Catégorie : Education

  • Écouter pour voir un objet vibrer

    Pixees nous propose en partage:

    ecouter-pour-voirComment visualiser les déformations microscopiques d’un objet en vibration ? Les techniques actuelles sont souvent complexes et coûteuses.

    Rien de tel qu’un dessin animé pour mieux comprendre les travaux de chercheurs du projet ECHANGE ; ils ont croisé leurs compétences en acoustique, mathématique et informatique pour trouver une nouvelle méthode peu coûteuse et plus rapide : l’holographie acoustique compressée. On écoute le son produit par l’objet pour mieux le voir vibrer…

    une production d’Inria.

    durée : 7 min 25

    date de production : 2014

  • Françoise en Angleterre

    Le sujet de la formation à l’informatique a été beaucoup débattu en France récemment. Mais en dehors de l’hexagone ? On se pose les mêmes questions ? D’autres pays auraient-ils eu l’audace de prendre de l’avance sur nous ? Binaire a proposé à Françoise Tort, chercheuse à l’ENS Cachan et co-responsable en France du concours CASTOR informatique, d’interroger des collègues à l’étranger. Leurs réponses apportent beaucoup à nos débats parfois trop franchouillards.

    FT_AngleterreTour d’horizon de l’enseignement de l’informatique… Après la Bavière, Israël, et l’Inde, Françoise nous emmène en Angleterre.

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    Note sur le système scolaire anglais : L’Angleterre est l’une des 4 nations constitutives du Royaume-Uni, avec l’Écosse, le pays de Galles et l’Irlande du Nord. Chacune a son propre système scolaire.  En Angleterre, la scolarité comporte 3 niveaux. L’école primaire, dès 5 ans, dure 6 années, et comporte deux cycles (key stage 1 & KS2). Le secondaire, à partir de 11 ans, dure 5 ans, et comporte aussi deux cycles (KS3 & KS4). À ce niveau, la grande majorité des écoles sont des « comprehensive schools » (publiques), il y a aussi des « public schools » (privées) et quelques « grammar schools« . Ces 11 années constituent la scolarité obligatoire, et se concluent par un examen  (GCSE) dans toutes les matières étudiées. Le dernier niveau dure 2 ans, et permet de préparer le A-Level (équivalent du Baccalauréat) pour ceux qui souhaitent poursuivre des études supérieures.

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    Crédit photo Sue Sentance

    Entretien avec Sue Sentance, enseignant-chercheur en didactique de l’informatique au King’s College à Londres et coordinatrice académique nationale pour le CAS (Computer at school). Elle travaille avec de futurs enseignants en formation pour enseigner l’informatique  à l’école, et des enseignants déjà en poste ayant commencé à enseigner les nouveaux programmes.

     Des cours de TIC rébarbatifs et sans enjeu

    Dans les années 90, nous avons enseigné au secondaire l’utilisation des ordinateurs et leurs applications, il y avait aussi de la programmation. En fait, elle était rarement enseignée dans la mesure où une certaine flexibilité dans l’application des programmes était permise, et que la programmation était la partie qui était plus facilement abandonnée. Ainsi dans les années 2000, les TIC étaient prévalentes à l’école et l’informatique (en tant que science) n’apparaissait qu’à la fin du lycée (au A-level). L’enseignement des TIC souffrait d’une mauvaise image : les enfants trouvaient cela rébarbatif et peu motivant. Les décideurs n’y voyaient pas d’enjeu, comparé aux disciplines scientifiques. Un véritable cercle vicieux s’est installé : les opportunités d’emplois mieux rémunérés dans ce domaine et la mauvaise image de l’enseignement rendaient le recrutement de plus en plus difficile. Du coup, les écoles recrutaient des enseignants peu formés, non spécialistes, et cela contribuait à la baisse de réputation de la discipline. Dans le même temps, les élèves obtenaient de bonnes notes, cela à laissé croire que cet enseignement atteignait ses objectifs.

    Pressions pour un changement …

    Dès 2008, le CAS (Computer At School) a été créé à l’initiative de différents acteurs académiques et économiques, afin de promouvoir l’enseignement d’informatique et dénoncer cette situation. S’il était assez seul au départ, à partir de 2011, plusieurs organisations ont relayé le message. L’agence nationale pour la science, la technologie et les arts a publié un rapport sur les compétences et talents dont avait impérativement besoin l’industrie britannique et concluait à la nécessité d’enseigner l’informatique. Ce rapport a été plusieurs fois cité publiquement, notamment, par Eric Schmidt, ex-PDG de Google. En 2012, l’enseignement de l’informatique était souvent discuté dans les medias grands publics et dans plusieurs discours de décideurs politiques. L’académie des sciences britannique, la Royal Society, publia « Shutdown or restart: The way forward for computing in UK schools », recommandant de ré-introduire l’enseignement d’informatique à l’école. La même semaine, Michael Gove, le secrétaire d’état à l’éducation « annulait » le programme en vigueur pour l’enseignement des TIC et le département de l’éducation annonçait la ré-introduction de cours rigoureux de science informatique.

    Développer la pensée algorithmique et pas juste programmer

    Le gouvernement a fait suivre ses annonces de deux changements importants. D’une part, l’informatique a été introduite au baccalauréat dans la catégorie des sciences. D’autre part, l’enseignement obligatoire de TIC a été remplacé par une matière intitulée « computing » (informatique) composée de trois champs : littératie numérique, technologie de l’information, et science informatique. Le programme vise à encourager la dimension créative de l’utilisation de la technologie ainsi que le développement de la pensée computationnelle et de la compréhension du fonctionnement des technologies numériques. Dès le primaire, les élèves devraient être familiarisés à la pensée algorithmique, savoir ce que sont un algorithme et un programme. D’abord au moyen d’exercices « débranchés » tel que ceux proposés par Tim Bell puis, vers 7 ans, avec l’introduction d’un langage visuel comme Scratch. À partir de 11 ans, ils apprendront à utiliser un langage de programmation textuel. Le programme comporte aussi une progression sur la représentation des informations, les réseaux d’ordinateurs, les logiciels. Ce programme ne porte pas seulement sur des compétences dans l’utilisation des ordinateurs mais aussi, et surtout, sur les concepts et principes de l’informatique.

    Première urgence : former les enseignants et recruter des diplômés

    Les enseignants britanniques ont, le plus souvent, un diplôme universitaire dans leur discipline et un certificat obtenu après une année de formation en éducation. Concernant l’enseignement d’informatique, deux enjeux fondamentaux nous préoccupent. Tout d’abord, il est important que les nouveaux enseignants recrutés soient diplômés en informatique. Le gouvernement a lancé une campagne d’information des professionnels pour les inciter à devenir enseignants. D’autre part, il est impératif de former les enseignants en poste, la plupart n’enseignaient que les TIC et seulement 35% d’entre eux avaient une réelle  qualification en informatique. Ils auront besoin non seulement d’une formation pédagogique, mais aussi d’une mise à niveau de leurs propres connaissances et compétences. Un réseaux a été créé, sous l’égide du CAS/BCS et impliquant des universités, des employeurs, des groupes d’intérêts, dans le but de soutenir l’effort de formation des enseignants. Le ministère de l’éducation a alloué un budget permettant de libérer pendant 1 jour par semaine, 600 enseignants volontaires afin que le réseau les forme pour devenir formateurs. Le système envisagé repose sur 3 principes : la formation locale, en présentiel, par des formateurs eux-mêmes enseignants.

    La transition est plus lente que prévue

    Tout le monde était censé commencer l’enseignement d’informatique au 1er septembre 2014. En fait, certains établissements le font déjà depuis 2012, après l’annulation des cours de TIC, d’autres étaient tout juste prêts à la rentrée 2014 et d’autres enfin ne le feront que petit à petit. Par exemple, à Londres, certains collèges ont commencé uniquement sur les classes équivalentes à la 5e (11 ans) parce que l’équipe pédagogique ne se sentait pas suffisamment prête pour des niveaux plus élevés. Certains établissements appelées « academies » ont une plus grande autonomie dans l’application des programmes nationaux, on peut supposer qu’elles prendront plus de temps. Enfin, au primaire, les écoles auront certainement besoin de faire appel à des intervenants extérieurs, et d’autres utiliseront leur coordinateur informatique pour intervenir sur toutes les classes.

    Les progressions et l’évaluation doivent encore être améliorées

    Une partie des travaux menés au CAS porte sur la question de l’évaluation de l’informatique à l’école. C’est une question nouvelle dont la résolution prendra du temps. Il nous faut nous concentrer sur la progression des apprentissages aux différents niveaux. Nous y travaillons en ce moment en faisant le lien avec des étapes de la pensée computationnelle, le document est en ligne. Tout ceci est passionnant, et résulte du grand succès qu’a eu l’introduction de l’enseignement de l’informatique à l’école.

    Rester vigilants pour centrer cet enseignement sur les concepts et principes

    La couverture médiatique de ce changement a beaucoup mis l’accent sur le « code ». Cela inspire l’image, plutôt négative, de séances de cours pendant lesquelles les enfants restent  assis devant des ordinateurs essayant de comprendre des lignes de programme arides. Or le curriculum ne porte pas que sur la programmation, il porte sur les principes de la pensée computationnelle, la façon dont fonctionnent les ordinateurs, et la façon dont nous devons comprendre les processus pour pouvoir les automatiser. Pour cela, on doit passer du temps à penser, plus que du temps à coder. L’informatique est une matière qui doit être enseignée sans dépendance aux outils et des environnements technologiques et aux langages de programmation. Les méthodes d’enseignement actives et débranchées sont particulièrement adaptées pour cela.

    Pour en savoir plus….

    Restart: The Resurgence of Computer Science in UK Schools. Brown N.,
    Sentance S., Crick T., Humphreys S. (2013) ACM Trans. Comput. Educ
    1(1): 32. [ http://kar.kent.ac.uk/42486/1/toce-uk.pdf]

    Les documents de travail en cours d’élaboration par le CAS sont en
    ligne [ http://community.computingatschool.org.uk/resources/2324 ], tout
    particulièrement : A computational thinking guide & Progression Pathways assessment framework including computational thinking: KS1 (Y1) to KS3 (Y9).

  • Les limites de la calculabilité

    Entretien autour de l’informatique : David Harel

    Le Professeur David Harel de l’Institut Weisman a accordé un entretien à Serge Abiteboul et Maurice Nivat. David Harel est une des étoiles de l’informatique. Il a démontré des résultats théoriques éblouissants, apporté des contributions essentielles à l’ingénierie du logiciel et écrit un livre de vulgarisation qui est un point d’entrée exceptionnel sur le domaine. David Harel est aussi très engagé politiquement en Israël dans les mouvements pour la paix.

    David Harel
    David Harel

    Choisir entre sciences et technologie ?

    B : David, quel est celui de tes résultats dont tu es le plus fier ?
    DH : si je mets à part mes cinq enfants et cinq petits-enfants, si je ne parle que de mes contributions professionnelles, il m’est difficile ce choisir entre deux : un théorème que j’ai démontré avec Ashok Chandra et le formalisme graphique des « state charts » (diagrammes états-transitions).

    Le théorème établi avec Ashok étend la notion de calculabilité de Turing à des structures arbitraires. Dans un premier temps, il a été énoncé pour des structures de bases de données, ensuite il a été étendu à d’autres structures, en particulier par toi, Serge.

    Les diagrammes états-transitions ne recèlent en fait aucune théorie ; il s’agit d’un langage visuel pour décrire des systèmes réactifs, riches d’interactions entre leurs composants. Le succès d’un langage se mesure au nombre de gens qui l’utilise. Comme le dit un proverbe anglais, « the proof of the pudding is in the eating » (c’est l’appétit avec lequel on le mange qui démontre la qualité du pudding). Le langage des diagrammes états-transitions a été adopté par de nombreuses personnes et est utilisé couramment dans de nombreuses industries. Il fait aussi partie de normes reconnues et populaires comme UML. L’article originel qui introduit ce langage a été cité plus de huit mille fois. Ce succès est sans doute dû au fait que c’est un langage visuel très clair qui s’inspire de la topologie.

    State chart
    Diagramme états-transitions d’une petite partie d’une bactérie dans son état de nage

    B : cela t’a-t-il pris longtemps de concevoir ce concept de diagramme états-transitions ?
    DH : non, non, j’étais consultant auprès d’industries de l’aéronautique un jour par semaine, et l’idée de ce langage m’est venue après quelques semaines de discussion avec les ingénieurs. Une représentation graphique m’est apparue comme le meilleur moyen de décrire les genres de comportements que nous cherchions à formaliser. J’en ai parlé à Amir Pnueli, en lui présentant la chose comme une extension très simple de la notion d’automate fini, rien de bien profond. Mais Amir a trouvé cela intéressant et m’a encouragé à en faire un article scientifique, ce que j’ai fait. Cet article a été rejeté à plusieurs reprises par des revues auxquelles je l’avais soumis et il a fallu trois ans avant qu’il ne soit publié. Cela veut bien dire, entre autres choses, qu’il ne faut pas abandonner une idée que l’on croit bonne juste parce que des revues rejettent l’article qui l’expose.

    David with a statechart (and a little temporal logic), 1984.
    David avec un diagramme d’états-transitions et un peu de logique temporelle. 1984.

    Culture informatique

    B : nous sommes des admirateurs de ton livre de 1987 intitulé « Algorithmics : the spirit of computing » (Algorithmique : l’esprit du calcul). Tu n’as pas cité cet ouvrage comme une de tes plus importantes contributions ?
    DH : il fallait que je choisisse, mais je suis content que vous me parliez de ce livre. C’est une tentative de présenter les idées fondamentales de l’informatique au grand public, aux masses dirait un politicien. Le plus difficile était de choisir ce que j’allais mettre dedans. Notre discipline est toujours jeune, nous manquons de recul. Ce n’est pas facile de distinguer ce qui est vraiment fondamental et qui ne s’effacera pas avec le temps. Il y a eu plusieurs éditions successives mais en fait elles ne sont pas très différentes de la première.

    Une expérience très riche pour moi a aussi été une émission de radio, en hébreu, en 1984, au cours de laquelle je devais expliquer, à une heure de grande écoute, ce qu’était l’informatique. Ce n’est pas simple, à la radio, on a les mains liées, on ne peut rien montrer, ni graphique, ni schéma, ni dessein. C’est quand même possible, même si c’est difficile. Beaucoup d’auditeurs ont compris et ont aimé ce que j’ai raconté.

    ©Addison-Wesley 1987
    ©Addison-Wesley 1987
    ©Pearson 2004
    ©Pearson 2004
    ©Springer 2012
    ©Springer 2012

    B : qui peut lire ton livre ?
    DH : tous ceux qui ont un petit bagage scientifique peuvent comprendre. Quelques connaissances de mathématiques aident et surtout une façon de penser logique ou structurée. Si vous n’avez pas ça, vous risquez de passer à côté de certaines notions, par exemple de la notion de réductibilité d’un problème à un autre. Vous pouvez « réduire » un problème donné A à un autre problème B, en d’autres termes, si vous savez résoudre le problème B, alors vous pouvez aussi résoudre A. Cette technique permet de hiérarchiser la difficulté des problèmes, y compris ceux qui ne sont pas résolubles par une machine, les problèmes que l’on nomme indécidables. La même technique permet de hiérarchiser les algorithmes en fonction de leur efficacité.

    Voici que nous avons parlé de trois de mes contributions, l’une scientifique, la seconde plutôt technique et la troisième culturelle, si j’appelle culturelle la partie de la connaissance qui est accessible au plus grand nombre !

    Enseignement de l’informatique

    B : un des sujets favoris de Binaire est l’enseignement de l’informatique. Penses-tu que l’informatique doit être enseignée à l’école ?
    DH : Je n’ai aucun doute là dessus ! Oui ! Mais pas seulement les ordinateurs, ou le « code », ce qu’il faut enseigner c’est vraiment la science informatique. J’ai participé il y a quelques années à la définition d’un programme d’enseignement de l’informatique au lycée dans mon pays, Israël. Jusque là on enseignait seulement une peu de code, c’est-à-dire très peu de raisonnement, très peu d’esprit du calcul. Nous avons proposé le principe de la « fermeture éclair », un principe d’alternance : un peu de théorie, un peu de pratique, un peu de théorie, etc. Le programme israélien actuel comporte deux niveaux, un pour les élèves ordinaires, bases de la notion de calcul et un peu de programmation (je crois qu’elle se fait en Java) et un niveau plus avancé comportant des notions plus approfondies d’algorithmique, y compris les automates finis.

    David Harel et Maurice Nivat
    David Harel et Maurice Nivat

    C’est important d’enseigner la pensée informatique, (ce que Jeannette Wing appelle « computational thinking ») car cela devient indispensable dans la vie moderne, et pas seulement pour se servir d’un ordinateur ou d’une autre machine plus ou moins électronique. C’est indispensable pour organiser sa vie, par exemple, son emploi du temps, et planifier ses actions.

    Un simple exemple est quand vous déménagez avec l’aide de copains qui arrivent tous avec des véhicules de tailles diverses, une berline, une jeep, une camionnette. Il faut placer toutes vos affaires, meubles, cartons dans ces véhicules sans les surcharger. Pour bien comprendre ce problème, il faut savoir qu’il est ce que l’on appelle « NP-difficile », et évidemment comprendre ce que NP-difficile veut dire. Mettre des petites boites dans des grandes est un problème algorithmique, c’est de l’informatique.

    En fait, il ne suffit pas d’enseigner l’algorithmique « classique » ; les élèves doivent aussi apprendre ce qu’est un système réactif (cette expression a été proposée par Amir Pnueli et moi-même en 1980) dans lesquels des composants réagissent entre eux et aussi à des sollicitations extérieures venues d’opérateurs humains ou de capteurs. C’est une autre facette de l’informatique qui doit aussi être enseignée.

    Elephant, Wikipedia
    Elephant, Wikipedia

    Le test de l’éléphant

    B : nous t’avons entendu poser la question suivante sur le net : quand peut-on dire que l’on a construit un modèle de la nature ?
    DH : l’idée est d’étendre le test de Turing à la simulation de systèmes naturels, comme le temps qu’il fait, ou un organisme vivant. Supposons par exemple que nous voulions modéliser un éléphant ? Quand saurons-nous que nous comprenons tout de l’éléphant ? Quand nous aurons fabriqué un modèle exécutable dont le comportement ne se distingue pas de celui d’un éléphant naturel, un éléphant de laboratoire dont personne, quand même les personnes qui connaissent le mieux les éléphants ne peuvent faire de différence au niveau du comportement et des réactions aux sollicitations extérieures entre l’éléphant artificiel et un véritable éléphant. C’est seulement dans ce cas que nous pouvons dire que notre modèle est une théorie de l’éléphant.

    Maintenant comparons cela au test de Turing. Si l’ordinateur de Serge, par exemple, passe avec succès le test de Turing, nous pouvons dire qu’il est intelligent et le restera pour toujours. Si mon éléphant de laboratoire passe avec succès le test de l’éléphant que je viens de décrire, cela signifie seulement qu’aujourd’hui les meilleurs connaisseurs des éléphants considèrent mon éléphant comme un modèle valide. Mais si quelqu’un demain découvre quelque nouvelle propriété de l’éléphant que mon modèle d’éléphant ne possède pas, alors mon modèle cesse d’être valide. Ce qui n’est pas une nouvelle catastrophique, bien au contraire ; c’est ça qui est fantastique car c’est comme ça que la science progresse, des modèles nouveaux plus riches viennent se substituer aux anciens. Einstein va plus loin que Newton ; et la mécanique quantique va plus loin qu’Einstein.

    A un échelle beaucoup plus modeste, j’ai rencontré ce genre de situation. Nous avions construit un modèle de cellules biologiques. Des biologistes n’aimaient pas un aspect particulier de notre model. Cela les a amenés à poursuivre leurs recherches et en quelques mois ils ont découvert le véritable mécanisme déterminant le comportement de ces cellules ! Un nouveau défi et la science avance !

    Quand on essaye de modéliser le vivant, des objets biologiques, ou bien des systèmes extrêmement complexes comme la météo, je pense qu’on ne peut pas espérer la complétude.

    Le « Wise computing »

    B : peux-tu nous dire sur quoi tu travailles ou réfléchis en ce moment ?
    DH : j’appelle cela « wise computing » (calcul sage). Il ne s’agit pas seulement d’écrire que l’ordinateur écrive des programmes intelligents à notre place, il s’agit de développer du logiciel avec la machine, en collaboration avec la machine. Nous sommes déjà habitués à dire à la machine, sous une forme ou une autre, ce que nous voulons qu’elle fasse. Je voudrais que la machine participe aussi activement au processus de développement, comme un partenaire, sur un pied d’égalité ! La machine pourrait vérifier ce que je propose, le clarifier et le préciser, en corriger les erreurs aussi. Mais je voudrais aussi qu’elle en comprenne les intentions, qu’elle pose des questions, qu’elle fasse des suggestions, tout ceci en utilisant les moyens les plus sophistiqués. Ce que moi et mes collaborateurs avons déjà réalisé est encore bien limité mais nous progressons.

    Un nain sur les épaules d’un géant

    Le géant Orion portant sur ses épaules son serviteur Cedalion (Wikipedia)
    Le géant Orion portant sur ses épaules son serviteur Cedalion (Wikipedia)

    B : qu’as-tu envie de dire, David, pour conclure cet entretien ?
    DH : je voudrais revenir à Turing. C’est un géant. J’ai travaillé sur la calculabilité à la Turing, sur le test de Turing, sur des problèmes de biologie, liés au travail de Turing sur la morphogenèse. Et je me suis toujours senti comme un nain sur les épaules d’un géant. Cela prend des années de construire une science. Il y a encore des gens qui croient que l’informatique n’en est pas une ou que c’est une science sans profondeur, mais il y en a de moins en moins. Il va falloir encore des années pour qu’il n’y en ait plus du tout. Je n’ai aucun doute qu’un jour Turing parviendra au sommet du panthéon des grands penseurs, pour y rejoindre Newton, Einstein, Darwin et Freud.

    David Harel, Institut Weizman

    A la mémoire de Ashok Chandra

    Ashok Chandra
    Ashok Chandra

    David Harel et Binaire dédient cet interview à la mémoire de Ashok Chandra, collègue et ami de David, décédé en 2014 Ashok était informaticien dans la compagnie Microsoft. Il dirigeait le Centre de recherche sur les services Internet à Mountain View. Précédemment il avait dirigé l’unité « Bases de Données et Systèmes Distribués » du Centre de recherche de la compagnie IBM à Almaden. Il a été le coauteur de plusieurs articles fondamentaux en Informatique théorique. Entre autres choses, il a introduit les machines de Turing alternées en théorie du calcul (avec Dexter Kozen et Larry Stockmayer), les requêtes conjonctives dans les bases de données (avec Philip Merlin), les requêtes calculables (avec David Harel) et la complexité de communication (avec Merrick Furst et Richard Lipton).

  • Comment les chercheurs en informatique partagent leur culture scientifique

    Fête de la Science 2014 Inria Grenoble - Rhône-AlpesLes annonces de « grands plans éducatifs au numérique » où les enfants apprendront le « code » (c’est à dire le codage numérique de l’information, comment construire un algorithme et le programmer) se multiplient. Et l’on ne peut que se réjouir que tous nos enfants aient enfin la chance de s’approprier les éléments essentiels pour comprendre et surtout façonner la société dans laquelle ils sont appelés à vivre.  Si notre système éducatif a mis du temps à prendre conscience du besoin de transmettre une réelle connaissance de la science informatique et non seulement de ses usages, d’autres n’ont pas tant attendu. Une des nombreuse facettes des métiers de la recherche est de partager l’information scientifique avec chacune et chacun, pour faire de nous et de nos enfants des citoyen-ne-s  éclairé-e-s sur ces sujets. Depuis des années déjà, les chercheurs en informatique se sont emparés de ces questions et sont à l’origine de nombreuses initiatives qui visent à mettre à portée de tous, de manière souvent originale et ludique, des éléments de science informatique. Il ne s’agit pas ici d’enseigner mais bien de susciter la réflexion, de semer des grains de science qui pourront ensuite germer, par exemple à l’occasion de formations ou d’échanges plus approfondis.

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    Activités débranchées: pour comprendre ce qui se passe dans un ordinateur, on joue avec des objets du quotidien qui en reproduisent certains mécanismes.

    Pour témoigner de ce travail, ou plutôt de cette passion au quotidien, la Société Informatique de France, sort un numéro spécial de son bulletin 1024 sur la médiation scientifique en science informatique.  Pourquoi et comment partager une culture scientifique en science informatique ? Comment parler d’informatique à chacune et chacun ? Concrètement comment aller de l’avant au niveau de cette médiation scientifique ?

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    Activités InriRobot, des chercheurs en informatique et didactique proposent des activités d’initiation dès le primaire.

    Témoignages d’actions concrètes pour découvrir quelques unes de ces activités, mettre en valeur des partenariats forts avec le monde associatif, et tenter d’évaluer l’impact de ce service public.
    Parole donnée aux institutions pour réaffirmer l’importance de la mission de médiation dans les métiers de la recherche. Mise en perspective de ces actions pour que la communauté scientifique regarde vers l’avenir sur ces sujets. Voici ce que ce numéro spécial de la revue 1024 nous offre en partage.

    Cliquer sur ce lien pour accéder à la revue en ligne.

    Il est urgent de ne plus attendre, en ce qui concerne l’enseignement de l’informatique en France. Les actions de médiation scientifiques, si elles peuvent être un tremplin, ne doivent pas être perçues comme une rustine pour pallier  l’absence d’enseignement,  seule voie pour assurer un accès réellement démocratique à la culture informatique.  Pour autant, relever ce défi de l’éducation est aujourd’hui à portée de main. De la formation des enseignants et des animateurs péris-scolaires à la production de ressources, la communauté scientifique est déjà en marche pour contribuer à cette grande cause nationale.

    Sylvie Alayrangues, Enseignante- Chercheure, Vice-présidente médiation de la Société Informatique de France.
    Thierry Viéville, Chercheur Inria en membre de la SIF, Chargé de mission médiation scientifique Inria.

  • L’informatique sur Wikipédia

    WikipédiaBinaire a pris l’initiative d’une série d’actions regroupées sous le nom de code « Cabale Informatique de France ». Il s’agit de contribuer aux pages de Wikipédia sur l’informatique, en français. Cela démarre le samedi 11 avril par un « pizza camp » co-organisé par la Société Informatique de France et Wikimédia France. Serge Abiteboul et Marie-Agnès Enard.

     

    La Société Informatique de France et Wikimedia France s’associent pour enrichir les articles de Wikipedia dédiés à l’informatique, en français. A l’heure où l’école, le collège et le lycée ouvrent plus largement leurs portes à l’informatique, il nous a paru important de participer à l’enrichissement de la première encyclopédie en ligne au monde. Des formateurs seront aux côtés des participants pour les initier à la contribution sur Wikipedia. Cette journée est une occasion unique pour découvrir les rouages de Wikipédia.

    @Maev59
    @Maev59

    Rendez-vous samedi 11 avril de 10h à 18h à l’UPMC, 4 place Jussieu, Paris 5e.
    Salle 105 barre 26-25

    10h-10h30 : Café d’accueil et introduction
    10h30-13h : Session de contribution
    13h-14h : Déjeuner sur place (à la charge des participants)
    14h-17h30 : Session de contribution
    17h30-18h : Conclusion

    Merci d’apporter votre ordinateur portable
    Demande d’inscription : http://tinyurl.com/oghbuaa
    Inscription dans la mesure des places disponibles.

    Une fois votre demande d’inscription acceptée, merci de confirmer votre présence avant le 30 mars par courriel à thierry.vieville@inria.fr. Seul le reçu de cette confirmation vous garantira une place.

    En collaboration avec

  • Bonne fête des Meufes !

    FullSizeRenderBinaire essaie de ne pas sombrer dans le monde très masculin des sciences en ouvrant ses articles à un grand nombre d’amies. Nous avons d’abord les « gentilles éditrices » du Blog : Marie-Agnès (Maé quoi!) et Sylvie. Et puis, certaines auteures sont devenues des habituées comme Françoise qui nous raconte l’enseignement de l’informatique dans le monde ou Véronique qui nous parle de sécurité informatique.

    Donc pour nous la Journée de la Femme c’est toute l’année. Nous avons quand même voulu célébrer avec des amies cette journée, mais pendant une semaine. Nous aurons avec Anne-Marie des articles sur les grandes informaticiennes du passé comme Ada ou Grace, ou du présent avec trois Prix Turing. Nous parlerons de l’histoire des rapports entre femmes et informatique avec Valérie. Enfin, Isabelle nous proposera une vision gendrée du jeu de l’imitation d’Alan Turing.

    Voili-voilà ! Les éditeurs de binaire souhaitent

    • Une année prochaine moins machiste à ses lecteurs, et
    • Bonne fête à toutes ses lectrices !

     

     

  • Dominik, collégien et citoyen

    Journée Concertation Nationale à Nantes. J’anime un atelier sur l’éducation au numérique – vaste chantier. Dans les participants, Dominik Abbas, en 4ème au collège Saint Stanislas de Nantes.
    Des hobbies ? Astronautique, Sciences, Littérature, Citoyenneté.
    Un jeune très sympa qui m’impressionne par sa compréhension du sujet traité. J’ai rencontré des décideurs avec plein de diplômes qui devraient l’écouter. Alors je lui ai proposé de prendre la parole dans Binaire. L’informatique à l’école par un des élèves qui la vit. Serge Abiteboul.
    PS : je précise que le texte est intégralement de lui.

    BLS Maisoncelles du Maine du 20 au 26 juillet 2014, 25 juillet (11)Dominik Abbas, © Dominik Abbas

    Ce matin là, comme tous les lundis,  il est un peu plus de 8 heures lorsque je franchis le portail du collège. Ce matin là,  débat sur les programmes scolaires.  En général, les élèves aiment bien se disputer, mais il y a une question qui a toujours la même réponse : « Dans quel domaine l’école a-t-elle le plus de retard ? ». La réponse est donnée en chœur : « L’informatique!  »

    Pour s’en rendre compte,  il ne faut pas aller bien loin, il suffit d’ouvrir les yeux durant un cours de Géographie réalisé dans LA salle informatique,  celle où l’imprimante ne marche pas,  celle où il y a Internet tant qu’il n’y a pas plus de deux ordis allumés. Quand ceux-ci veulent bien s’allumer. Très vite les questions fusent :

    • Où c’est qu’on allume Google ?
    • Pourquoi ma session ne marche plus ?
    • Etc…

    Alors, comment en est-on arrivé là ? En effet, on ne prend pas dix ans de retard du jour au lendemain.

    Voici comment je l’ai vécu. En CE1, on possédait au fond de la classe un seul ordinateur, une véritable antiquité,  et ce fut comme ça jusqu’en CM2. Et c’est encore comme ça dans bien des écoles.  Les rares professeurs qui n’étaient pas découragés par le matériel devaient se débrouiller tant bien que mal afin d’élaborer des activités dignes de ce nom.
    Aujourd’hui encore,  dans mon collège, le matériel manque,  la couverture wifi est inexistante, etc…

    Le problème vient de tout un tas de choses. À commencer par les fournitures en matériel informatique, qui relèvent trop souvent du gadget. Pourquoi investir dans des tableaux blanc interactifs dernier cri alors que la plupart des salles de cours n’ont même pas de vidéo-projecteur ? Comme bien souvent, pas de réponse.

    Vient ensuite la formation de nos chers professeurs. Comment se fait-il qu’une grande partie d’entre eux ne sait même pas utiliser correctement un traitement de texte ? Encore une fois, pas de réponse.

    La liste, on pourrait la continuer encore longtemps, mais je vais l’écourter ici. Mais la vraie origine de tout cela, vient tout simplement du fait qu’il y a quelques années,  le ministère de l’éducation nationale n’a pas su prendre le tournant du numérique et de l’informatique.

    Il n’est cependant, à mon avis,  pas encore trop tard. Ce retard, on peut le rattraper, et on le rattrapera grâce à l’action du gouvernement, mais aussi des citoyens. Un exemple simple est la concertation citoyenne qui s’est close à Nantes il y a quelques semaines. À l’initiative du conseil national du numérique, des citoyens se sont rencontrés et ont débattus sur les changements qu’il est temps de faire. Il en résultera une synthèse qui sera remise très bientôt au gouvernement. Mais je pourrais  également citer le rapport Jules Ferry 3.0, qui a dressé un tour d’horizon du numérique à l’école et qui a proposé des solutions aux problèmes.

    Oui, j’en suis persuadé,  le retard sera comblé, même si ce ne sera pas tout de suite, …

    Dominik Abbas, @DominikAbbas collégien

  • Pour un joint…

    Serge et Colin nous parlent d’une opération très importante dans notre vie quotidienne, « la jointure », et nous expliquent même un algorithme pour la réaliser. Vous verrez que vous utilisez des jointures souvent sans le savoir et que si une bonne jointure peut toujours servir, une mauvaise peut porter atteinte à votre liberté.

    Prenons cette question hypothétique posée à un concours de la fonction publique. Peut-on lier par une jointure les bases de données de l’éducation nationale et de l’immigration ?

    1. Oui. Cela permet de détecter des personnes en situation irrégulière.
    2. Non. Cela pourrait décourager les personnes en situation irrégulière d’envoyer leurs enfants à l’école.

    Le choix entre (1) et (2) est un choix de société. Pour nous, c’est une obligation humaniste de décider (2). Aujourd’hui la plupart des élèves qui sortent de l’éducation nationale ne savent pas, peut-être vous ne savez pas, ce que c’est qu’une jointure. Nous pensons qu’il n’est pas possible de comprendre le monde numérique qui nous entoure sans comprendre ce que c’est que la jointure. Nous pensons qu’il n’est pas possible de faire de manière éclairée certains choix de société si on ne comprend pas ce que c’est que la jointure ? C’est pourquoi nous allons vous expliquer cette fameuse jointure…

    Vous utilisez quotidiennement des jointures

    Imaginez que vous voulez aller au cinéma ce soir. Vous demandez à Allociné « où puis-je voir Mommy ce soir près de chez moi ». L’information est probablement structurée chez Allociné dans une base de donnée de la manière suivante (très simplifiée) :

    joinL’information est répartie entre deux tables. La première dit quel cinéma passe quel film à quelle heure. La seconde donne le nom et l’adresse du cinéma. Observez l’utilisation d’identifiant pour chaque cinéma. C’est ce qui permet de faire une « jointure » (comprenez un pont) entre les deux tables et de trouver par exemple que « Imitation game » passe à 17:00 au Gaumont Opéra ».  Pour donner un autre exemple, quand vous cherchez les contacts de votre amie Alice sur Facebook, que faites vous ? Vous allez dans votre liste d’amis (une première table). Vous sélectionnez Alice et allez chercher ses contacts – dans une autre table. Une jointure ! Quand vous regardez les tweets que Twitter vous propose, que l’un d’entre eux, par exemple vient d’Inria et que vous cliquez pour voir les tweets récents d’Inria, une autre jointure ! On pourrait multiplier les exemples. Mais vous avez saisi l’importance de cette opération.

    Imaginez maintenant que la première table soit les services de l’immigration et la seconde, une base de données de l’éducation nationale. Oups ! Wikipédia nous raconte : « Le 21 mars 1974, la révélation par le quotidien Le Monde d’un projet gouvernemental tendant à identifier chaque citoyen par un numéro et d’interconnecter, via ce numéro, tous les fichiers de l’administration créa une vive émotion dans l’opinion publique. » C’est cette émotion qui a conduit à la création de la CNIL. Des jointures entre les tables de l’administration risquaient de mettre en cause des libertés fondamentales. Cet identifiant aurait joué le rôle de l’identifiant de salle de cinémas de l’exemple précédant. C’est donc bien une histoire de jointure.

    Pour conclure, nous allons vous présenter, en nous appuyant sur l’exemple du cinéma, l’algorithme le plus standard pour réaliser la jointure. Comme cela, nous espérons démystifier un peu pour vous cette opération.

    Un algorithme simple pour réaliser des jointures

    C’est peut-être ce que vous choisiriez si on vous demandait de réaliser manuellement la jointure.

    L’algorithme Tri-fusion 

    1. Tri : Vous commencez par trier la première table par ID-ciné croissant. Vous faites de même de la seconde table. Dans cet algorithme, ce qui prend le plus de temps c’est d’ailleurs typiquement ce tri des deux tables. Pour faire ce tri, vous utilisez votre algorithme de tri préféré. Voir plus loin un exemple d’algorithme de tri.
    2. Fusion : Vous inspectez ensuite les identifiants de ID-ciné par ordre croissant et pour chacun vous construisez (si c’est le cas) des résultats. C’est la partie la plus simple.

    Maintenant nous allons vous proposer un algorithme de tri – il en existe des tonnes. Interstices nous en propose une synthèse. Et on peut même le découvrir en dansant:

    Nous en donnons un qui est d’une simplicité effrayante :

    Algorithme Tri par diviser pour conquérir

    1. Coupez la relation en deux.
    2. Triez chaque morceau
      1. Si le morceau n’a qu’un élément, il est trié.
      2. Sinon réutilisez Tri par diviser pour conquérir
    3. Fusionnez les deux relations triées.

    Maintenant, heureusement que ce n’est pas l’algorithme qui est utilisé quand vous demandez un film. Le système utilise un « index » – qui ressemble dans l’idée à l’index à la fin d’un livre. On donne à l’index un identifiant de salle et il trouve directement l’enregistrement correspondant à ce cinéma en quelques millisecondes quand Tri-fusion pourrait prendre quelques secondes voire plus pour de grosses tables.

     

    La jointure n’est qu’une des opérations de l’algèbre relationnelle. Pour découvrir les autres, consultez ce Wandida.

    Voilà. Maintenant vous savez ce que c’est qu’une jointure. Et vous pouvez comprendre la question : Peut-on lier par une jointure les bases de données de l’éducation nationale et de l’immigration ? Ou pas.

    Serge Abiteboul et Colin de la Higuera

     

  • Osons les cours d’informatique à l’école

    Tout le monde s’accorde (ou presque) pour dire que l’informatique est indispensable. En revanche, il y a un point qui fait frémir : quels cours supprimeriez-vous pour l’enseigner ? Retrouvez la tribune sur Slate.fr datée du 8 décembre 2014 de Colin de la Higuera, président de la Société Informatique de France (SIF) et Gilles Dowek, président du conseil du scientifique de cet espace de réflexion, de concertation sur les enjeux de l’informatique qu’est la SIF.

     

  • Barbie est moins conne qu’on le dit

    Barbie est moins conne* qu’on le dit.
    Barbie is ultimately not that a dummy**.

    Lorsque Casey Fiesler, Doctorante en Sciences Informatiques, a vu les fils de ces média sociaux déborder d’indignation à propos de l’incommensurable maladresse de la bande dessinée « Barbie: I Can Be a Computer Engineer » elle a fait une chose tout à fait constructive et utile pour toutes et tous nos enfants. Elle a réécrit ce qu’aurait du être une telle histoire. Et met en partage « Barbie, remixed : je peux (vraiment !) être ingénieure en informatique ». Un auteur du blog voisin bigbrowser.blog.lemonde.fr nous explique sa démarche.

    À notre tour*** d’aider parents et enfants à ne pas être victimes de tels poncifs. À réaliser que nous avons besoin des deux moitiés de l’humanité à égalité pour avancer au mieux sur tous les sujets. Voici la version française, à lire, offrir et partager sans modération ! Même la Mère ou le Père Noël pourrait glisser ces huit feuillets au pied du sapin.

    Barbie revisitée : « Je peux être ... ingénieure en informatique »

    Colin, Marie-Agnès, Pierre, Serge, Sylvie et Thierry.


    (*) Ici dans le sens de femme sotte, manquant d’intelligence et éventuellement prétentieuse.

    (**) [english traduction of this text] When Casey Fiesler, PhD student in Computer Science, discovered that her social media feeds have been full of outrage over the unboudned awkwardness of the comic « Barbie I Can Be a Computer Engineer » she simply did the constructive and useful think to do. For all small girls and boys: She rewrote what should have been such a story, i.e., « Barbie, remixed: I (really!) can be computer engineer« , as explained on bigbrowser.blog.lemonde.fr.
    It is our turn to contribute, helping parents and children not to be victims of such cliches. To help realizing that we need the two halves of humanity equaly treated to get the best on all subjects. Here is the French version of Casey’s work, to read, offer and share without moderation! Even Mother or Father Christmas can put some of them under the Christmas tree !

    (***) La traduction du travail de Casey Fiesler a été faite par Provence Traduction avec le soutien d’Inria .

  • Un algorithme : PageRank de Google

    Que se passe-t-il si on cherche Michael Jackson  sur Google ? On voit apparaître des liens vers des pages concernant le chanteur : sa vie, ses photos, ses clips, sa famille, ses fan clubs, sa mort, etc. Tout cela nous paraît bien logique a priori. Mais si l’on creuse un peu, cela devrait nous intriguer. Après tout, il y a des millions de pages avec la chaîne de caractères « Michael Jackson » sur le Web. Pourquoi Google ne nous propose rien sur Michael Jackson menuisier à Dallas ? Ou Michael Jackson professeur de chant à San Francisco ? Si vous étiez ce menuisier, vous pourriez même être outré de ne voir aucun lien vers une page qui parle de vous, alors que vous en avez publié des dizaines, en y incluant à chaque fois votre nom. Pourquoi de telles injustices ?

    En fait, Google propose des liens sur les pages du chanteur, car il suppose que c’est le chanteur qu’un internaute va chercher. Et il y a une forte probabilité que ce soit le cas… le plus souvent. Mais comment Google peut-il savoir qu’il y a une forte probabilité qu’un internaute recherche en général le chanteur plutôt que le menuisier ?

    Google ne le sait pas. Ce que Google sait, par contre, c’est que parmi toutes les pages qu’il gère et qui parlent de Michael Jackson (d’un certain Michael Jackson), celles concernant le chanteur sont les plus « importantes » (comprenez les plus « populaires »). La notion d’importance est mesurée par un algorithme, un de plus, parmi ceux qui régissent notre vie quotidienne.

    L’algorithme PageRank, inventé par Sergeï Brin et Larry Page, les deux fondateurs de Google, s’inspire des travaux de Jon Kleinberg d’IBM. PageRank était à l’origine du classement des résultats du moteur de recherche Google. Aujourd’hui, plus de deux cents autres critères sont utilisés pour classer ces résultats. La recette est secrète, ce qui ouvre la porte à toutes sortes de spéculations sur ce classement. Est-il vraiment neutre au sens de la neutralité des plateformes du Web ?

    Nous allons parler ici de l’algorithme PageRank original, dans une version très simplifiée, pour le rendre accessible à des non-informaticiens. Avant de se lancer dans sa description, il est important de savoir que PageRank travaille sur des pages indexées par des mots-clés, comme les mots « Michael » et « Jackson », des pages qui sont donc susceptibles d’être proposées à des utilisateurs comme réponses à une requête « Michael Jackson ». À l’heure actuelle, Google indexe près de 1012  pages. Il en indexait 109 en 2000. On est encore loin du 10100 : le fameux nombre « googol » qui a inspiré son nom à la société.

    En gros, PageRank calcule périodiquement l’importance relative des pages indexées sous forme d’un score. Lorsqu’on soumet une requête à Google, il nous affiche celles qui ont le score le plus élevé (id est celles du chanteur) parmi celles qui correspondent à cette requête (par exemple parmi toutes les pages connues du moteur de recherche contenant les mots  « Michael » et « Jackson »).

    Pour calculer le score des pages, PageRank se base sur les liens entre ces pages. En effet, chaque page cite un certain nombre d’autres pages : elle a des liens vers ces pages. Quelqu’un qui se trouve pendant sa navigation sur une page p peut y trouver un lien vers une page q et y aller directement. C’est ce qui se passe quand, dans une page Wikipedia sur PageRank, on rencontre un lien vers la page de Larry Page.

    L’idée de PageRank est de représenter le score d’une page p par la probabilité qu’un utilisateur qui se baladerait « au hasard » dans une bibliothèque constituée de toutes les pages du Web se retrouve sur la page p.  Cette probabilité est d’autant plus grande que :

    1. Il y a de nombreuses pages q qui ont des liens vers p ;
    2. Ces pages q ont elles-mêmes un score important (on a une forte probabilité de tomber sur elles) ;
    3. Ces pages q ont peu de liens vers d’autres pages qui pourraient distraire notre attention.

    Une manière de synthétiser (1), (2) et (3) est de faire la somme des scores des pages q ayant un lien vers p en divisant chacun par le nombre de liens sortant de q. Ainsi, en première approximation, si l’on représente par liens (q) le nombre de liens sortant d’une page q :
    Score(p) = Somme(Score(q)/liens(q))
    – pour toutes les pages q ayant un lien vers p

    Intuitivement, c’est comme si chaque page avait un certain nombre de votes, représenté par son score, et qu’elle pouvait partager ses votes entre toutes les pages qu’elle référence. Considérons le petit dessin ci-dessous représentant quatre pages : q ayant un lien vers p et p’ et q’ ayant un lien vers p’. Supposons par ailleurs que les scores de q et q’ sont 1.  On aura : Score(p) = 0.5 et Score(p’) = 1.5.

    En fait, l’algorithme PageRank prend aussi en compte le fait qu’un utilisateur qui se balade dans la bibliothèque peut aller directement d’une page à une autre sans passer par des liens, un peu comme s’il se téléportait par-dessus les murs de la bibliothèque. Plus précisément, PageRank relativise le score ci-dessus en le multipliant par un facteur d’atténuation d entre 0 et 1, auquel il rajoute (1-d) pour avoir une probabilité. Le facteur d’atténuation est pris par exemple 0.85.  Ainsi :

    PageRank(p) = 0.15 + 0.85 * Somme(PageRank(q)/liens(q))
    – pour toutes les pages q ayant un lien vers p

    Comme on calcule le score d’une page en fonction de scores d’autres pages, il est légitime de se poser la question : comment ont été calculés les scores des pages initiales q et q’ ci-dessus ? PageRank prend la même valeur pour toutes les pages du Web. Ensuite il applique les équations ci-dessus pour toutes pages. Il s’arrête quand les valeurs ne changent plus.

    On vous a caché des tas de détails. On pourrait dire pour vous effrayer qu’on calcule le « point-fixe d’une équation matricielle avec une matrice avec des milliards de lignes et de colonnes ». Plus prosaïquement, imaginez qu’il faut calculer plusieurs fois la fonction ci-dessus pour les milliards de pages indexées. C’est un gros calcul ? Non ! C’est vraiment un très, très… très gros calcul. Et il faut des tas d’ordinateurs pour le réaliser. Et ce n’est qu’une des fonctions d’un moteur de recherche…

    Rachid Guerraoui, professeur à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne

    (*) Pour en savoir plus en vidéo: http://wandida.com/en/archives/571

  • Pixees, le monde numérique à portée de clic

    Vous en avez marre qu’on vous rabâche les oreilles avec des notions d’informatique ou de numérique, que l’on vous dise « Ah oui, mais c’est hyper important pour le monde d’aujourd’hui », alors que vous ne comprenez même pas pourquoi ? Et bien voici un moyen efficace et intéressant de comprendre ces notions.

    pixees-4Pixees, un site Inria, de la SIF (Société Informatique de France) et de Pasc@line (Association des Professionnels du Numérique) avec plus d’une vingtaine de partenaires, dédié à la médiation scientifique…

    Pixees, une solution pour décoder le monde du numérique

    La médiation… ?! D’accord ! On part déjà trop loin ? Et bien disons simplement que ce site regroupe toute sorte de supports pour nous initier aux notions d’algorithmes, à la représentation de l’information, à l’histoire de l’informatique, etc. C’est à travers des conférences, des vidéos, des interviews, des documentaires, des jeux, et on en passe, que nous pouvons nous documenter, et même apprendre à apprendre aux autres.

    pixees-2En effet ce site a été réalisé pour toute personne du niveau le plus sobre au plus élevé. Que nous soyons parent, élève ou étudiant, professeur, ou bien simplement curieux, ce site est fait pour nous. Des méthodes sont là pour vous accompagner pas à pas, par exemple pour expliquer à l’enfant comment utiliser et s’approprier ces machines omniprésentes au quotidien dans notre société : ordinateur, tablette ou smartphone… et au-delà de l’usage,apprendre également à créer grâce à elles.

    Peur de ne pas être à la hauteur ? De ne pas comprendre les articles ? Pas d’inquiétude, ils sont indexés et de multiples définitions sont là pour nous secourir en cas de problème.

    Spécial profs : profitez de la culture numérique en live.

    Cela tombe à pic, au moment où l’enseignement des fondements du numérique entre au collège et en primaire (on parle parfois de « codage », mais au delà de l’apprentissage de la programmation, il y a la construction d’une culture scientifique indispensable à la maîtrise du numérique).

    pixees-3Selon le lieu où on se trouve en France, il y a la possibilité de faire venir dans son établissement une ou un chercheur. Pixees propose différents types d’interventions, telles que des animations et/ou des conférences, consultables sur le site et répertoriées géographiquement sur la carte de France de tous les partenaires du projet.

    Vous préférez un contact direct de visu ? Cela tombe bien, car notre bureau en ligne est ouvert à partir du 8 septembre les mercredis et jeudis de 14h00 à 17h00. Vous n’aurez ensuite plus qu’à lancer la connexion en cliquant sur l’image affichée. Nous contacter par mail, téléphone, Twitter ou en remplissant un formulaire numérique est aussi possible.

    Le partage et la co-construction avant tout

    Pixees n’est évidemment pas réservé qu’aux enseignants, animateurs d’activité extra-scolaire ou parents. Le bureau en ligne est destiné à tous les futurs et bienvenus inconditionnels du site qui souhaiteront participer à cette aventure.

    En plus, Pixees peut vous répondre en anglais, espagnol, italien, allemand et en d’autres langues, grâce à notre bureau en ligne international. Certaines ressources sont mêmes déjà traduites.

    Pixees ou le mouvement perpétuel

    pixees-1Ça y est, mordu de Pixees ? N’oubliez alors pas de suivre son actualité et ses évolutions de publications et d’interventions. N’hésitez surtout pas à faire part de vos idées et remarques, afin que ce site évolue selon vos besoins.

    Un dernier argument pour vous montrer que ce site est celui de toutes et tous ? L’une de nous est une jeune prof de langues, l’autre une étudiante en communication. Aider à construire et nourrir Pixees a été notre job d’été. On en a profité pour découvrir plein de choses bien utiles dans notre vie quotidienne, dans le monde numérique. Et aussi des choses «inutiles» mais passionnantes pour avoir une meilleure vision de cet univers-là.

    Alice Viéville et Juliette Calvi

  • Un algorithme : EdgeRank de Facebook

    On n’arrête pas de vous dire que les algorithmes ont de plus en plus d’importance dans votre vie quotidienne. Vous êtes capable de comprendre comment Philae a fait pour atterrir sur la comète «Tchouri», mais vous ne seriez pas capable de comprendre comment ils fonctionnent ? Allons donc ! Binaire a demandé à un ami, Rachid Guerraoui, professeur à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne, de nous expliquer l’algorithme EdgeRank qui d’une certaine façon participe à votre vie sociale. N’hésitez pas à demander à Binaire des explications sur d’autres algorithmes.

    En préambule, si vous n’êtes pas familier de Facebook, ce réseau social qui est aussi le deuxième site web le plus visité au monde (après Google), nous vous conseillons d’aller lire la page de wikipedia qui l’explique en détail ou d’aller prendre 10 minutes pour consulter cette vidéo.

    edgerank-binaire-rayclid© Ray Clid

    Si vous êtes adepte du réseau social Facebook, vous aurez sans doute remarqué que toutes les activités concernant vos « amis » n’apparaissent pas dans votre fil d’actualité. Mais comment Facebook fait-il le tri? Pourquoi Facebook decide t-il d’afficher telle actualité plutôt que telle autre ? Ces décisions sont prises par un algorithme,  un parmi ceux qui régissent notre vie quotidienne aujourd’hui.

    Cet algorithme s’appelle EdgeRank. Le principe de cet algorithme n’est pas sorcier. Si on omet certains détails, en particulier de mise en oeuvre et d’optimisation, on peut l’expliquer de manière assez simple.

    Avant de décrire son fonctionnement néanmoins, quelques éléments de contexte.

    A la base, Facebook avait pour objectif de connecter les étudiants de l’Université de Harvard. Aujourd’hui, Facebook connecte près d’un milliard d’utilisateurs. Facebook permet à chacun de partager en temps réel toutes sortes d’informations avec ses “amis”: des notes décrivant ses états d’âme ou ses activités quotidiennes, des photos, de la musique, des recommandations pour des livres, des liens vers des articles de journaux, etc.

    En gros, chaque utilisateur possède deux espaces: un espace qu’il utilise pour décrire les informations qu’il souhaite partager, ses posts, et un espace dans lequel il voit défiler les posts partagés par ses amis.  Ce second espace est parfois appelé fil d’actualité.    L’algorithme EdgeRank fait une sélection radicale parmi tous les posts des amis d’un utilisateur Bob pour en afficher en moyenne 10% sur le fil d’actualité de Bob. D’une part EdgeRank fait cela pour ne pas inonder Bob d’informations qui disparaîtraient en une fraction de seconde à cause de leur trop grand nombre.  D’autre part EdgeRank filtre les informations afin que Bob trouve son fil d’actualité suffisamment intéressant pour rester connecté et être actif à son tour.  Plus il y a de personnes connectées et plus Facebook peut monnayer son support publicitaire. edgePour chaque utilisateur Bob, EdgeRank  détermine le score des posts partagés par les amis de Bob : plus le score d’un post p est élevé et plus B devrait trouver p intéressant.  EdgeRank affiche les posts dont les scores pour Bob sont les plus élevés.

    En première approximation, le score pour un utilisateur Bob, d’un post p émis par une utilisatrice Alice, correspond au produit de trois variables:  a * t * f.

    • La variable a désigne l’affinité d’Alice par rapport à Bob. Plus Bob  à l’habitude d’aimer ou de commenter des informations postées par Alice, voire d’envoyer des messages à Alice, et plus a sera grand.
    •  La variable t représente le poids du post. Une longue note, une photo ou une vidéo ont plus de poids qu’un petit commentaire par exemple.
    • La variable f représente la fraîcheur du poste: plus un post est ancien, plus diminue. Donc la priorité est donnée aux posts les plus récents.

    Il est important de remarquer ici que la notion de score est relative. Le score d’un post p posté par Alice peut être différent pour deux amis d’Alice, Bob et Jack. Cela peut s’expliquer par le fait que Bob soit un admirateur d’Alice mais pas Jack. Par ailleurs, la  notion d’affinité, sous-jacente au calcul d’un score, est asymétrique. Le fait que Bob  soit un admirateur d’Alice n’implique pas l’inverse. Ainsi, il se peut que les posts d’Alice soient systématiquement affichés sur le fil d’actualité de Bob et jamais l’inverse.

    En fait, EdgeRank ne fait pas simplement un produit, mais une somme de produits.  A chaque post p est associé un ensemble de liens. Le premier lien est celui de la création de p: il est généré par l’utilisateur Alice qui a partagé p.  A chaque fois qu’un autre ami Jack d’Alice souligne qu’il aime p ou le commente, un nouveau lien est généré par Jack : toujours concernant le post p. Si Jack est aussi un ami de Bob, il y a des chances que le lien qu’il vient de créer augmente le score du post p et le fasse apparaître sur le fil d’actualité de Bob.

    Plus un post p est “liké” ou commenté par des amis de Bob et plus p a de chances d’apparaitre sur le fil d’actualités de Bob. Cela explique parfois pourquoi on voit apparaître un « vieux » post sur son fil d’actualité.

    Chacun des liens sur p a donc un score qui correspond à un produit de variables a * t * f. Le score de p est la somme des scores des liens.

    Le nom de l’algorithme, EdgeRank, souligne le fait qu’il ordonne en fait des liens (vers des posts).

    (*) Pour en savoir plus une vidéo wandida

     

  • Comment semer quelques graines de sciences

    Graines de sciences est une Université d’automne pour les professeurs des écoles, organisée par la fondation « La main à la pâte ». On y  propose aux enseignants une formation sur des sujets scientifiques avec des ateliers qui les font participer de manière active. Depuis deux ans, cette formation inclut des ateliers sur les sciences du numérique, que l’éducation nationale aura à intégrer rapidement dans la formation des professeurs des écoles. Deux collègues du monde de la recherche en informatique témoignent.

    Les enseignants ont partagé leur expérience et les liens qu’ils peuvent tisser, entre ces grains de science et les enseignements qu’ils donnent déjà. Ils ont montrés comment ils peuvent adapter les contenus scientifiques qu’on leur propose pour les transmettre dans leurs classes. Bref, ils ont déjà ouvert la porte aux sciences du numérique dans leurs classes, mais parfois sans vraiment le savoir ! Petit retour sur ces liens qui ne demandent qu’à voir le jour…
    On parle ici de trois ateliers. Un atelier de robotique, un atelier d’informatique avec entre autres des activités débranchées et un atelier Scratch. Pour ce dernier, allons lire les retours de plus en plus nombreux que l’on peut trouver sur jecode.org (hélas encore trop limité à quelques enfants, puisque cantonné au domaine extra-scolaire). Ce billet va témoigner des ateliers « robotique » et « informatique ».

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    Les enseignants, inspirés, proposent des messages autour de nos contenus

    Chaque atelier dure environ trois heures et concerne un groupe de dix enseignants. Le rôle des acteurs du monde de la recherche ? Faire de notre mieux pour leur expliquer nos sciences et discuter avec eux de ce qu’ils peuvent en retirer pour leurs classes. La limite ? Nous ne sommes pas en mesure de leur expliquer comment enseigner et comment faire passer des messages scientifiques dans les classes. Ce sont les enseignants les experts à ce niveau. Et cette démarche participative fait de Graines de sciences un enchantement.

    Les ateliers commencent par un tour de table, histoire de voir les attentes ou les appréhensions sur nos sciences et ce qui va se dérouler pendant l’atelier. Dans la majorité des cas, avec un peu d’inquiétude, la réponse est « Je suis curieux de voir comment on pourra expliquer le numérique aux élèves avec le contenu de cet atelier ». Mais vous verrez, une fois les ateliers faits : ils adorent et en redemandent. Le plus dur est donc de les amener à faire le premier pas.

    Pourtant ils ont conscience de l’ampleur que prend le numérique dans la vie des élèves et de la façon dont les enseignants peuvent les accompagner, pour que chacune et chacun ait les mêmes chances. Eh oui, ils en témoignent « Je les vois se servir de plus en plus de téléphones, ordis, tablettes, etc. mais ils sont utilisateurs et consommateurs… peut-on les aider à être acteurs et producteurs ? ». Gageons que, sans aller jusqu’à en faire des « acteurs ou producteurs », on pourra aider les enseignants à faire que les élèves deviennent des utilisateurs éclairés. Ce sera déjà pas mal. Enfin, une attente plus rare concerne la vie privée face à cette manipulation quotidienne et presque continue, sans réserve et sans précaution, d’outils qui les exposent publiquement.

    Dans ces ateliers, nous avons souvent demandé aux enseignants de jouer le rôle des élèves, histoire de reprendre des activités que nous connaissons et les appliquer directement avec eux. C’est une façon aussi de leur demander leur avis sur la façon de faire passer tel ou tel message. Nos contenus ont de nombreuses sources comme dessine moi un robot ou inirobot, la mallette « Sciences manuelles du numérique » initiée par Martin Quinson, l’ouvrage « Computer Science Unplugged » traduit en Français grâce à interstices, ou encore le site pixees qui contient une foule de ressources pour expliquer les sciences du numérique.

    Ah oui ! Nous vous avons promis de montrer des liens entre ces contenus et ce que les enseignants font déjà dans les classes. Alors allons-y !

    Les Thymio sauront-ils s’orienter dans ce labyrinthe ?

    Prenons l’exemple de la robotique avec le jeu du robot idiot. Ce petit exercice est très amusant et carrément facile à mettre en place avec un groupe d’enfants (de tous âges 🙂 ). Il s’agit de donner des instructions à un robot joué par l’animateur ou un autre enfant, et ce dernier va bien sûr oublier toute forme d’intelligence ou d’intuition pour appliquer scrupuleusement la liste d’instructions. Cette liste doit permettre d’atteindre un objectif (par exemple « sortir de la pièce ») et sera réduite à 3 instructions possibles comme « avance de X pas », « tourne d’un quart de tour à droite » et « tourne d’un quart de tour à gauche ». Cette activité, permet aussi de détendre un peu l’ambiance vu les « gamelles » que se prend le robot-animateur. Et cela montre combien on doit être précis dans ses instructions parce qu’il ne faut pas compter sur la machine pour être intelligente à la place de celui qui la programme. Nous voilà entrain de montrer le lien avec les sciences du numérique et là… Paf ! Une participante nous dit « Mais attends… moi je fais déjà un truc similaire avec ‘la carte au trésor’ ! ». Elle nous explique donc qu’il s’agit de découper un espace selon une grille, de fixer un point de départ et un objectif (le trésor) sur la grille et de trouver la séquence d’instructions qui permet d’atteindre le trésor. Tiens… un premier lien vient tranquillement de se tisser… et très facilement avec ça. A partir de là, cette enseignante sait qu’elle pourra parler d’algorithme au sens d’un enchaînement d’instructions qui permet d’atteindre un objectif. Mais elle peut aller encore plus loin sans difficulté. Par exemple, il lui est possible de modifier volontairement une instruction dans la liste… Ses élèves verront alors le résultat totalement faux sur le déplacement, et elle pourra expliquer qu’il y a un bug, avec plus ou moins de détails et d’explications, selon le niveau de la classe, et l’objectif pédagogique du moment.

    Le réglage des couleurs du Thymio

    Puisqu’on parle de robots, profitons-en pour voir quelques liens, avec la programmation de Thymio II qui faisait partie de l’atelier « robotique ». En voyant les possibilités de réglages du Thymio, comme par exemple la couleur de ses Leds, certains participants ont immédiatement réagi avec bonheur en disant que c’était un support idéal pour illustrer la palette et le mélange des couleurs. Et cette réaction se retrouve également quand il s’agit de faire jouer quelques notes à notre petit robot ludo-éducatif.

    Magic Makers et les machines de Rube Goldberg

    Puisque ces Thymio sont équipés de capteurs, les participants ont vu un lien très prometteur avec une activité qui se pratique souvent en classe. Ils ont suggéré que ces robots seraient de parfaits maillons dans la chaîne d’une machine de Rube Goldberg. Ces machines délirantes mettent en pratique la notion de réaction en chaîne et permettent d’étudier les transformations et transmissions de mouvements sur des séquences plus ou moins longues. D’après nos participants, il serait donc très intéressant d’ajouter un Thymio dans la séquence, avec une programmation adéquate de ses capteurs pour qu’il joue son rôle et permette à la séquence de continuer. D’ailleurs, cette idée des machines de Rube Goldberg est déjà employée par Magic Makers dans ses ateliers en famille grâce à des robots Légo équipés de capteurs.

    À leur grande surprise, les enseignants ont également vu des liens assez frappants entre ce qu’ils font déjà en classe et les contenus de l’atelier « informatique ». Il faut dire que le titre de l’atelier était « Informatique, algorithmique et cryptographie ». De quoi mettre la trouille à tout le monde ! En fin de compte, c’est plutôt une bonne chose. À leur entrée dans l’atelier, dans les yeux de certains participants, on pouvait voir la définition du mot « dubitatif ». Mais doucement, au bout de quelques minutes, quand l’algorithmique s’est faite avec 16 jetons, la correction d’erreur avec des cartes et un tour de magie, ou bien la cryptographie avec des boites en carton et des petits cadenas… l’’appropriation à des fins pédagogiques est devenue une évidence.

    Atelier titré ‘Informatique, algorithmique et cryptographie’ plus de peur que de mal en fin de compte..

    Cet atelier s’est tenu sous la forme d’une histoire… l’histoire de quelques uns des personnages qui ont contribué à nos sciences du numérique. Et cette histoire était régulièrement ponctuée d’activités débranchées, permettant de garder un rythme animé et de faire participer les enseignants de manière active. Voilà déjà un premier lien avec ce qui est enseigné par les participants puisqu’il s’agit d’un angle différent sur la façon d’aborder les cours d’histoire. Beaucoup sont repartis avec la ferme intention d’en savoir plus sur la vie de tel ou tel personnage. D’ailleurs, il nous semble que c’est Ada Lovelace qui a eu le plus de succès dans ce domaine.

    Les sciences du numérique : du raisonnement avant tout !

    Le jeu de Nim était la première activité de cet atelier. Très rapidement les participants ont pu faire le lien qui nous paraît le plus important avec leurs enseignements : « les sciences du numérique c’est du raisonnement ». Du raisonnement dans la mesure où il s’agit, par exemple, d’établir une stratégie gagnante pour un jeu (et on peut transposer facilement « stratégie gagnante pour un jeu » en « algorithme »). Mais aussi parce qu’il s’agit de bien étudier les conditions d’un problème avant de lui proposer une solution (« est-ce que je peux gagner si je commence ? » ou bien « est-ce que je peux gagner si le nombre de jetons au départ n’est pas un multiple de 4 ? »). Cet apprentissage et l’angle apporté par les sciences du numérique est donc capital non seulement en tant que matière, mais devrait aussi trouver son reflet dans la mise au point du programme et dans tous les domaines enseignés à l’école.

    Le nombre cible : de l’algorithmique sans le savoir.

    Après le jeu de Nim, et pour approfondir un peu la question des algorithmes, nous avons joué à trouver nos prénoms dans une liste. Une longue liste, contenant 105 prénoms, est affichée à l’écran pendant 3 secondes. Elle n’est pas triée. Après 3 secondes d’affichage, presque aucun participant ne sait dire si son prénom est dans la liste ou pas… Puis la même liste est affichée, mais triée cette fois, toujours pendant 3 secondes. Et là, par contre, presque tous les participants sont capables de dire si leur prénom est dans la liste ou pas. Ce petit jeu permet d’introduire l’algorithme de la dichotomie. On leur affiche ensuite une liste réduite dans laquelle on cherche un prénom pour illustrer le fait qu’à la première itération on enlève la moitié des données, ce qui simplifie le problème, puis on enlève encore la moitié de la moitié à la deuxième itération, puis… ainsi de suite. Et là… re-Paf ! Un participant nous dit « Mais attends, je viens de comprendre comment je devrais parler du nombre cible et de la file numérique avec mes élèves ! ». Euh… le nombre quoi, tu dis ? ? Nous demandons alors quelques détails et il nous explique le principe de ce jeu qui consiste à trouver un nombre entre 1 et 100, inscrit derrière le tableau. Bien sûr, sans stratégie, ça prend des heures. Alors on change le problème et il faut maintenant choisir un nombre X et poser la question « plus grand ou plus petit que X ? », ce qui renseigne le joueur et l’oriente dans sa recherche du nombre cible. Et là ça marche mieux mais c’est encore hésitant. On explique aux élèves qu’en prenant X au milieu de ce qui reste à explorer à chaque fois, alors c’est plus efficace. Ce participant nous dit enfin « Donc tu vois, je faisais déjà de la dichotomie sans le savoir ! ». En vérité, il faisait déjà de l’algorithmique sans le savoir. Et il est désormais mieux équipé pour expliquer pourquoi le fait de prendre le nombre « du milieu » c’est imbattable. Il n’aura pas forcément besoin de parler de complexité algorithmique, mais le terrain sera préparé pour les sciences du numérique.

    Photo @Marik. Le drap : « Après l’atelier il faut passer à la pratique ! »

    Certains participants sont même allés bien plus loin que trouver des liens avec ce qu’ils enseignent déjà. En particulier, une participante venait pour la deuxième fois et avait déjà ajouté des sciences du numérique dans sa classe après son premier Graines de science. Quel réconfort de l’écouter nous raconter comment elle a utilisé Computer Science Unplugged ou bien des activités débranchées auprès de ses élèves. Mais surtout, quel bonheur de discuter des activités présentées cette année et des modifications qu’on peut leur apporter. Par exemple, concernant le réseau de tri de Computer Science Unplugged, elle envisage de modifier le tracé de façon à le faire bugger volontairement et laisser ses élèves le réparer. Mais elle veut aller encore plus loin en utilisant cette activité au service de son enseignement existant. Comment ? Eh bien par exemple en leur demandant de trier des fractions (eh oui, comparer les fractions c’est en plein dans le programme). Et voici le drap qui va lui servir de support avec le réseau dessiné dessus. Tout est déjà prêt, et ses idées aussi !

    Voilà pourquoi et comment ces Graines de sciences sont un enchantement…

    Florent Masseglia et Didier Roy.

  • Le grand plan numérique. Une bonne nouvelle ou pas ?

    Communiqué de la SIF du 7 novembre 2014

    Le grand plan numérique annoncé par le Président de la République semble bien être, sous réserve d’en connaître les détails, le plan que nous attendions, enfin à la hauteur des enjeux. Dans son allocution du 6 novembre, le Président de la République souligne en particulier qu’en « informatique, […] sans qu’il y ait besoin d’ordinateur, on peut apprendre », il parle bien ici de « contenu » et de science et non d’usage. Quand nos collègues britanniques, allemands, belges, néerlandais, polonais, israéliens, américains… enseignent déjà l’informatique à tous les niveaux depuis de nombreuses années, la France semblait encore se poser des questions d’un autre siècle, qui nous condamnaient à devenir de simple consommateurs de sciences et de techniques inventées ailleurs. Ce plan est susceptible de tout changer !

    L’Académie des sciences, la Société informatique de France, le Conseil national du numérique, le Conseil supérieur des programmes, et beaucoup d’autres acteurs du secteur proposent d’enseigner l’informatique à l’École primaire, au Collège et dans toutes les séries du Lycée, chaque niveau ayant, bien entendu, ses objectifs et sa pédagogie propres. Un tel plan pourrait véritablement former les futures générations d’élèves au monde qui les attend, au monde qu’ils vont pouvoir contribuer à construire. Cela dit la route est longue et il faut mobiliser toutes les énergies autour du ministère de l’Éducation nationale pour ce plan ambitieux dont deux points importants doivent dès maintenant être pris en compte :

    1. Enseigner l’informatique demande, comme pour toute matière, du savoir et de la prise de recul sur ce que l’on enseigne afin de faire émerger les concepts unificateurs et non les détails d’un algorithme, d’un langage ou d’une machine. Si dans une phase de transition il faut s’appuyer, pour des questions de moyens et d’efficacité, sur des professeurs d’autres disciplines déjà en poste, il est nécessaire, comme dans d’autres pays, de recruter très vite des enseignants en informatique.

    2. Si l’informatique est une science et une technique comme une autre, son enseignement doit être fortement basé sur la notion de projets collaboratifs, en collaboration avec les autres disciplines. Cela nous semble essentiel pour que les élèves s’engagent avec enthousiasme dans cette nouvelle discipline et ne la voient pas simplement comme un alourdissement des programmes. La mise en pratique d’un plan ambitieux passe par un effort considérable de formation des professeurs des écoles, et par la présence dans les collèges et les lycées de professeurs d’informatique avec un niveau bac plus quatre ou cinq (comme c’est le cas dans les autres disciplines) et une formation à la pédagogie de l’enseignement de l’informatique. Cela s’imposera vite comme une évidence.

    Car il constitue une chance considérable pour notre pays, le plan numérique est une excellente nouvelle.

    Pour les Conseils d’administration et scientifique de la SIF

    Colin de la Higuera, Président de la SIF

  • Reduction de mémoire et d’énergie par les règles de l’harmonie musicale

    En cette période de crise où chacun se demande s’il doit vraiment remplacer son iPod et autre gadget par une version encore plus performante, nous recommandons à nos lecteurs d’avoir encore un peu de patience. Un reporteur de Binaire a eu vent du dernier  projet d’un de nos plus grands inventeurs, Albert Robida. A suivre…

    phono-operagraphe
    Un grimpeur, en récompense pour avoir réussi l’ascension du Cervin, s’offre l’écoute de Sarastro dans “La flute enchantée
    (phono-opéragraphe d’Albert Robida version bêta 1.2.)

    Un nouvel appareil révolutionnaire est sur le point d’être introduit sur le marché : le phono-opéragraphe récemment breveté (FR5775A1) par Albert Robida, chercheur visionnaire à l’université de technologie de Compiègne et auto-entrepreneur. Il est si léger que même les montagnards qui pèsent leur sac au gramme près se laisseront tenter.

    Le phono-opéragraphe est spécialisé dans la musique d’opéra et, grâce à l’usage des structures de données auto-ajustables de Sleator et Tarjan, s’adapte dynamiquement à l’enregistrement choisi par l’utilisateur. Sa méthodologie technologique permet de re-générer son et musique par une approche calculatoire utilisant les règles de l’harmonie musicale afin de reconstituer le son à partir d’un contenu mémoire minime, quasiment au niveau plancher prédit par la théorie de l’information de Shannon.  L’énergie dépensée par le processeur est minimisée grâce à une exploitation rigoureuse des bruits ambiants, avec un algorithme qui “mine” les sons alentour pour extraire et amplifier les composantes musicales du milieu naturel où elles sont habituellement inaudibles, ce qui permet de les  réutiliser en les incorporant à l’enregistrement, économisant ainsi sur la quantité de son que l’appareil doit créer ex nihilho.

    C’est dans le registre de soprano colorature que l’enregistrement audio est le plus compact, et donc le plus léger, comme il est logique. Mais même les sopranos lyriques restent très raisonnables en montagne. Ainsi, Carmen, la Traviata, et morceaux similaires le rendent d’un poids nettement inférieur à 50g : il bat largement tous ses concurrents. Les performances sont un peu moins impressionnantes avec les altos et ténors, et il faut faire attention à ne pas prendre trop de morceaux avec basse, ni surtout de basse profonde ; cela réduit l’intérêt en pratique. Heureusement, on annonce déjà que la prochaine génération, inspirée par le point de vue d’Alan Perlis (et son célèbre principe “La constante d’une personne est la variable d’une autre”), aura un poids variable en fonction du morceau qu’on est en train d’écouter, avec mises au point de l’algorithme en fonction des préférences musicales du grimpeur (à condition toutefois qu’il soit mélomane.)

    Albert Robida conjecture que la place mémoire nécessaire pour mémoriser un morceau de musique est une fonction monotone décroissante de sa beauté selon le canon classique.

    Le prix de lancement est prévu autour de 45,99 euros.

    Claire Mathieu, ENS, Paris

  • Françoise en Inde

    Le sujet de la formation à l’informatique a été beaucoup débattu en France récemment. Mais en dehors de l’hexagone ? On se pose les mêmes questions ? D’autres pays auraient-ils eut l’audace de prendre de l’avance sur nous ? Binaire a proposé à Françoise Tort, chercheuse à l’ENS Cachan et co-responsable en France du concours CASTOR informatique, d’interroger des collègues à l’étranger. Leurs réponses apportent beaucoup à nos débats parfois trop franchouillards.
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    Tour d’horizon de l’enseignement de l’informatique… Après la Bavière, Israël, Françoise nous emmène en Inde.

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    Note sur le système scolaire indien : L’Inde est divisée en 28 États et 7 «territoires fédéraux ». Les politiques et les programmes scolaires sont suggérés par le gouvernement central, les états provinciaux ayant une liberté dans leur application. Le système scolaire comprend quatre cycles : primaire (6 à 10 ans), primaire supérieur (11 et 12 ans), secondaire (13 à 15 ans) et secondaire supérieur (17 et 18 ans). Le cursus est commun à tous les élèves jusqu’à la fin du secondaire, ils choisissent des spécialités les deux dernières années. Les élèves apprennent trois langues (l’anglais, le hindi et leur langue maternelle). Il y a trois types d’établissements : deux sont coordonnés au niveau national, respectivement par le CBSE et par l’ICSE, qui publient des programmes pour les enseignements et les examens, le troisième correspond aux établissements d’états (locaux).


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    Entretien avec Pradeep Kumar Misra, professeur associé au département B.Ed / M.Ed. à la faculté de sciences de l’éducation de l’université M.J.P. Rohilkhand, à Bareilly, dans l’état de l’Uttar Pradesh. Il forme de futurs enseignants. Ses travaux de recherche portent sur les technologies éducatives, la formation des enseignants et la formation tout au long de la vie

    Depuis 10 ans, TIC et informatique sont enseignées dès le primaire

    Il semble y avoir un consensus partagé par les gouvernements indiens (central et d’états) et les organismes en charge des questions d’éducation sur la promotion de l’informatique dans l’éducation secondaire. Signalons dans ce sens l’appel du gouvernement central pour  « une Inde numérique » ou, encore, les programmes de différents gouvernements d’état pour fournir gratuitement des ordinateurs et des tablettes aux élèves. Depuis environ 10 ans, les écoles indiennes proposent des cours d’informatique : certaines l’introduisent dès la première année du primaire, d’autres, plus tard, vers la moitié du primaire. L’informatique est au programme obligatoire pour le primaire et est proposée en option pour le secondaire. Cette matière prend environ 2h30 à 3 heures par semaine, incluant pratique et théorie, et plus pour ceux qui le prennent en option à partir du lycée. Comme les autres matières, l’enseignement peut être en Hindi, en anglais ou dans la langue maternelle.

    Utiliser des applications et programmer, et plus en option…

    Alors que dans les autres matières, il y a un programme officiel et des manuels scolaires prescrits, la situation est plus ambiguë pour l’enseignement de l’informatique. Il n’y a pas de programme formel pour le primaire. Pour le secondaire, chacun des conseils éducatifs (CBSE, ICSE, et d’état), propose son propre programme sous des dénominations différentes (« computer education », « computer science », « computer application », « ICT literacy »). [note : ICT pour « Information and Communication Technologies », TIC en français)].

    Les contenus des enseignements obligatoires portent sur les utilisations d’applicatifs et sont centrés sur les savoir-faire : sur des logiciels et applications web au niveau collège et en programmation (Java, C++, Python) au niveau lycée. Dans la mesure où les établissements ont une certaine latitude dans l’application des programmes et le choix des manuels, il y a de fait une grande variété des contenus offerts.

    Une promesse de réussite future

    Il y a de nombreux arguments favorables à un enseignement de l’informatique en Inde. Un argument assez largement répandu est que les enfants sont en présence de nombreux ordinateurs dans la vie courante, qu’ils apprennent à utiliser souvent par eux-mêmes, avec leurs amis ou les membres de leur famille et que parfois cela les amènent à adopter de mauvaises pratiques et habitudes, des utilisations incorrectes et peu sûres ; autant d’écueils qu’éviterait une formation cadrée à l’école.

    Une autre opinion répandue dans notre société est que, quelles que soient les carrières choisies par les jeunes, avoir des compétences de base en informatique leur sera toujours utile sur le long terme. La réussite de professionnels de l’informatique indiens connus à travers le monde (comme Satya Nadella, directeur général de Microsoft, ou Sundar Pichai, vice-président de Google, et bien d’autres) motive très certainement les parents et les étudiants indiens à choisir les écoles qui offrent des cours d’informatique. Beaucoup d’écoles privées offrent des cours en informatique pour gagner une réputation de modernité et attirer plus d’élèves.

    Cependant, les élèves sont plutôt divisés quant à l’intérêt des cours d’informatique. Ceux qui choisissent l’option pensent que c’est amusant à apprendre, un nouveau monde à explorer et une bonne préparation pour leur poursuite d’étude. Ils y voient un outil de réussite sociale, le moyen de passer auprès de ses amis pour le « doué en informatique ». Mais la majorité des élèves y voit juste une matière obligatoire, donnant du travail supplémentaire, et un obstacle de plus à franchir pour obtenir leur diplôme.

    Un vivier d’enseignants qualifiés

    Les enseignants de l’école publique sont recrutés par les agences gouvernementales (centrale et fédérales), le recrutement dans le privé est indépendant. Les enseignants intervenant aux niveaux primaires n’ont pas forcément de diplômes dans cette discipline. En revanche, c’est bien le cas des enseignants du secondaire, qui ont un diplôme de niveau licence ou maîtrise en informatique ou en technologie de l’information (B.Tech in Computer Science/IT ; M.Sc. in Computer Science ; Masters in Computer Applications), et un diplôme professionnel en éducation, obtenu en un an.

    Pour le moment, il ne me semble pas y avoir de pénurie d’enseignants qualifiés. Un nombre important d’étudiants indiens sont diplômés en informatique et il leur suffit d’obtenir le diplôme en éducation pour prétendre à un poste d’enseignant. De plus, le gouvernement et les agences privées proposent des formations continues. Toutefois, il me semble que les diplômés en informatique sont plutôt enclins à poursuivre une carrière dans l’industrie, avec des promesses de bons salaires. Devenir enseignant me paraît être un second meilleur choix,  pour ceux qui veulent éviter de connaître le chômage.

    Les femmes restent sous-représentées en informatique

    L’engagement des filles et des femmes en informatique a évolué en Inde dans les dernières années. Il est sûr que l’informatique permet aux filles de rompre les barrières liées au genre. Une étude réalisée en 2010 suggérait que c’est « une discipline appréciée des étudiantes, parce qu’elle demande des efforts intellectuels plutôt que physiques, et leur permet de travailler en intérieur. » Mais la même étude remarquait  que « les femmes restent sous-représentées dans les domaines des technologies de l’information, probablement du fait de contraintes sociales qui réduisent leur liberté d’étudier, leur accès aux ressources et leurs opportunités ». Une autre étude suggère qu’il y a des questions spécifiques à résoudre concernant les questions de genre en éducation et qu’il faudrait étudier les voies par lesquelles les TIC conduisent à des résultats d’apprentissage égalitaire entre filles et garçons.  Un nombre significatif de jeunes filles quittent le système scolaire après la puberté, et il faudrait explorer le potentiel offert par les outils numériques pour former ces adolescentes déscolarisées.

    Ne pas en rester là et approfondir encore les contenus

    40% des indiens, soit 430 millions de personnes, ont moins de 18 ans. Cela fait de l’Inde le pays abritant la plus grande population d’enfants au monde. La promesse faite par le gouvernement que « chaque village devra être connecté par une bande passante, et l’éducation pourra être offerte aux enfants des écoles même les plus reculées » (voir par exemple) montre que dans un avenir proche les cours d’informatique à l’école seront nécessaires et souhaités. En résumé, l’informatique est apparue comme une composante vitale de l’enseignement scolaire indien mais il nous reste encore à faire de plus gros efforts pour définir et mettre en œuvre un programme et des contenus d’enseignement détaillés, offrant un bon équilibre entre connaissances théoriques et pratiques, et développant de nouvelle méthodes pédagogiques, mais par dessus tout aidant les enfants « to grow virtual but remain socially grounded ».

    Pour en savoir plus

    • Le programme proposé sur le site de l’ICSE pour l’enseignement intitulé « utilisation des ordinateurs » pour le niveau fin de collège début de lycée (computer application – classes IX and X)
    • Des documents d’accompagnement disponibles sur le site du CBSE pour les enseignements : de TIC en fin de collège début de lycée – ICT, class IX et class X) et le programme d’informatique au lycée (Computer Science class XI)
  • Coder : entre vice et plaisir

    Le phalanger volant (glider) proposé comme emblème de la communauté des hackers.

    Dans la définition (anglaise) sur Wikipedia de « Hacker » on découvre que ce mot peut désigner

    1. Celui qui cherche et exploite les faiblesses d’un système informatique,
    2. Celui qui innove dans le domaine de l’électronique ou de l’informatique, et
    3. Celui (ou celle) qui combine l’excellence, la ruse, et l’exploration dans ses activités.

     

     

    Dans la page française, c’est un brin plus sobre :

    1. Hacker, spécialiste de la sécurité informatique
      ou
    2. Hacker, personne qui aime comprendre le fonctionnement interne d’un système, en particulier des ordinateurs et réseaux informatiques.
    Le bitesize de la BBC inclut des jeux et un guide du nouveau parcours de formation des enfants au code. ©BBC

    Sur ces bases, il est possible d’imaginer que nombreux sont ceux qui pensent que le hacker développe de façon positive son imagination, code, invente, crée. Qu’il reflète le plaisir exprimé par le jeune Max, 10 ans, choisi par la BBC dans le cadre de l’effort national qui fait que depuis le 1er septembre 2014 c’est depuis l’âge de 5 ans qu’on enseigne la programmation aux jeunes Britanniques.

    Le lecteur averti de cet article aura cependant noté que parmi les 3 définitions en anglais et les 2 en français l’une pouvait permettre une interprétation malicieuse. C’est celle qu’a choisi –semble-t-il- un homologue français de la BBC, qui fait dire à un personnage « hacker, c’est un escroc du net ».

    Ou le choix entre proposer que coder soit un plaisir… ou un vice.
    Colin de la Higuera.

  • Le pacs des humanités et du numérique

    On parle d’humanités numériques  autour de la proposition du Conseil National du Numérique d’un « bac HN ». Un chercheur en humanités aujourd’hui consulte des documents sur Internet, produit des sources numériques, les indexe, classe ses informations dans des bases de données, invente de nouveaux corpus de sources, tweete, blog, prépare des Mooc, discute à distance avec ses collègues, ses étudiants, etc. Les humanités sont devenues numériques. Une historienne et un informaticien nous parlent du sujet. L’article complet peut être trouvé sur HAL.

    histoire-numeriqueLes humanités numériques se définissent au départ par des outils numériques au service de la recherche en sciences humaines et sociales, des outils pédagogiques pour enseigner dans ces domaines. Mais, le sujet dépasse largement le cadre de ces seuls outils. Tous les savoirs se transforment au contact de la pensée informatique, les disciplines évoluent, les frontières bougent. C’est toute la complexité des humanités numériques.

    Les humanités. Le terme est imprécis. Prenons-le dans un sens très général, en y incluant l’histoire, la linguistique, la littérature, les arts et le design, mais aussi la géographie, l’économie, la sociologie, la philosophie, le droit, la théologie et les sciences des religions.

    Le numérique et l’informatique. Il nous faut ici considérer l’articulation entre le monde numérique et la science qui en est au cœur, l’informatique. Par exemple, le Web, si essentiel dans les humanités numériques, est une des plus belles réalisations de l’informatique. Mais il tient aussi d’une philosophie humaniste : la mise à disposition pour tous, le partage. L’informatique est à la fois une science et une technique, qui propose des outils et développe de nouvelles formes de pensée ; elle a donné naissance au monde numérique, avec ses usages et ses cultures propres.

    Des outils et une pensée

    Le point de départ des humanités numériques est la représentation de l’information et des connaissances sous forme numérique. Les premières applications furent la numérisation de textes (notamment à partir d’OCR, « optical character recognition »), mais aussi de photos, de films, de la musique, de cartes géographiques, de plans d’architecture, etc. Les scientifiques (en SHS ou pas) ont vite compris l’intérêt de réunir des données de natures différentes, de les organiser dans des bases de données. Les bases de données ont été combinées à deux grandes inventions de l’informatique, l’hypertexte et le réseau Internet, pour conduire aux « bibliothèques numériques ». Par exemple, le Projet Perseus  de l’université Tufts s’est attaqué à la construction d’une bibliothèque numérique qui rassemble des textes du monde méditerranéen en grec, latin et arabe. Les textes numérisés, indexés, disponibles sur la Toile, sont facilement accessibles à tous. A l’heure du Web, les étudiants, mais aussi les amateurs, les journalistes, tout le monde a accès à des sources d’informations considérables.histoire-numerique-clio

    Si la bibliothèque numérique peut être vue comme un des piliers des humanités numériques, le « réseau numérique » en est certainement un autre. Le travail des chercheurs repose depuis toujours sur l’existence de réseaux. On échangeait des lettres. On voyageait pour consulter une bibliothèque ; on en profitait pour rencontrer ses homologues locaux. Ces échanges, ces rencontres physiques participaient à produire et enrichir les connaissances. Pour les scientifiques (en sciences humaines ou pas), le réseau numérique transforme le travailler ensemble. On peut partager des textes, les annoter ensemble, les commenter, voire corédiger des contenus très riches en s’éloignant du texte linéaire bien défini aux auteurs bien précisés. Pour citer un exemple riche en symbole, le projet  « Mapping the republic of letters », lancé par Stanford, a permis de mettre en commun des recherches pour étudier comment, depuis la Renaissance, les lettrés européens partageaient leurs connaissances à travers des textes et des rencontres. Un réseau social numérique pour expliquer un réseau social « classique » ! Ce passage au travail en réseau s’accompagne de changements fondamentaux dans nos rapports aux connaissances. Un univers des fragments se substitue aux contributions monolithes. Les outils de recherche, les sites de corédaction encouragent cet effet, qui s’accompagne aussi de l’affaiblissement de la contribution de l’auteur individuel devant les contributions du groupe.

    Jusque-là nous avons surtout parlé d’information, évoquons maintenant les connaissances. À une petite échelle, on introduit des connaissances pour expliquer un document, des éléments qui le composent, des services Web. C’est la base du Web sémantique. Des balisages permettent par exemple de préciser le sens des mots d’un texte, de faire des ponts entre des ressources distinctes avec le linked data. Un des premiers exemples très populaire de balisage de texte est le « Text encoding initiative », initié en 1987. Le but du balisage était de permettre de trouver plus facilement de l’information dans de larges collections de textes de bibliothèques. Avec les ontologies, un pas supplémentaire est franchi pour atteindre le monde des connaissances structurées, classifiées, organisées. Par exemple, l’ontologie Yago a été construite à partir de la version anglaise de l’encyclopédie textuelle Wikipédia, en utilisant un logiciel développé à l’Institut Max Planck. En 2011, Yago avait déjà 2 millions d’entités et plus de 20 millions de relations entre ces entités.

    La machine peut aider à obtenir toujours plus de connaissances. Il est intéressant de remarquer que le calcul de connaissances « quantitatives » est à l’origine de ce qui est souvent cité comme le premier travail en humanité numérique : Roberto Busa, un jésuite italien, a imaginé dans les années quarante et réalisé ensuite, l’analyse linguistique basée sur l’informatique des œuvres complètes de Thomas d’Aquin. Les techniques d’analyse de texte qu’il a utilisées (indexation, contexte, concordance, co-occurrence, etc.) sont utilisées aujourd’hui dans de nombreuses disciplines notamment en histoire ou en littérature. Peut-être les plus paradigmatiques exemples de cette analyse de données (notamment de par leurs masses) viennent de Google trends. Google trends permet d’avoir accès à la fréquence d’un mot dans les requêtes au moteur de recherche Google (près de 10 milliards de requêtes par jour en 2014). Il a donné lieu à de nombreuses études comme la détection d’épidémie.

    Dans les sciences physiques et les sciences de la vie, la modélisation numérique tient une place considérable. En simplifiant, le chercheur propose un modèle du phénomène complexe étudié, et le simule ensuite numériquement pour voir si les comportements résultants correspondent à ceux observés dans la réalité. Parmi les plus grands challenges actuels, on notera par exemple Le « Blue brain project » lancé à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne qui vise ni plus ni moins que de simuler numériquement le cerveau humain. La modélisation et la simulation tiennent une place grandissante en SHS. La sociologie est en particulier un candidat évident. Il est possible de s’appuyer sur la modélisation (extrêmement simplifiée) des comportements d’un très grand nombre d’acteurs (agent dans une terminologie informatique populaire) et de leurs interactions avec leur environnement.6340497bb01b04f0d7b4e00ca32ff638 La puissance de calcul de clusters d’ordinateurs permet ensuite de réaliser des simulations. La comparaison des résultats avec la réalité permet de « paramétrer » le modèle, voire de le modifier, pour mieux coller à la réalité observée. Nous retrouvons par exemple l’étude  de Paola Tubaro et Antonio Casilli sur les émeutes de Londres. Ils ont cherché à savoir si la censure des médias sociaux proposée par David Cameron avait un effet sur le développement d’émeutes. A l’aide d’une simulation numérique, ils ont montré que la censure participait à augmenter le niveau général de violence.

    Et nous conclurons ce tour d’horizon rapide des humanités numériques par l’archivage, un domaine véritablement bouleversé par le numérique. On peut mentionner par exemple Europeana , une bibliothèque numérique européenne lancée en novembre 2008 par la Commission européenne qui compte déjà plus de 26 millions d’objets numériques, textes, images, vidéos, fin 2013. Les États européens (à travers leurs bibliothèques nationales, leurs services d’archivages, leurs musées, etc.) numérisent leurs contenus pour assurer leur conservation, et les mettent en commun. De telles initiatives permettent d’imaginer par exemple que dans moins de 50 ans des historiens trouveront numériquement toutes les informations dont ils ont besoin, passant d’une archive à une autre simplement en changeant de fenêtre sur leur écran.

    Avec le numérique, nous sommes passés pour l’information disponible d’une culture de rareté, à une culture d’abondance. Devant le déluge informationnel, il n’est pas simple de choisir ce qu’il faut conserver, un vrai challenge pour les archivistes. Les institutions comme les Archives Nationales, la BNF (Bibliothèque Nationale de France) et l’INA (Institut National de l’Audiovisuel), et des outils anciens comme le dépôt légal se sont transformés. Que seront devenues les pages du Web d’aujourd’hui dans 50 ans quand des chercheurs voudront les consulter ? Des fondations comme Internet Archive  aux Etats-Unis ou Internet Memory  plus près de nous, s’attaquent au problème avec les grandes institutions d’archivage.

    Limites de la technique. Les humanités numériques ont modifié les modes de travail et de pensée dans les sciences humaines et sociales. Il faut pourtant être conscient de leurs limites. Si les opportunités sont nombreuses, tout n’est pas possible. Certains problèmes demandent des puissances de calcul dont nous ne disposons pas ou que nous n’avons pas les moyens de mobiliser pour un problème particulier. Surtout les plus grandes avancées en humanités reposent sur l’intelligence d’humains qui découvrent la bonne question, énoncent la bonne hypothèse, proposent l’approche révolutionnaire. Si les machines peuvent aider, elles ne sont pas prêtes de fournir cela. Et puis, dans le cadre des SHS, il faut aussi savoir accepter les limites de l’objectivité. Le problème de l’analyse qualitative des données reste entier. Bruno Latour écrivait en 2010 : « Numbers, numbers, numbers. Sociology has been obsessed by the goal of becoming a quantitative science. » Les humanités numériques ne peuvent se réduire à des équations ou des algorithmes (les plus beaux soient-ils) et des nombres. Le sujet principal est l’être humain bien trop complexe pour être mis dans sa globalité en équation ou même en algorithme.

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    Poppy, un robot pour populariser et démystifier les sciences du numérique.

    La convergence entre sciences et humanités. Un ordinateur est une machine à tout faire (« general purpose ») ; le même système peut être utilisé que la science soit « humaine » ou « dure », et le même algorithme peut être utilisé dans les deux cas. Les méthodes, les concepts, les techniques, les outils de l’informatique rapprochent les chercheurs de toutes ces disciplines, réduisant en particulier le gouffre qui s’est créé entre les SHS et les sciences « dures ». Les principes même de la « pensée informatique » (computational thinking) sont généraux. Les convergences sont si fortes que plutôt que de parler d’humanités numériques, peut-être aurions-nous dû discourir de « sciences numériques » en général. Evidemment une telle convergence n’implique pas la confusion. Un modèle formel des sentiments dans la poésie romantique n’a rien à voir avec un modèle numérique de l’anatomie du cœur humain. Si l’informatique se met au service des sciences humaines et sociales, ce ne doit pas être pour les appauvrir mais au contraire, avec de nouveaux outils, une nouvelle pensée, pour leurs permettre de découvrir de nouveaux territoires.

    Inventer un nouvel humanisme. Avec notamment Internet et le Web, le numérique a encouragé la naissance d’une nouvelle culture basée sur le partage et l’échange. Dans des développements comme les logiciels libres ou Wikipédia, les ambitions de cette culture sont claires, l’invention d’un nouvel humanisme. Il nous semble que les humanités numériques doivent participer à ce mouvement car quelle plus grande ambition humaniste que la diffusion des connaissances et de la culture à toutes et tous ?

    Serge Abiteboul (INRIA & ENS Cachan), Florence Hachez-Leroy  (Université d’Artois & CRH-EHESS/CNRS)

  • Françoise en Israël

    Le sujet de la formation à l’informatique a été beaucoup débattu en France récemment. Mais en dehors de l’hexagone ? On se pose les mêmes questions ? D’autres pays auraient-ils eut l’audace de prendre de l’avance sur nous ? Binaire a proposé à Françoise Tort, chercheuse à l’ENS Cachan et co-responsable en France du concours CASTOR informatique, d’interroger des collègues à l’étranger. Leurs réponses apportent beaucoup à nos débats parfois trop franchouillards.

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    Tour d’horizon de l’enseignement de l’informatique… Après la Bavière, Françoise nous emmène en Israël.

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    Note sur le système scolaire Israélien : Le système scolaire Israélien est centralisé. Le ministère de l’Éducation détermine la politique de l’éducation à tous les niveaux, de la maternelle à l’enseignement supérieur, et met en œuvre cette politique, avec l’aide de comités professionnels. La scolarité est divisée en trois périodes : six années d’école élémentaire, trois années de collège et trois années de lycée. Les dix premières années d’enseignement sont obligatoires. Chaque matière est divisée en modules d’environ 90 heures ; certaines matières offrent différents niveaux de spécialisation, les plus courants sont un  programme en trois modules pour un enseignement général et en cinq modules pour un enseignement approfondi.

    judith-gal-ezer-1Entretien avec Judith Gal-Ezer, professeure au département de mathématique et d’informatique de l’Open Université d’Israël (OUI), chercheuse en didactique de l’informatique, présidente du comité des programmes pour l’informatique du ministère de l’éducation Israélien, membre du CSTA (Association internationale des enseignants d’informatique, fondée par l’ACM).

    Environ 300 heures centrées sur la résolution de problèmes algorithmiques

    Depuis 1995, l’informatique est enseignée dans les lycées israéliens, au même titre que les autres disciplines scientifiques (physique, biologie, chimie). Ce sont des enseignements optionnels, comme pour les autres disciplines.  Il existe deux programmes d’enseignement : l’un comporte 3 modules et est adapté aux élèves qui ont un intérêt général pour la matière. L’autre comporte 5 modules et est destiné aux élèves qui souhaitent avoir une connaissance plus approfondie de la matière. Un module correspond à 90 heures de cours étalé sur un semestre, soit 3 heures par semaine. Dans la mesure où la plupart des élèves suivent le programme le plus court, un effort est fait pour que ce programme couvre le plus possible toute la discipline.

    Le programme est centré sur les concepts clés et les fondements de la science informatique, il met l’accent  sur la notion de problèmes algorithmiques et leurs solutions et leur implémentation dans un langage de programmation. Un second paradigme de programmation, les structures de données et la calculabilité sont également abordés.  Ce programme a fait l’objet de mises à jour régulières depuis sa création, la plus importante ayant été l’introduction de la pensée orientée objet.

    « Semer les graines » qui aideront les jeunes dans tous les domaines.

    Je pense que l’objectif de l’enseignement de l’informatique à l’école n’est pas de « produire » de futurs professionnels qui trouveront des emplois dans l’industrie. Il s’agit plutôt de « semer des graines » en initiant les élèves aux fondements de la discipline. Une exposition dès l’école à ce domaine aide les jeunes à choisir plus tard des carrières dans l’industrie ou dans la recherche.

    La résolution de problèmes est au cœur de l’informatique. Son apprentissage et sa pratique demandent aux élèves de savoir spécifier les problèmes clairement et sans ambiguïté, de décrire une solution algorithmique qui soit « robuste » (convenant même dans des situations limites), « correcte » (qui donne le bonne solution) et efficace (dont la complexité est connue). A chaque étape de ce processus, les élèves acquièrent des compétences de base qui leur seront utiles dans tous les domaines qu’ils choisiront d’étudier.

    L’informatique a également des liens avec l’ensemble des autres domaines scientifiques et aussi humanistes.  La quasi-totalité des percées scientifiques d’aujourd’hui sont rendues possibles grâce à la puissance de l’informatique et au travail des informaticiens. Enfin, l’invention des ordinateurs au 20ème siècle a radicalement changé la façon dont nous vivons et travaillons. Il est difficile de prédire l’avenir, mais on peut dire sans se tromper que les personnes qui ne comprennent pas l’informatique seront exclues de ses avantages potentiels.

    Un centre national de formation des enseignants

    Quand le programme a été conçu, il y a maintenant 20 ans, la commission responsable de sa conception avait été très claire sur le fait que les enseignants certifiés pour enseigner l’informatique devraient être diplômés d’un premier cycle universitaire (bachelor’s degree) dans cette discipline en plus du diplôme de formation à l’enseignement. Cette exigence fut officiellement adoptée dès le début.

    De plus, un centre national de formation pour les enseignants d’informatique a été créé. Il assure la formation continue des enseignants en poste et les aide à entretenir une communauté professionnelle dynamique. Il propose une conférence annuelle, des cours et ateliers sur des questions propres au programme du lycée, des documents et du matériel pédagogiques, et une revue pour les enseignants.

    Un effort nécessaire pour encourager les jeunes

    Le nombre des élèves choisissant l’informatique a augmenté régulièrement jusqu’en 2004, il a ensuite diminué. Depuis lors, la part des élèves diplômés ayant choisi cette option se stabilise à  environ 15%.

    Dans une recherche récente, nous avons montré que les élèves qui ont été initiés à l’informatique au lycée, et en particulier ceux qui suivaient le programme long de 5 modules,  étaient plus susceptibles de poursuivre des études dans l’un des domaines de l’informatique dans l’enseignement supérieur. Ceci est d’autant plus vrai pour les jeunes filles.

    Concernant les filles justement, environ 40% des étudiants qui choisissent l’informatique au lycée sont des filles, mais elles ne représentent que 30% des étudiants ayant choisi le programme long de 5 modules. Il y a encore du travail à réaliser pour encourager les jeunes filles à se former à l’informatique.

    Un programme pour le collège en préparation

    Il y a 20 ans, alors que nous développions un programme pour le lycée, il nous apparaissait évident qu’un programme pour le collège était nécessaire. Or, depuis 2 ans, un programme pour les collèges est en cours de développement et déjà en œuvre dans plusieurs établissements. Les principales difficultés rencontrées sont liées à l’affectation et la formation des enseignants.

    4 facteurs de succès essentiels

    Je pense que la réussite de l’enseignement d’informatique en Israël repose essentiellement sur :

    • le programme bien établi et régulièrement mis à jour ;
    • l’obligation officielle d’un diplôme en informatique pour la certification des enseignants ;
    • une offre, par les universités, de programmes préparatoires pour les futurs enseignants et de formation continue pour les enseignants titulaires ;
    • une communauté de chercheurs très dynamiques ;

    Et j’ajouterai : un corps d’enseignants bien établi et motivé.

     


    Pour en savoir plus 

    – Une description du  programme de l’enseignement de l’informatique au secondaire en Israël publiée en 1995.

    – Une proposition de programme pour le collège en Israël publié en 2012, à accès restreint