, paradis pour d’autres. Qu’en penser ? C’est pour contribuer à cette réflexion que nous donnons la parole à Pascal Guitton et Nicolas Roussel. Dans ce premier article – bientôt suivi d’un second – ils nous expliquent de quoi il s’agit vraiment. Binaire, le blog pour comprendre les enjeux du numérique, en collaboration avec theconversation.
De quoi parle-t-on ?
Le concept de métavers[1] vient de la littérature de science-fiction. Le terme est apparu la première fois dans un roman de 1992, Le samouraï virtuel de Neal Stephenson, pour décrire un univers généré par ordinateur auquel on accède à l’aide de lunettes et d’écouteurs. D’autres romans avaient auparavant décrit des mondes virtuels plus ou moins similaires sous d’autres termes : simulateur dans un roman de Daniel F. Galouye de 1968, ou cyberespace dans les romans de William Gibson du début des années 1980, par exemple.
Les premières réalisations concrètes de ce concept remontent aux années 1990-1995 pour Active Worlds, aux Etats Unis, ou 1997 pour Le deuxième monde, en France. Elles ont longtemps été limitées par les capacités techniques du moment.
Aujourd’hui, il existe un grand nombre de métavers, la plupart méconnus, et c’est l’annonce de Facebook/Meta qui a remis sur le devant de la scène médiatique ces environnements.
Photo de Bradley Hook – Pexels
Même s’il n’existe pas de définition précise, on peut lister quelques éléments caractéristiques d’un métavers :
C’est une réalisation informatique qui permet de créer un univers virtuel — ou monde ou environnement virtuel — dans lequel nous pouvons interagir ;
L’environnement virtuel créé est composé d’éléments de paysage ou de décor, d’objets divers et d’êtres animés autonomes ou contrôlés depuis le monde réel (on parle alors d’avatars) ;
L’environnement peut reproduire une partie du monde réel (la ville de Paris, dans Le deuxième monde), matérialiser des éléments abstraits de celui-ci (les éléments logiciels d’un ordinateur dans le film Tron, ou les interconnexions de réseaux informatiques dans le cyberespace de la littérature cyberpunk) ou proposer quelque chose de totalement nouveau ;
Les lois de cet environnement virtuel et l’aspect et le comportement de ce qui le compose peuvent être similaires à ceux du monde réel, ou non (on peut donner à un avatar humain la possibilité de survoler une ville, par exemple) ;
L’accès à cet environnement se fait à travers des interfaces classiques (clavier, souris et/ou manette, écran éventuellement tactile) ou spécifiques (casque, lunettes, gants, etc.) qui permettent de percevoir le monde (via une représentation visuelle, sonore, haptique, olfactive) et d’interagir avec ce qui le compose ;
A travers ces interfaces, diverses activités sont possibles : se déplacer ; observer ; créer ou modifier des éléments ; en acquérir ou en échanger ; collaborer ou rivaliser avec d’autres personnes présentes ; etc.
L’environnement est accessible et utilisable simultanément par un très grand nombre de personnes ;
L’environnement persiste dans la durée et évolue en permanence, qu’on y accède ou non, on le retrouve ainsi rarement dans l’état où on l’a laissé.
L’ensemble de ces caractéristiques permet à une société virtuelle de se développer, avec une culture propre, une économie, etc.
D’où vient ce concept ?
Première idée reçue à déconstruire : les métavers ne sont pas issus d’une révolution technologique récente initiée par Facebook. Ils reposent sur de nombreux développements scientifiques, technologiques, applicatifs et évènementiels parfois anciens qu’il convient de rappeler.
Les métavers s’inscrivent dans le domaine de la réalité virtuelle (RV) apparue au début des années 1980 et reposant sur une représentation immersive (visuelle et parfois aussi sonore et/ou haptique) d’un environnement virtuel avec laquelle l’utilisateur peut interagir pour se déplacer et réaliser des tâches variées. La richesse de cette représentation et de cette interaction génère un sentiment de présence dans l’environnement virtuel qui favorise l’implication de l’utilisateur. Focalisées sur la compréhension de phénomènes, la conception d’objets ou systèmes et l’apprentissage de tâches, les applications de la RV se sont d’abord cantonnées à des secteurs comme les transports, l’industrie, l’architecture et l’urbanisme, la médecine, puis se sont ouvertes à d’autres domaines comme le tourisme, la culture et le divertissement.
Dans les années 1990, le développement des technologies numériques a permis la création d’environnements virtuels collaboratifs dans lesquels différents utilisateurs pouvaient être simultanément immergés. A la croisée de différents domaines (RV, communication médiatisée, environnements de travail numériques), les premiers environnements multi-utilisateurs ciblaient encore souvent des situations professionnelles, notamment la fabrication de véhicules (voitures, avions, lanceurs de satellites) dont les acteurs sont le plus souvent localisés sur des sites différents. Assez vite, cependant, on a vu émerger des environnements destinés à des publics et des activités plus larges. Mentionnons par exemple le Deuxième monde lancé en 1997 par Canal + ou bien Second life lancé en 2003, qui a compté jusqu’à un million d’utilisateurs et reste aujourd’hui accessible.
Reconstitution de mouvements de foules dans un espace urbain – Inria, Photo C. Morel
Des recherches ont été menées sur les architectures nécessaires au passage à une plus grande échelle (en France, dans le cadre du projet Solipsis, par exemple). Le développement continu des technologies numériques a ensuite permis la diffusion à large échelle de matériels et logiciels précédemment cantonnés aux laboratoires de recherche ou très grandes entreprises. L’apparition dans les années 2010 de casques de réalité virtuelle de très bonne qualité mais à coût nettement réduit a notamment permis le développement de nouveaux usages de cette technologie dans les environnements professionnels et domestiques.
Les métavers s’inscrivent aussi dans l’évolution récente des jeux vidéo. Ces jeux proposent depuis longtemps l’exploration de mondes virtuels, mais plusieurs tendances ont profondément changé la donne ces dernières années.
L’approche « monde ouvert » sur laquelle reposent certains jeux permet l’exploration libre du monde proposé, et non plus seulement la simple progression dans une structure narrative prédéterminée. Les jeux multi-joueurs en ligne sont devenus courants. La liberté d’action permet, au-delà de la simple coprésence, la collaboration ou la rivalité entre les joueurs. Les jeux leur permettent de communiquer par texte ou oralement, de se socialiser, de s’organiser en équipes, en clans. Certains sont conçus comme des plateformes qui évoluent dans le temps à travers des mises à jour et ajouts significatifs (décors, objets, personnages animés, etc.), au point que l’on parle pour ces jeux de « saisons », comme pour les séries télévisées.
Des jeux permettent d’acquérir — en récompense à des actions ou contre de la monnaie virtuelle achetée dans le monde réel — des armes, ballons et autres objets, des tenues, des véhicules, des bâtiments, etc. Certains permettent aussi de créer des objets, de les échanger ou de les vendre. Une économie se crée ainsi au sein de ces environnements, inscrite dans la durée et avec des conséquences bien tangibles dans le monde réel[2]. Ces sociétés et économies virtuelles attirent dans le secteur des jeux vidéo des entreprises d’autres secteurs comme ceux de la musique, pour y organiser des concerts[3], ou du luxe, pour y vendre des objets griffés[4].
Dofus (2004), Roblox (2006), Minecraft (2011), GTA online (2013), Fortnite (2017) ou les éditions récentes de Call of Duty (2003) illustrent la plupart des caractéristiques citées. Les briques technologiques créées pour réaliser ces environnements ont atteint un niveau très élevé de maturité et sont aujourd’hui utilisées dans de nombreux autres secteurs. Les « moteurs graphiques » Unity et Unreal sont ainsi couramment utilisés pour des applications dans les domaines de l’architecture, du cinéma ou de l’ingénierie. Ces briques pourraient jouer un rôle important dans la réalisation de nouveaux métavers, et sont valorisées comme telles[5].
L’engouement pour les métavers coïncide aussi avec un questionnement sur l’avenir des réseaux sociaux et la place des GAFAM, et de nouvelles possibilités offertes par les technologies de type chaîne de blocs (blockchain en anglais). Les réseaux sociaux tels que nous les connaissons sont de formidables outils de communication, avec un effet démultiplicateur pour le meilleur et pour le pire. Les métavers ouvrent de nouvelles possibilités, proposent de nouvelles interactions sociales, au-delà de la simple communication à base de textes courts ou d’images. Ils sont l’occasion de repartir sur de nouvelles bases, avec l’espoir — pour les plus optimistes — qu’elles ne conduiront pas nécessairement aux mêmes dérives.
Les technologies chaîne de blocs offrent les moyens de créer de la rareté numérique (des objets numériques ne pouvant exister qu’en nombre fini), de vérifier l’authenticité et la propriété d’un objet, de tracer son histoire, de permettre à son créateur ou sa créatrice de percevoir une redevance sur ses reventes par le biais de « contrats intelligents », etc. On voit se construire au-dessus de ces technologies de nouveaux jeux/mondes comme Decentraland ou Axie Infinity dans lesquels les joueurs/utilisateurs sont aussi les créateurs et administrateurs du monde virtuel, et peuvent en tirer de réels profits.
Cette implication des utilisateurs dans la création et l’administration permet d’envisager à terme des mondes bien plus complexes. Ces nouveaux mondes s’inscrivent dans ce qu’on qualifie de « Web3 », un internet décentralisé (au sens du pouvoir, pas de l’architecture informatique) qui permettrait aux utilisateurs de reprendre le contrôle aux acteurs qui dominent le système actuel.
Des décennies de romans et de films de science-fiction nous ont préparé aux métavers (Matrix, Ready Player One ou Free Guy par exemple, en plus des romans ou films déjà cités). La pandémie de Covid nous a poussé à déployer en masse des moyens informatiques pour nous coordonner, communiquer et collaborer. Des réunions de travail, des cours, des conférences, des concerts et autres performances artistiques en public se sont déroulés dans des conditions inédites. Malgré certaines difficultés, une étape a été franchie avec la numérisation de ces activités. Peut-on envisager ces expériences et d’autres sous des formes numériques plus riches, à plus grande échelle, telles que nous les promettent depuis longtemps les fictions sur les métavers ?
Dans un texte de 2005, Cory Ondrejka (un des créateurs de Second Life) écrivait : « [Le métavers] sera si énorme que seules des approches distribuées de la création pourront générer son contenu. Les utilisateurs devront donc construire le monde dans lequel ils vivront. […] Ces résidents attireront des utilisateurs occasionnels qui joueront à des jeux, constitueront un public et deviendront des clients. Cela constituera l’offre et la demande d’un énorme marché de biens et de services. Les créateurs ayant la propriété et les droits [sur leurs créations], cela permettra la création de richesse et de capital qui alimenteront la croissance. Ce n’est qu’alors que le Metaverse basculera et que le monde, tant réel qu’en ligne, ne sera plus jamais le même. ».
La convergence des éléments cités plus haut nous amène-t-elle au point de bascule ? De nombreuses questions scientifiques, technologiques, politiques, juridiques, économiques et sociologiques (entre autres) se posent encore. L’excitation actuelle retombera-t-elle avant qu’on ait pu y répondre ? Saura-t-on y répondre ? D’autres préoccupations rendront-elles toutes ces interrogations futiles ? Difficile de formuler un avis définitif…en attendant la seconde partie de l’article qui sera publiée jeudi prochain.
Pascal Guitton (Université de Bordeaux & Inria) & Nicolas Roussel (Inria)
[1] en anglais, on utilise Metaverse, contraction de meta + universe
[2] Fortnite, en accès gratuit, génère chaque année plusieurs milliards de dollars de chiffre d’affaires dans le monde réel à travers les microtransactions qu’il permet avec sa monnaie virtuelle.
[3] En 2020, une série de cinq concerts de Travis Scott a réuni plus de 27 millions de joueurs de Fortnite.
[4] Une représentation numérique d’un sac Gucci a été vendue plus de 4000 dollars dans Roblox l’été dernier. Le sac vaut un peu plus de 3000 dollars dans le monde réel. Sa représentation numérique ne peut être sortie du jeu et ne peut être revendue dans celui-ci.
[5] Roblox est valorisée en bourse à hauteur de 45 milliards de dollars, soit une fois et demi la valorisation de Twitter. Microsoft vient de racheter l’éditeur de jeux Activision Blizzard pour 69 milliards de dollars en expliquant que cette acquisition l’aiderait à développer les briques de base du métavers.
Pour ce nouvel article de la série Le divulgâcheur, nous nous sommes intéressés à un épisode de la série Black Mirror intitulé Arkangel et qui traite d’un système numérique de contrôle à distance et de censure visuelle en temps réel. À partir de cette fiction effrayante, nous avons demandé à des chercheurs experts de la visualisation de nous parler de ce mécanisme et de ses applications dans d’autres contextes. Pascal Guitton
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Dans l’épisode Arkangel de Black Mirror, suite à un incident durant lequel elle perd de vue sa fille, une mère surprotectrice décide de l’inscrire à un essai gratuit d’une version préliminaire d’Arkangel, un système révolutionnaire de surveillance pour enfants. Arkangel est une technologie qui, grâce à l’implantation d’une puce dans le cerveau des enfants, permet aux parents de suivre en temps réel leur localisation et leur état médical via une tablette. Il offre également la possibilité de consulter la vision de l’enfant en direct, d’enregistrer et de rejouer tout ce qu’il a vu, et de censurer l’obscénité et autres stimuli stressants par pixellisation (voir Figure 1) et distorsion audio. L’épisode tourne autour de la mère protectrice et de sa fille pour montrer à quel point une telle technologie pourrait être dangereuse et porter atteinte à la vie privée, selon le schéma classique de la série télévisée.
Figure 1 : Reproduction d’une scène de Black Mirror, où un chien en colère est censuré visuellement par l’implant cérébral Arkangel. Photo originale de Roger Kidd, CCBYSA 2.0.
Malgré les problèmes évidents de protection de la vie privée et d’éthique ainsi que l’avenir dystopique que présente l’épisode, la censure visuelle automatique peut potentiellement répondre à de réels besoins utilisateurs. Environ deux ans avant la sortie de l’épisode de Black Mirror, notre équipe de recherche a commencé à travailler sur la façon de réduire l’effet répulsif des photos d’interventions chirurgicales en appliquant un traitement d’image automatique. Bien que l’aversion pour des images chirurgicales soit naturelle pour la plupart d’entre nous, elle limite la capacité de nombreuses personnes à se renseigner, à prendre des décisions informées ou plus simplement à satisfaire leur curiosité. Par exemple, parce que de nombreux patients trouvent les images ou les vidéos chirurgicales répugnantes, la communication avec leur chirurgien peut en souffrir. Nos recherches se sont concentrées sur la possibilité d’utiliser des techniques de traitement d’images existantes qui pourraient réduire l’impact émotionnel des images d’interventions médicales, tout en préservant l’information importante. En effet, il est facile de rendre une image pratiquement méconnaissable comme dans l’épisode de Black Mirror (voir Figure 1), mais cela supprimerait toute information utile que l’image était censée transmettre. Afin d’identifier les techniques qui conservent le plus d’informations utiles, nous avons demandé à quatre chirurgiens de nous faire parvenir des photos de leurs interventions. Nous avons ensuite transformé ces photos en appliquant treize techniques différentes, imprimé les images et demandé aux chirurgiens de les ordonner en fonction de leur capacité à préserver les informations importantes. Ce faisant, nous avons éliminé sept techniques qui ont été considérées comme supprimant trop d’informations utiles à une bonne communication avec les patients.
Figure 2 : GIF animé montrant les six techniques testées sur des non-spécialistes. Nous utilisons ici des lasagnes car leur photo est moins choquante que des images chirurgicales.
Nous avons ensuite testé les six autres techniques de traitement d’images sur des non-chirurgiens (visibles sur l’animation de la figure 2) pour comprendre lesquelles seraient les plus à même de réduire l’impact émotionnel des images de chirurgie. Puisqu’il fallait exposer les gens à des images chirurgicales potentiellement dérangeantes, l’obtention de l’approbation éthique pour notre étude a été un long processus itératif. Nous avons montré aux participants des images chirurgicales non filtrées et filtrées, et leur avons demandé d’évaluer dans quelle mesure ils les trouvaient dérangeantes. Selon nos résultats, l’une des techniques les plus prometteuses a été une technique d’abstraction d’images mise au point à l’Institut Hasso Plattner de l’Université de Postdam, en Allemagne, qui utilise un filtrage structure-adaptatif à partir des couleurs pour donner aux images un aspect bande dessinée (voir Figure 3). Cette technique a diminué les réactions affectives négatives des participants tout en préservant une grande partie du contenu informationnel. Certains de nos participants ont signalé que les images étaient moins dérangeantes parce que leur aspect bande dessinée les rendait moins réelles. Dans une étude suivante avec cinq chirurgiens, nous avons montré que des filtres similaires peuvent également être appliqués avec succès aux vidéos.
Figure 3: Abstraction de type « bande dessinée » de l’image de lasagnes à l’aide d’une technique appelée filtrage structure-adaptatif.
Bien que nos recherches se soient concentrées sur les images et les vidéos de chirurgies, les techniques de censure visuelle automatique pourraient être utilisées pour d’autres types de contenus dérangeants, tels que les images hyper-violentes ou pornographiques. Il est clair qu’avec le développement du web et des réseaux sociaux, le contenu explicite est, aujourd’hui plus que jamais, facilement, et souvent par inadvertance, accessible. Par exemple, les enfants qui naviguent sur le web pour des projets scolaires courent le risque d’être exposés par inadvertance à du contenu explicite (1). Wikipédia, par exemple, contient des images ou des vidéos qui peuvent être jugées choquantes ou inappropriées pour certains publics. De même, les réseaux sociaux permettent actuellement aux gens de publier du contenu potentiellement choquant, comme le soulignent les conditions d’utilisation de Facebook ou de Twitter. Si l’interdiction de tout contenu explicite est possible, il est souvent avancé que ce genre de contenu peut informer ou sensibiliser le public, par exemple sur des questions politiques ou sanitaires. Ainsi, les rédactions en chef de journaux ont justifié leur utilisation de photos violentes en expliquant qu’elles aident à informer leur lectorat. De même les associations de défense des droits des animaux telles que L214 et Red Pill en France ou PETA, PEA à l’étranger diffusent régulièrement les photos et vidéos de leurs enquêtes dans les abattoirs ou élevages sur les réseaux sociaux afin d’informer le public, mais ces images sont ignorées par une majorité du public en raison de leur contenu choquant. Enfin, des études ont suggéré que les logiciels destinés à protéger les enfants bloquent également l’accès à des informations utiles et pourraient donc avoir un impact négatif sur les processus d’apprentissage.
Pour aider à rendre la navigation sur Internet informative mais sans risque pour les publics sensibles, nous avons développé une extension Google Chrome que nous avons nommée Arkangel, en hommage à l’épisode de Black Mirror. Notre Arkangel utilise des réseaux neuronaux pour trouver, dans une page web, les images susceptibles de contenir du contenu médical, de la violence ou de la nudité, et les traiter avant que l’utilisateur ne puisse les voir. Dans le même temps, Arkangel laisse à l’utilisateur la possibilité (1) de déterminer l’intensité du traitement de l’image et (2) de dévoiler l’image originale. Bien que nous n’ayons testé empiriquement les techniques de traitement que sur des images chirurgicales, nous supposons qu’elles pourraient également fonctionner de manière similaire sur toute image impliquant du sang ou des mutilations, comme les photographies de guerre ou d’accident. Nous imaginons que les mêmes filtres ou des filtres semblables peuvent aussi aider à réduire l’impact psychologique d’autres contenus fréquemment jugés répugnants (par exemple des photos de maladies de la peau, de vomissements ou d’excréments) ou de la pornographie. Il est néanmoins nécessaire de conduire des études supplémentaires afin de valider ou d’infirmer ces hypothèses. Malgré le nom que nous avons donné à notre extension Google Chrome, son but est fondamentalement différent de l’outil présenté dans l’épisode de Black Mirror. Alors que l’Arkangel de Black Mirror se concentrait sur l’idée de protéger les enfants des stimuli que leurs parents jugent potentiellement dérangeants, nous avons développé notre extension Arkangel dans l’espoir qu’elle aidera les gens à s’informer en s’exposant à du contenu qu’ils auraient évité autrement. Ainsi, son but n’est pas de restreindre, mais d’aider les utilisateurs à pouvoir accéder aux médias nécessaires à leurs recherches. Cependant, il est nécessaire de rester vigilants pour que ces outils restent sous le contrôle total de l’utilisateur et ne soient jamais imposés à d’autres contre leur gré.
Quel avenir pour les technologies de censure visuelle automatique ? Un obstacle important réside dans la reconnaissance automatique de contenus potentiellement dérangeants : aujourd’hui, les machines ne peuvent le faire que dans les cas les plus évidents. Un autre problème réside dans le matériel informatique utilisable. Il est peu probable que dans un avenir proche, les gens souhaitent que des puces soient implantées dans leur cerveau ou dans le cerveau de leurs proches. De plus, malgré les recherches actuelles sur l’électronique implantable (et la possibilité d’augmenter cybernétiquement des requins ou des insectes), de telles technologies sont encore loin d’être prêtes aujourd’hui. Il est cependant possible d’imaginer que des technologies de censure visuelle personnelle deviendront disponibles sur les appareils portables. Les lunettes pourraient être un support idéal, et certaines d’entre elles comprennent déjà des implants auditifs. Il est facile d’imaginer que certaines modifications d’appareils comme les Google Glasses pourraient les faire fonctionner de la même façon que l’implant cérébral Arkangel. Ils pourraient modifier ce que le porteur voit en ajoutant un flou local à la surface des lunettes et pourraient également censurer l’information auditive grâce à l’implant auriculaire intégré. Des casques antibruit sont actuellement disponibles sur le marché et démontrent la faisabilité d’une censure auditive en temps réel. Il est possible d’imaginer un processus similaire appliqué au champ visuel. Les travaux de recherche sur la réalité diminuée ont par exemple étudié comment les affichages de réalité augmentée peuvent être utilisés pour supprimer (plutôt que d’ajouter) du contenu au monde réel.
Munis de dispositifs de censure sensorielle entièrement personnalisables, de nombreuses personnes pourraient, par exemple, assister à des chirurgies en direct pour s’instruire. Les personnes sensibles seraient également capables de s’immuniser contre les actes d’agression non physiques tels que les jurons et leurs analogues visuels. Cependant, il est raisonnable de craindre que de tels outils ne fassent que fragiliser les populations sensibles en les privant d’occasions de développer une résistance à des événements de la vie de tous les jours. De tels outils pourraient également nous rapprocher de scénarios de suppression des libertés individuelles comme celui illustré dans l’épisode Black Mirror. Par exemple, il n’est pas difficile d’imaginer comment des lunettes de censure sensorielle pourraient être complétées par une carte SIM, de petites caméras et des capteurs de signes vitaux, afin que les parents puissent surveiller et contrôler leurs enfants comme jamais auparavant. Pire encore, les technologies portables de censure perceptuelle pourraient être utilisées à mauvais escient par des organisations militaires ou terroristes afin de faciliter les actes de torture ou de meurtre. Par exemple, de telles technologies pourraient changer la couleur du sang, faire apparaître le monde comme un dessin animé, ou bien faire croire que les ennemis sont des créatures répugnantes comme l’illustre un autre épisode de Black Mirror : Men Against Fire. Elles pourraient même être utilisées pour prétendre que les événements réels font partie d’une simulation, un thème repris dans Ender’s Game d’Orson Scott Card.
Bien que nous nous soyons concentrés sur la façon dont la censure visuelle peut être utilisée pour aider les gens à s’éduquer en éliminant un obstacle potentiel au libre accès à l’information, la censure visuelle peut aussi être extrêmement utile aux personnes dont le travail quotidien consiste à regarder des contenus troublants, comme les journalistes ou les modérateurs de contenus en ligne. De récents reportages et documentaires sur la santé mentale des modérateurs travaillant pour des réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter ou Youtube, ont souligné la difficulté de leur travail. Ils doivent regarder du contenu particulièrement violent et choquant tout au long de leur journée de travail pour comprendre si le média affiché enfreint ou non les conditions d’utilisation du service. Pour ce faire, ils doivent clairement identifier l’information présentée dans les médias, mais cela peut se faire au détriment de leur santé mentale à long terme. Nous espérons que des filtres comme notre extension de navigateur Arkangel pourront les aider dans leur tâche. Des difficultés similaires semblent être au centre des préoccupations de certaines salles de rédaction lorsqu’elles doivent regarder des dizaines de photos ou de vidéos de zones de guerre pour décider lesquelles utiliser. Notre étude a déjà suggéré que les techniques d’abstraction d’images peuvent réduire la réponse affective aux images chirurgicales tout en préservant les informations essentielles de l’image, et il serait intéressant d’étudier si elles peuvent aussi être utilisées pour réduire l’impact que la modération de contenu ou les tâches de sélection d’images peuvent avoir sur la santé mentale des travailleurs.
(1) on appelle « contenu explicite » des documents (textes, images, vidéos…) contenant des aspects pouvant choquer le public (violence, pornographie, insultes…). Cette expression est issue du monde de la chanson où elle est utilisée depuis très longtemps.
Lonni Besançon (Linköping University), Amir Semmo (Hasso Plattner Institute), Tobias Isenberg (Inria) et Pierre Dragicevic (Inria)
Plus d’informations sur notre extension pour Google Chrome sont disponible dans la vidéo de ce TEDx donné par un des membres de l’équipe de recherche
La Commission européenne a publié le 11 mars 2020 un nouveau plan d’action contre le gaspillage dans l’UE de ressources naturelles. Il s’agit d’arriver à une limitation drastique des quantités de déchets (500 kilos par européen en 2017) et d’emballages (173 kilos). Sont visés en premier lieu, les appareils électroniques dont la fabrication est la cause d’un gaspillage d’énergie et de matières premières. Il est insensé d’avoir à changer si souvent son smartphone quand on pourrait utiliser des pièces remplaçables et réparables. Selon la Commission : « A l’heure actuelle, l’économie est encore essentiellement linéaire, puisque 12% seulement des matières et des ressources secondaires y sont réintroduites ». La Commission travaille sur des dispositions qui limiteront les usages uniques, permettront de lutter contre l’obsolescence prématurée et interdiront la destruction des marchandises durables invendues ». L’association « Les Amis de la Terre » salue cette avancée en regrettant l’absence d’objectifs chiffrés.
Fleur de tournesol éternelle, Everlasting
Parmi ces ressources gaspillées, il faut aussi s’intéresser aux fleurs dont la présence est essentielle à la survie des abeilles dont la disparition menacerait l’ensemble de la végétation. Le conseiller allemand, Dr. Seltsam, a donc annoncé qu’il était envisagé d’interdire la vente de fleurs à usage unique. Cela a fait flamber le cours d’une startup d’Indianola, Sunflower County, qui a mis au point une fleur de tournesol qui ne flétrit jamais. Everlasting propose déjà plusieurs variétés d’Ikébana à base de ces fleurs. Si le coût de la fleur peut donner à réfléchir (9.99 dollars), elles permettent de fleurir son appartement en permanence sans avoir à passer par le fleuriste. Contredisant le Grand Jacques, on pourra bientôt amener à son ou sa chérie des fleurs plutôt que des bonbons parce qu’elles seront moins périssables.
Je vous ai apporté des bonbons… Parce que les fleurs c’est périssable. Jacques Brel
La technique mise au point par Everlasting consiste à bloquer le processus de vieillissement de la fleur, ou plus précisément à introduire un gène correcteur de ce vieillissement. Un effet secondaire de la modification génétique est le blocage du mécanisme de pollinisation.
Le Dr. Seltsam a dit suivre les développements de cette technologie avec intérêt. Il envisagerait même de doter chaque citoyen d’un quota de fleurs que lui, ses parents ou ses descendants pourraient utiliser de la naissance à la mort, voire même se transmettre via les héritages.
Les fleurs en tissus (voir le tutorial), les couronnes de fleurs séchées, les fleurs en pots de terre cuite, la quête d’ornements floraux non périssables ne datent pas d’hier. On pourrait ajouter qu’une fleur est déjà éternelle, la « Petite fleur » de Sydney Bechet, à réécouter absolument.
Sidney Bechet : Petite Fleur CD (2006) – Intense, Oldies
On peut s’inquiéter de possibles effets délétères de fleurs génétiquement modifiées, et souligner que cela ne règlera pas l’extrême gravité de la dégradation de la biodiversité et de la disparition massive d’espèces de fleurs. Maintenir la biodiversité en la manipulant génétiquement ? Au secours ! L’application numérique Plant@net de sciences participatives aide à identifier des plantes à partir de photos. Pourrait-elle permettre de mettre en place un plan massif de sauvegarde des espèces de fleurs menacées ?
Poisson combattant, Aquaportail
La manipulation génétique pour vaincre la mort est un domaine de recherche actif, y compris pour les humains. Mais voulons-nous devenir immortels ? A plus court terme, Everlasting travaille sur des poissons d’aquarium qui vivraient éternellement. Ils expérimentent sur le Combattant à la « queue-de-voile » qui arrive déjà à vivre jusqu’à deux ou trois ans en aquarium. Madame Dagotte, la pédégère d’Everlasting, a déclaré : « Une difficulté pour notre recherche est que les tests prennent très longtemps ; nous expérimentons aussi des techniques d’accélération de la vie biologique pour vérifier la résistance de nos produits. » Allez comprendre les scientifiques !
Une biologiste d’Everlasting amène son poisson Combattant en balade. Serge A.
Comment vivre au mieux cette période de confinement ? En en profitant pour lire binaire à l’heure du Corona, et en faisant de ce temps de confinement une occasion de prendre du recul par rapport à nos vies. Serge, éditeur de Binaire, partage de petits bouts de vie et de son imagination … extraits choisis issus de son « slow blog« . Pascal Guitton et Thierry Viéville
L’épidémie de grippe espagnole en 1918 : peut-être 100 millions de morts
L’épidémie de Covid 19 en 2020 : peut-être 100 mille morts
L’épidémie de Glups 33 en 2133 : moins de 100 morts.
Le Glups 33 était pourtant très létal et hyper contaminant. Avec l’accroissement considérable de la population et le développement du tourisme de masse, on aurait pu craindre le pire. Mais entre la Grippe Espagnole et le Covid 19, on avait amélioré les systèmes de santé et inventé les antibiotiques. Et pour Glups 33, les personnels de santé pouvaient compter sur les robots. Pendant la période de confinement, les humains ont pu vraiment rester confinés : ils n’ont pas eu à s’occuper des livraisons de nourriture, des poubelles, de la poste, etc. Surtout des robots infirmiers sous le contrôle de médecins ont soigné les humains infectés. Et puis, s’il a fallu des années pour mettre au point des vaccins contre la grippe, quelques mois ont suffi pour le Covid 19. Les chercheurs ont mis au point un vaccin pour le Glups 33 en quelques jours.
Vous en trouverez bien quelques uns à regretter que cette période propice pour méditer et profiter de la famille la plus restreinte ait été si courte. Le plus grand nombre s’est réjoui de pouvoir se précipiter vers les terrasses de café au premier rayon de soleil après la levée du confinement.
À l’aide les drones ! (copyleft Serge A.)
En ce qui me concerne, je rêve d’une bière à la terrasse de la Java. Va falloir attendre…
Les objets connectés envahissent notre monde, téléphones, montres, voitures et autres moyens de transports, domotique, etc. Ils ont pour but d’améliorer nos vies. Toutes les données qu’ils captent dévoilent nos vies privées si elles ne sont pas protégées. Notre sécurité est aussi en question. Une nouvelle de Serge Abiteboul qui essaie d’imaginer ce qui pourrait se produire dans le futur si, aujourd’hui, nous n’accordons pas au sujet de la sécurité, toute l’importance qu’il mérite. Thierry Viéville
La Mustang fonce silencieusement dans le petit matin, à quelques mètres au dessus de la chaussée. Les truands savent depuis longtemps trafiquer le contrôleur de vitesse. La Peugeot de la police les course dans le 20ème arrondissement encore quasi désert.
Clyde interroge Bonnie :
Le braquage du chinois devait être finger in the nose. Il fallait vraiment que t’aies besoin de passer aux gogues?
Ça se commande pas.
Et que tu vois pas le détecteur d’intrusion ? Mon amour de pied nickelé.
Qui met un détecteur d’intrusion aux chiottes. Pourquoi pas des caméras ?
Ça paraissait un plan tranquille. Évidemment, il ne s’agissait pas de cambrioler un coffre-fort : depuis longtemps, il n’y a plus de cash ou même de bijoux dans les coffres qui sont devenus numériques. Bonnie et Clyde voulaient juste s’introduire dans le réseau d’un galeriste pour y réaliser quelques transactions juteuses.
Silence dans la voiture. Clyde trouve que cette poursuite s’éternise :
Tu nous débarrasses des morpions ?
Donne-moi une minute. Leur voiture est équipée du dernier système android. C’est une passoire de sécurité, explique-t-elle.
Tu as eu le temps d’imprimer ceux qui nous coursent ?
Oui. Un robot dans le siège du conducteur et une keuflette qui pianote sur un laptop dans celui de la morte.
Ça faire rire Clyde :
Si on en arrive à la baston, tu prends la meuffe et moi le robot. J’ai toujours rêvé de péter la gueule d’un robocop.
Rue Oberkampf à fond la caisse. Virage dans un crissement de pneus de la Mustang, rue de Belleville. C’est au tour de Bonnie de rire :
Trop vrais les crissements de pneu. On se croirait dans un vieux Fast and Furious.
Je les ai trouvés dans un truc encore plus vieux. Bullit, précise Clyde.
Vintage !
Dans la voiture de police, la « keuflette » essaie l’injonction d’arrêt de la Mustang ; sans succès : les deux truands ont bloqué tous les systèmes officiels qui permettent à la police de prendre le contrôle de voitures pour éviter un accident, empêcher de perpétrer un attentat terroriste, ou juste parce que la tronche du conducteur ne leur revient pas. Comme rien ne marche, elle se plonge sur le site d’Europol. Elle résume les pedigrees des deux braqueurs :
Bonnie Nguyen, 29 ans, parisienne, ingénieure en informatique, condamnée plusieurs fois pour violation de la loi Anti Piratage Numérique.
Clyde Martin-Adjani, son compagnon, 27 ans, pur produit de la partie sombre du 9-3, un peu dealer et beaucoup black hat. Un casier judiciaire long comme un jour de tafe, qui culmine avec deux ans de prison pour usurpation d’identité sur le net. Ce con se faisait passer pour le fils du roi du Maroc.
Les deux voitures roulent l’une derrière l’autre. Les policiers se rapprochent et n’ont plus qu’une centaine de mètres de retard sur les truands… quand le moteur de la Peugeot s’éteint. Ils continuent sur l’élan mais la Mustang s’éloigne.
La policière questionne :
Qu’est-ce que tu nous fais Starsky ?
Rien ! Les suspects ont pris le contrôle de la batterie. Elle indiquait 95% il y a quelques secondes. Maintenant 0%. Je ne comprends pas. Qu’est-ce qu’on fait ?
Celui qu’a fait ça est pas la moitié d’un mulot, reconnaît la policière. Putain. Je vais te bloquer ces connards.
Il s’appelle Starsky et elle, Hutch. Starsky et Hutch étaient deux policiers d’une série culte du siècle dernier. Deux hommes, pas un robot et une femme. Les temps changent.
Dans la Mustang, Bonnie commente sobrement :
Dans le cul, les keufles.
Leurs rires s’éteignent quand leur voiture freine brutalement et s’immobilise.
Que passa ? interroge Clyde.
Jamais vu, répond Bonnie. La Mustang reçoit chaque seconde une mise-à-jour de Waze qui lui indique que la route devant est fermée, puis rouverte, puis fermée… Ça gèle le sélecteur de trajet. La keuflette est une sacrée hackeuse.`
On peut faire quelque chose ?
Courir ?
Bonnie et Clyde abandonnent la Mustang et partent en courant dans les petites rues de Ménilmontant, Hutch et son robot Starsky à leurs trousses. Finalement, flics et voyous se retrouvent dans un ballet vieux comme le monde.
Bonnie et Clyde ne sont pas sportifs alors que Hutch est championne régionale de badminton, et que Starsky peut rouler à près de vingt kilomètres heure pendant des heures, tant qu’il n’a pas vidé sa batterie. Les escaliers le ralentissent bien un peu mais il est équipé du nouveau système Jumpy-quadruped de l’armée chinoise qui lui permet de grimper des marches, peut-être sans élégance, mais à une vitesse raisonnable.
C’était prévisible, les deux truands se font rattraper. Ils n’avaient pas la moindre chance de s’en tirer, surtout avec un drone de la police maintenant au-dessus d’eux, collé à leurs basques.
Bonnie se rend sans résister à Hutch. Clyde tente une manœuvre :
On ne va pas se laisser arrêter comme cela.
Téléportation bleue !
La téléportation, une technique révolutionnaire pour transférer son corps dans l’espace en le numérisant et en utilisant des communications quantiques. Vous y croyez, vous ?
Starsky commente sobrement :
Monsieur, il ne faut pas croire tout ce qu’on trouve sur Internet.
Bonnie, qui n’aime pas qu’on se moque de son mec, se venge à sa façon :
Tu feras moins la maline, petite quincaille, dans quelques jours quand tu seras terminée. Tu ne sais peut-être pas qu’Hutch a commandé un modèle tout neuf.
Je ne savais pas, reconnait Starsky à voix douce. Mais c’est la life des robots.
Comme Clyde ne se laisse pas menotter, le robot lui balance un coup de taser de plusieurs dizaines de milliers de volts, en contradiction avec la convention de Romorantin qui interdit aux robots les actes de violence sur les humains. Puis, satisfait de la victoire des bons sur les méchants, Starsky chantonne une vieille chanson de Gainsbourg : You’re under arrest, Cause you are the best…