Catégorie : Education

  • J’ai 9 ans et l’informatique c’est quand je veux

    Il n’est jamais trop tôt pour bien faire. Et l’informatique n’y fait pas exception. Elle est arrivée au lycée, mais cela aura pris le temps. Binaire s’intéresse à des expériences de la découverte de l’informatique à l’école primaire. Nathalie Revol et Cathy Louvier nous parlent d’une expérience en banlieue lyonnaise. Sylvie Boldo

    Nathalie Revol, par elle-même
    Nathalie Revol, par elle-même

    Prenez une classe de CM1 en banlieue lyonnaise. Une classe probablement dans la moyenne, avec des origines sociales et géographiques très mélangées : 26 enfants curieux, motivés, joueurs, remuants, faciles à déconcentrer.

    Prenez une chercheuse en informatique qui se pose des questions sur ce qu’il est important de transmettre de sa discipline, dès le plus jeune âge.

    Prenez une enseignante de CM1 désireuse de proposer un enseignement des sciences en général et de l’informatique en particulier, de façon attrayante et motivante, à ses élèves.

    Faites en sorte que l’enseignante soit en charge de cette classe de CM1. Faites en sorte que la chercheuse ait des jumeaux dans cette classe de CM1, à défaut un seul enfant suffira, pas d’enfant du tout peut aussi faire l’affaire, il suffit que la rencontre ait lieu.

    Laissez reposer quelques mois les questions et les idées qui tournent dans la tête de la chercheuse et vous aurez une ébauche de programme d’informatique pour des CM1.

    Faites ensuite se rencontrer la chercheuse et l’enseignante au portail de l’école ou ailleurs, la première proposant d’expérimenter ce programme, la seconde acceptant bien volontiers de servir de cobaye. Quelques demandes d’autorisation plus tard, c’est ainsi que la chercheuse et l’enseignante ont démarré un programme de 8 séances de 45 minutes intitulé « informatique débranchée ».

    Questions et réponses

    La question qui tournait comme une rengaine dans la tête de la chercheuse était de savoir comment s’y prendre pour faire passer le message suivant :

    l’informatique est une science.

    Comment faire comprendre que l’informatique ne se réduit pas à une technologie, comment la désengluer de la confusion avec ses usages ?

    L’informatique n’est pas plus la science des ordinateurs que l’astronomie n’est celle des téléscopes, aurait dit E. Dijkstra. En d’autres termes plus compréhensibles par les élèves du primaire, l’informatique n’est pas plus la science des ordinateurs que les mathématiques ne sont la maîtrise de la calculatrice.

    Approche, accroche, algorithmes pour les gavroches, codage binaire sans anicroche

    Ne le prenez pas, le parti était pris : ce serait un enseignement sans ordinateur. Cela tombait bien, le site « Computer Science Unplugged » regorge d’activités à pratiquer sans ordinateur, tout comme le site de Martin Quinson consacré à la médiation, ou le site pixees destiné à offrir des ressources pour les enseignant-e-s. D’ailleurs, le titre de ce projet d’informatique en CM1 est informatique débranchée, la traduction – sans les références musicales – de Computer Science unplugged.

    L’approche étant choisie, il fallait encore définir le contenu. L’inspiration a été puisée dans le programme d’ISN : Informatique et Sciences du Numérique, élaboré pour les lycéen-ne-s de 1e et Terminale. Ce programme comporte quatre volets : 1 – langages et programmation, 2 – informations, 3 – machines, 4 – algorithmes. Les volets « algorithmes » et « informations » ont été retenus parce qu’ils se prêtent bien à des activités sans ordinateur. Pour la partie « informations », l’accent a été mis sur leur représentation utilisant le codage binaire.

    Enfin, pour que les élèves adhèrent à ce projet d’informatique, une accroche basée sur les jeux a été choisie pour la partie algorithmique. Quant au codage binaire, c’est par des tours de magie qu’il a été présenté. On a privilégié les manipulations, qui permettent d’établir le lien entre les objets et la formalisation plus abstraite des algorithmes, ainsi que des activités engageant tout le corps, comme le réseau de tri pour les algorithmes et la transmission d’un message codé en binaire par la danse.

    Cela permet d’accrocher l’attention des élèves et de les motiver pour qu’ils et elles se mettent en situation active de recherche, d’élaboration des algorithmes ou de compréhension du codage binaire.

    Algorithmes

    Chaque partie a demandé quatre séances. Côté algorithmes, on a commencé par le jeu de nim, popularisé par le film «L’année dernière à Marienbad »  paraît-il (c’était la minute culturelle). Ce jeu se joue avec des jetons de belote et des règles simples…  et il existe une stratégie pour gagner à tous les coups. Appelons cette stratégie un algorithme et laissons les enfants jouer par deux, en passant entre les tables pour les mettre sur la voie. En fin de séance, on a mis en commun les algorithmes trouvés et on a mis en évidence qu’il s’agissait de formulations différentes du même algorithme.

    On a ensuite défini, avec l’aide du film «Les Sépas : les algorithmes », ce qu’était un algorithme, avec les mots des enfants.

    Le jeu suivant est le crêpier psycho-rigide. Un crêpier veut, le soir avant de fermer boutique, ranger la pile de crêpes qui reste dans sa vitrine par taille décroissante, la plus grande en bas et la plus petite en haut. La seule opération qu’il peut effectuer consiste à glisser sa spatule entre deux crêpes, n’importe où dans la pile, et à retourner d’un seul coup toute la pile de crêpes posées sur sa spatule. Pourra-t-il ranger ses crêpes comme il le désire ? Il s’agit d’un jeu plus ambitieux : l’algorithme à découvrir est un algorithme récursif. Autrement dit, on effectue quelques manipulations pour se ramener au même problème, mais avec moins de crêpes à ranger. Pour faire «oublier »  les crêpes déjà rangées, pour se concentrer sur les crêpes restantes, on a caché les crêpes déjà rangées par une feuille de papier…  et cela a très bien marché ! On a aussi utilisé cet écran de papier pour cacher complètement la pile de crêpes, dès le début, et pour faire comprendre aux enfants qui dictaient l’algorithme – qui était donc exécuté derrière l’écran – qu’un algorithme s’applique à toutes les configurations, que ce n’est pas une construction ad hoc pour chaque pile de crêpes.

    Le dernier algorithme a été abordé de manière fort différente. On a dessiné un réseau de tri au sol et cette fois-ci, les élèves étaient les porteurs des données (soit des petits nombres, soit des grands nombres, soit des mots) qui se déplacent dans le réseau, se comparent et finissent par se trier, comme ils l’ont rapidement compris, par ordre numérique ou par ordre alphabétique.

    Codage binaire, représentation des données

    Les quatre séances suivantes ont été consacrées au codage binaire des informations.

    Pour la première séance, les enfants ont reçu un codage binaire (une suite de 0 et de 1) et une grille. Ils ont travaillé par 2 : l’un-e dictait les «0 »  et les «1 »  et l’autre laissait blanches ou noircissait les cases correspondantes de la grille. Ils ont fini par découvrir le dessin caché pixellisé et encodé en binaire. Ils ont alors créé leur propre dessin, l’ont encodé puis dicté à leur voisin pour vérifier que l’encodage puis le décodage préservait leur image.

    Pour la deuxième séance, on a commencé par un tour de magie reposant sur le codage binaire des nombres. La magicienne devait deviner un nombre, entre 1 et 31, choisi par un enfant en lui montrant successivement 5 grilles de nombres et en lui demandant si son nombre se trouvait dans ces grilles. Avec leur attention ainsi acquise, on a écrit le codage binaire des nombres de 1 à 7 tous ensemble, puis de 1 à 31. Pour cela on est revenu à une représentation des nombres par des points, un nombre étant représenté par autant de points que d’unités, par exemple 5 est représenté par 5 points. On a utilisé de petites cartes porteuses de 1, 2, 4, 8 ou 16 points (oui, les puissances de 2, mais chut, vous allez trop vite). Chaque enfant s’est vu attribuer un nombre et devait choisir quelles cartes conserver pour obtenir le bon nombre de points ; c’était plus clair en classe avec les cartes… Bref, en notant «1 »  quand la carte était retenue et «0 »  quand elle ne l’était pas, nous avons le codage binaire des nombres et on a pu expliquer finalement comment marchait le tour de magie.

    La troisième séance a de nouveau commencé par un tour de magie, reposant cette fois sur la notion de bit de parité. Après avoir dévoilé le truc et expliqué pourquoi il est utile de savoir détecter des erreurs (voire les corriger – mais on n’est pas allé jusque là), on a encodé les lettres de l’alphabet, en binaire, avec 6 bits dont 1 de parité. Chaque binôme a alors choisi un mot court, l’a écrit en binaire en utilisant le codage et l’a conservé pour la séance suivante.

    La dernière séance a fait appel au corps : à tour de rôle, nous avons dansé nos mots, en levant le bras droit pour «1 »  et en le baissant pour «0 »  et nos spectateurs ont décodé sans se lasser.

    Au final…

    l’expérience s’est bien déroulée, les cobayes se sont prêtés au jeu avec beaucoup d’enthousiasme, le calibrage des activités en séances de 40-45mn était à peu près juste et pas exagérément optimiste, la gestion de la classe a été assurée par l’enseignante et c’est tant mieux, les moments de mise en commun également. L’enseignante est même partante pour renouveler seule ce projet…  ce qui fait chaud au cœur de la chercheuse : un des objectifs était en effet de proposer un projet réalisable dans toutes les classes, sans nécessiter une aide extérieure qui peut être difficile à trouver.

    On peut trouver le détail de ce projet, agrémenté de remarques après coup pour parfaire le déroulement de chaque séance, sur le site de pixees.

    Nathalie Revol, Inria et Cathy Louvier.

  • Enseigner l’informatique ? Cela s’étudie !

    La didactique de l’informatique ? Des chercheurs étudient cette question et font régulièrement le point sur comment il faut enseigner l’informatique. En janvier, c’est à Namur qu’aura lieu la conférence Didapro6-Didastic. J’ai rencontré Étienne Vandeput, responsable de cet événement, pour lui poser quelques questions pour Binaire.

    Etienne vandeput
    Étienne Vandeput

    Étienne Vandeput est un mathématicien de formation qui a d’abord enseigné au lycée en Communauté française de Belgique (notamment l’informatique dès la fin des années 70), puis la didactique de l’informatique en Belgique et en Suisse.  Colin de la Higuera

     

    Le thème du congrès Didapro6-Didastic, c’est la didactique de l’informatique et des STIC. Mais en quoi est-ce une question ? Qui est concerné ?

    Étienne Vandeput : L’informatique est une discipline enseignée à l’Université, dans les écoles supérieures et, même si c’est plus confidentiel, à l’école obligatoire. Or l’acte d’enseigner ne peut cacher l’intention de transmettre la connaissance, le savoir-faire, avec le souci d’y parvenir dans un laps de temps restreint et avec une certaine efficience. Il vise aussi à toucher le plus grand nombre. Enseigner nécessite donc que l’on réfléchisse tant aux aspects épistémologiques (la question du quoi enseigner) qu’aux aspects didactiques (la question du comment le faire avec un minimum d’efficacité). Attention, ce n’est pas uniquement de méthodologie dont il est question, mais de démarches conduisant à une compréhension fine des concepts souvent complexes de l’informatique et donc, de tout ce qu’il est possible de mettre en place pour la faciliter. Tous ceux qui enseignent l’informatique, à quelque niveau que ce soit, sont donc concernés par cette réflexion. D’autre part, si le citoyen lambda n’est pas nécessairement directement concerné par l’apprentissage de l’informatique, il évolue dans un monde numérique. L’information et de la communication sont donc aussi l’objet d’une investigation scientifique de même type. L’usage des réseaux sociaux, par exemple, est régi par quelques principes simples. Il est question de profil, de compte, de permissions, autant de concepts dont une connaissance élémentaire permet de réguler, voire de catalyser nos comportements parfois impulsifs et spontanés. Mieux, ces concepts se retrouvent dans de multiples autres applications. Cette transversalité est donc intéressante à exploiter.

    Quelles sont les spécificités de l’informatique, quand on considère la question du point de vue de la didactique ? Autrement dit, est-ce différent d’enseigner l’informatique plutôt qu’une autre matière ?

    EV : Toutes les didactiques ont leur spécificité. Peut-être certaines sont-elles plus proches que d’autres ? La didactique des langues et celle des mathématiques se distinguent en ce sens qu’elles font appel à des paradigmes d’enseignement très différents. Si d’un côté, on peut privilégier les processus conversationnels en acceptant erreurs grammaticales, de prononciation, voire de vocabulaire, de l’autre, c’est la rigueur et la compréhension sans équivoque qui serviront souvent de toiles de fond à la réflexion didactique. En ce qui concerne l’informatique, ce qui est d’abord fondamental, c’est de mettre le doigt sur les fondements théoriques les plus à même de rendre des services aux apprenants, autrement dit, de les rendre autonomes. C’est vrai dans une démarche de conception de programme comme à l’occasion de l’usage d’un des très nombreux et très variés produits de l’informatique. Les quelques décennies d’enseignement de la programmation ont permis de réaliser un travail intéressant. C’est ainsi que la programmation structurée, dans les années 70, a avantageusement pris le relais d’une programmation jusque-là très intuitive et dès lors réservée à une catégorie d’individus particulièrement doués. Ce qui faisait dire à un enseignant côtoyé lors d’un séminaire et peu enclin à la réflexion didactique : « il y a ceux qui savent quoi faire et à qui nous ne sommes pas utiles et puis les autres qui ne comprendront jamais rien. ». Les réflexions menées ont permis de structurer la démarche de programmation et d’organiser son enseignement ce qui a permis de la rendre accessible à un plus grand nombre. Donc oui, la didactique de l’informatique est très spécifique et justifie son développement si on veut la rendre accessible et, oserai-je dire sympathique à un plus grand nombre.

    L’informatique que nous utilisons tous les jours a beaucoup changé en 10 ans et changera encore dans les prochaines années. Est-ce que la vitesse de ce changement est un enjeu ? Change-t-on les concepts, les méthodes ou finalement rien du tout ?

    Work found at https://en.wikipedia.org/wiki/Computer_lab  / undefined
    Work found at https://en.wikipedia.org/wiki/Computer_lab / undefined

    EV : Cette question est très importante car elle conditionne l’attitude que l’on peut avoir vis-à-vis de l’apprentissage de l’informatique et des questions numériques. En considérant que tout change très vite et en permanence, on apporte de l’eau au moulin de ceux qui prétendent que l’informatique ne s’enseigne pas, mais se pratique et qu’elle n’a pas d’essence propre. On maintient l’apprenant dans une sorte de stress permanent qui nie toute stabilité possible et l’oblige à entrer dans un processus de veille permanente. En même temps, on entretient le flou en ce qui concerne les fondements d’une discipline, voire on nie qu’elle en est une. L’autre attitude consiste à rechercher ces fondements, à regarder l’informatique dans ce qu’elle a de permanent, d’incontournable, d’essentiel. L’avantage de cette démarche est justement la recherche de la stabilité et conduit à percevoir les révolutions comme des évolutions.

    Didapro6-Didastic se veut un point de rencontre entre didacticiens et enseignants. En quoi les uns et les autres peuvent bénéficier de ce type de contacts ?

    EV : C’est un lieu commun de dire que notre enseignement s’est complexifié, que l’enseignant d’aujourd’hui doit être un chercheur, un professionnel soucieux d’adapter son enseignement à toutes les circonstances dont le monde d’aujourd’hui ne nous prive pas. Un enseignant doit être à la fois et à son niveau, un pédagogue et un didacticien. Il ne peut cependant se consacrer totalement à des recherches dans ces domaines. Rencontrer des didacticiens est donc une opportunité de faire avancer sa propre réflexion en la confrontant à celles de personnes qui s’y consacrent totalement. Par ailleurs, le didacticien doit pouvoir valider le fruit de sa réflexion et qui d’autre, sinon l’enseignant de terrain, peut l’aider à le faire avec autant de pertinence ? La richesse d’un tel colloque se mesure à la présence des uns et des autres afin d’éviter tant la dérive théorique que celle du simple partage d’expériences.

    Un autre aspect spécifique est celui de la production de ressources éducatives libres (REL). Est-ce que les enseignants en informatique sont « en avance » sur cette question ?

    EV : Il est difficile d’établir des statistiques sur ce point. Ce que l’on peut dire, sans risque de se tromper, c’est que les informaticiens possèdent, sans doute plus que d’autres, cette culture du partage, de la transparence et de la collaboration. C’est ce qui a fait et fait encore le succès du logiciel libre et de l’accès à des données ouvertes, par exemple. Le développement des ressources éducatives libres en informatique a certainement pu profiter de ces habitudes culturelles. À l’occasion de chaque innovation technologique, on peut dire que les informaticiens sont généralement ceux qui montrent la voie.

    Colin de la Higuera

    Pour en savoir plus

    • La version longue de cet entretien sera publié dans le numéro 8 de 1024 : http://www.societe-informatique-de-france.fr/bulletin/
    • Les Actes du Colloque seront en ligne dans quelques jours sur le site du colloque.
    • Les liens vers des publications plus anciennes se trouvent sur la page « Historique » du site de la conférence.
    • didapro5 s’est tenue à Clermont-Ferrand. Un résumé des actes est disponible ici.
    • Pour ce qui concerne l’enseignement de l’informatique, on peut recommander le site de l’EPI et pour toutes les questions traitant des technologies de l’information et de la communication en éducation, le portique Adjectif.
  • Disparition d’un pionnier des langages de programmation

    Le langage Algol 60 a été un des premiers langages de programmation, et a eu une importance considérable. Peter Naur a été un de ces concepteurs.  À l’occasion de son décès, Binaire a demandé à deux amis de revenir sur la contribution de Peter Naur à l’informatique. Une note biographique a été préparée par Pierre Mounier Kuhn historien des sciences. Sacha Krakowiak qui vient d’être nommé membre d’honneur de la Société Informatique de France nous parle de l’influence de Peter Naur et d’Algol sur la pensée informatique à travers des souvenirs et anecdotes. Pierre Paradinas

    Le Danois Peter Naur laisse son nom à la Backus-Naur Form, l’une de ses principales contributions à l’élaboration du langage Algol 60 et à l’étude des langages de programmation. Il reçut le prix Turing en 2005 : « for fundamental contributions to programming language design and the definition of Algol 60, to compiler design, and to the art and practice of computer programming ».

    Peu convaincu de l’existence d’une computer science, il a enseigné une discipline qu’il nommait datalogie.

    Né en 1928, Peter Naur étudia l’astronomie à l’université de Copenhague et devint assistant à l’observatoire. Un séjour à Cambridge en 1950-1951 lui permit de mener des recherches dans deux domaines qui émergeaient dans les années 1950 : la radioastronomie et la programmation d’ordinateurs (rappelons que l’équipe de Maurice Wilkes à Cambridge a publié le premier traité de programmation en 1951). Naur fait partie de cette première génération d’informaticiens qui provenaient de disciplines préexistantes, et où certains astronomes jouèrent un rôle moteur. L’astronomie le conduisit aux États-Unis, où il rencontra notamment Howard Aiken à Harvard et John von Neumann à Princeton – respectivement le dernier représentant de la filière des calculateurs programmables inspirée par Babbage et l’inventeur du concept d’ordinateur à programme enregistré.

    Rentré au Danemark, Peter Naur rejoignit à Copenhague le centre de calcul Regnecentralen, participant à la conception et à la programmation du premier ordinateur danois, Dask. Il s’intégra alors au comité international de chercheurs qui développaient un nouveau langage de programmation, bientôt baptisé Algol 60. Se passionnant pour ce projet, il devint le principal auteur du rapport décrivant ce langage – rapport présenté en 1959 au premier congrès mondial de traitement de l’information, tenu à Paris sous les auspices de l’Unesco. C’est lui qui prit la décision, vivement discutée alors, d’y inclure les procédures récursives. Collaborant avec John Backus, l’inventeur de Fortran chez IBM, il y introduisit également un procédé de notation formelle, connu depuis sous le nom de Backus-Naur Form (BNF). La BNF permettait de définir rigoureusement la syntaxe des langage de programmation et, au-delà, de les étudier et de les enseigner d’une manière formalisée.

    Dans la décennie suivante, tout en dirigeant l’Algol Bulletin et le journal scandinave BIT, Peter Naur contribua à établir l’informatique comme discipline académique au Danemark. En 1966, il inventa un mot pour la nommer : datalogie. Cette « science des données » est d’abord une réaction contre le terme computer science ; elle est plus proche de l’informatique, définie en France par un autre astronome, Jacques Arsac, comme la science des structures d’information. Naur, tout en enseignant les fondements de l’informatique, incitait vivement ses étudiants à travailler sur ses applications dans d’autres domaines. En 1969 il fut nommé professeur à l’Institut de Datalogie à l’université de Copenhague, où il passa toute la suite de sa carrière jusqu’à sa retraite en 1999, à 70 ans.

    Son insistance à distinguer sa datalogie de la computer science l’amena en 1970 à s’opposer vigoureusement à la doctrine de Programmation Structurée promue par Edsger Dijkstra et Niklaus Wirth. Tandis que ceux-ci prêchaient comment l’on devrait idéalement programmer, Naur mena des enquêtes empiriques pour observer comment l’on pratiquait la programmation[1].

    Après sa retraite, ses préoccupations se déplacèrent vers des problèmes de philosophie et de psychologie. Il exposa ses réflexions dans un article, « A Synapse-State Theory of Mental Life » (2004). Puis dans une conférence à l’ACM Turing Lecture, « Computing vs. Human Thinking »[2], concluant que « le système nerveux n’a aucune similitude avec un ordinateur ». Et que le test de Turing est à rejeter.

    Naur était profondément convaincu que le travail descriptif est au cœur de la science, beaucoup plus que la recherche des « causes ».

    [1] P. Naur, Concise Survey of Computer Methods, 1974.
    [2] http://amturing.acm.org/vp/naur_1024454.cfm ou https://www.youtube.com/watch?v=mYivRwrATTA

    Pour en savoir plus :

    Sacha Krakowiak nous parle de Peter NaurBinaire : Sacha, peux-tu nous dire comment tu as rencontré Peter Naur ?
    Sacha : En juillet 1962, je prenais mes fonctions au Bassin d’Essai des Carènes de la Marine Nationale, où j’étais chargé d’études sur des problèmes d’hydrodynamique. Quelques mois plus tard, arrivait un ordinateur Gier (construit par la société danoise Regnecentralen). Pourquoi cette machine ? Simplement parce que le directeur du Bassin, à l’époque l’ingénieur général Roger Brard, était ami de son homologue danois, qui avait lui même acquis cette machine; ils comptaient ainsi échanger des programmes d’application (ce qui fut fait). Je n’avais aucune notion d’informatique, mais je suis allé voir la machine par curiosité, et j’ai demandé comment s’en servir. On m’a alors donné un petit fascicule gris, d’allure rébarbative, intitulé « Revised Report on the Algorithmic Language Algol 60 », réalisé par Peter Naur. Je l’ai emporté chez moi et je me suis plongé dedans. Cela a été un des plus grands chocs intellectuels de ma carrière. La description du langage en BNF, et la récursivité des définitions ont été pour moi un éblouissement. Peu de temps après, j’écrivais mon premier programme. Quelques mois plus tard, j’étais responsable du service informatique du Bassin des Carènes…

    Binaire : Mais qu’est-ce qu’il y avait de si génial dans ce livre ?
    SK : Le point de départ est donc le langage de programmation, Algol 60, pour ALGOrithmic Language 1960. Peter Naur et Jørn Jensen avaient réalisé le premier compilateur du langage complet – donc un programme qui traduisait des programmes écrits en Algol 60 en code exécutable par une machine. Le Gier était équipé de ce compilateur d’Algol 60. Cette réalisation était en soi un exploit, non seulement conceptuel, mais aussi technique, car la mémoire centrale de la machine était minuscule (1000 mots de 40 bits). Il fallait 6 passes au compilateur pour transformer le programme en code exécutable. Un autre trait remarquable du Gier était son lecteur de ruban perforé, qui lisait 2000 caractères par seconde : le ruban s’échappait du lecteur à grande vitesse et était recueilli dans une corbeille placée 2 mètres plus loin ! La première passe du compilateur traitait le programme lu à la volée à cette même vitesse.

    Photo S. Krakoowiak
    Couverture du petit livre gris.Crédit Photo S. Krakowiak

    En fait, Peter Naur était venu au Bassin préparer l’arrivée de la machine, mais c’était avant ma propre arrivée, et je ne l’ai pas rencontré alors. Apparemment, il n’avait pas été impressionné par les pratiques courantes : on m’a rapporté qu’il avait parlé de «programmation de l’âge de pierre»… Il est vrai que la programmation se faisait alors principalement en assembleur.

    J’ai soigneusement gardé le petit livre gris et j’avoue qu’il m’arrive encore de m’y plonger de temps en temps. La citation de Wittgenstein qui figure en épigraphe m’avait à l’époque intrigué. En rassemblant mes bribes d’allemand scolaire, j’étais arrivé à la traduire : « Ce qui peut se dire, peut se dire clairement ; et sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence ». Cette phrase s’applique parfaitement au Rapport Algol 60.

    Une page du manuel Algol 60 à propos du "si alors sinon, et du GOTO". Photo S. Krakowiak
    Une page du manuel Algol 60 à propos du « si alors sinon, et du goto ».
    Crédit Photo S. Krakowiak

    Interview réalisé par Serge Abiteboul et Pierre Paradinas

  • Jon McCormack, codeur créatif

    Cet article est publié en collaboration avec TheConversation.

    sensiLab director, Professor Jon McCormack

    Dans le cadre des « Entretiens autour de l’Informatique« , Binaire a rencontré l’artiste et chercheur Jon McCormack, grande figure du creative coding, un courant peu représenté en France qui fait de l’informatique un moyen d’expression. Non content d’avoir ses œuvres exposées dans salles les plus prestigieuses, comme le Musée d’Art Moderne de New York, Jon McCormack est professeur d’informatique à Monash University à Melbourne, et Directeur du Sensilab. Jon McCormack parle de créativité et d’ordinateurs à Charlotte Truchet, de Binaire.

    Dans votre travail, vous vous êtes souvent intéressé à des processus génératifs. Pourriez-vous nous en décrire un exemple ?

    Oui, j’ai par exemple une exposition en ce moment à Barcelone intitulée « Fifty sisters », une oeuvre créée pour le Musée Ars Electronica. Il s’agit une série de cinquante images évolutives, créées à partir d’un modèle de la croissance des plantes. A la base, j’ai choisi d’utiliser des logos de compagnies pétrolières. J’ai repris des éléments géométriques de ces logos, qui viennent nourrir le modèle de développement. Ensuite, j’utilise une grammaire, un ensemble de règles qui modélisent l’évolution d’une plante – à l’origine, cette grammaire permet de représenter la structure de plantes du Jurassique. J’utilise cette grammaire dans un processus itératif qui alterne des étapes de calcul par l’ordinateur, et des choix de ma part. D’abord, à partir des logos pétroliers, l’ordinateur calcule une premier génération de plantes en appliquant la grammaire. Cela produit plusieurs plantes, parmi lesquelles je choisis celles qui me semblent les plus étranges, ou intéressantes. Et l’on recommence. C’est donc bien l’humain qui conduit l’algorithme.

    De cette façon, les plantes sont réellement constituées d’éléments graphiques des logos. Les images finales ont des structures très complexes, et elles sont calculées à très haute définition de façon à ce que l’on puisse zoomer dans les plantes et découvrir de nouveaux détails.

    C’est un sacré travail !

    Evolved plant form based on the Shell logo, part of the the Fifty Sisters series
    Plante ayant évolué à partir du logo Shell, de la série des Fifty Sisters (crédit Jon McCormack)

    Oui, en fait la partie la plus dure a été de calculer le rendu. J’avais loué une ferme d’ordinateurs, mais au bout de 24h nous nous sommes fait jeter dehors parce que nous consommions trop de temps de calcul ! Alors, nous avons installé le programme qui calcule le rendu, petit morceau d’image par petit morceau d’image, sur tous les ordinateurs inutilisés du labo, ceux de tout le monde… C’est impressionnant car la grammaire qui sert à faire les générations est très courte, elle fait 10 lignes, et elle génère pourtant des objets extrêmement complexes.

    Comment avez-vous découvert l’informatique ?

    J’ai toujours aimé les ordinateurs, depuis l’enfance. Dans mon école, il y avait un ordinateur, un seul, c’était un TRS80 de Radioshack. Personne ne voulait l’utiliser. Je l’ai trouvé fascinant, parce qu’il faisait des calculs, et qu’il permettait de générer des choses. Le TRS80 avait des graphismes très crus, mais on pouvait faire des images avec, allumer des pixels, les éteindre… D’abord, je l’ai utilisé pour dessiner des fonctions, et puis j’ai commencé à écrire mes propres programmes : je voulais voir les fonctions en 3D. Aujourd’hui, la 3D est une technique couramment utilisée, mais ce n’était pas le cas alors ! Donc j’ai programmé une visualisation 3D. Elle n’était pas parfaite, mais elle me suffisait. C’est là que j’ai compris que l’ordinateur permettait de faire des films, de l’animation, de l’interaction. Il faut dire que c’est fascinant de construire un espace et un temps qui reflètent la réalité, même si cette réflexion n’est pas parfaite.

    Est-ce qu’il y a aujourd’hui des nouveaux langages artistiques basés sur les données numériques ou l’algorithmique ?

    C’est une question difficile. Je ne crois pas que l’ordinateur soit accepté, en soi, dans le courant dominant de l’art contemporain (« mainstream art »). Il y a des résistances. Par moment, le monde de l’art accepte l’ordinateur, puis il le rejette. Je ne pense pas que l’on puisse dire que les ordinateurs soient devenus centraux dans la pratique artistique. Mais je crois que l’informatique a ouvert des possibilités artistiques, qu’elle apporte quelque chose de réellement nouveau. C’est un peu comme le bleu. Autrefois, on ne savait pas fabriquer la couleur bleue. Dans l’histoire de l’art, la découverte du bleu a été un évènement important. C’était une question scientifique, un vrai problème technologique. Lorsque l’on a commencé à le fabriquer, le bleu était cher. Dans les peintures du début de la Renaissance, on ne l’utilisait que pour les personnes très importantes.

    Pour moi, l’ordinateur suit un chemin similaire à celui du bleu. C’est vrai dans l’art pictural mais aussi dans la musique, le cinéma, l’architecture…

     

    Fifty Sisters at the Ars Electronica Museum, April 2013
    Jon McCormack devant l’exposition Fifty Sisters au musée Ars Electronica, avril 2013 (crédit Jon McCormack)

    Pensez-vous que les artistes doivent apprendre l’informatique ?

    Je ne le formulerais pas de façon aussi stricte. Je ne dirais pas qu’ils en ont besoin, qui est un terme trop fort, mais qu’ils devraient. Au delà des artistes d’ailleurs, tout le monde devrait apprendre au moins un peu d’informatique. C’est indispensable pour comprendre le monde, au même titre que les mathématiques ou les autres sciences.  C’est important d’ajouter aux cursus la pensée algorithmique et la programmation. Et cela ouvre de nouvelles possibilités pour tout le monde, comme aucun autre medium ne le fait.

    Est-ce que le code créatif est une activité similaire à la programmation classique, ou différente ?

    Je crois que c’est juste un outil pour la créativité, car toutes les activités créatives ont été numérisées. C’est lié à ce que nous disions tout à l’heure : les gens qui travaillent dans le design, la musique ou l’architecture, utilisent l’ordinateur tout le temps, même si ce n’est que pour éditer des fichiers.

    Prenons l’exemple de Photoshop. C’est un outil fabriqué par d’excellents développeurs, qui y ont ajouté d’excellentes fonctionnalités. Mais ce sont leurs fonctionnalités. Quand on l’utilise, on n’exprime pas ses idées, mais les leurs. Et tout le monde fait la même chose ! Dès lors, la question devient : voulez-vous exprimer votre créativité, ou celle de quelqu’un d’autre ?

    Ici nous avons un projet en cours d’examen avec l’Université de Sydney pour enseigner le code créatif aux biologistes. Ils ont de gros besoins en visualisation de données statistiques, et ils utilisent en général des outils dédiés très classiques comme Excel ou le langage R. Mais l’outil a une énorme influence sur ce que l’on fait et la façon dont on perçoit les choses. Nous voulons leur apprendre à fabriquer leurs propres outils.

    Tout le monde devrait apprendre le code créatif : les ingénieurs, les biologistes, les chimistes, etc. !

    Dans le futur, quelle technologie vous ferait vraiment rêver ?

    Pour certains projets, nous avons eu ici des interfaces avec le cerveau. Pendant longtemps, la conception des ordinateurs s’est faite sans considérer le corps humain. On accordait peu d’importance au fait que nous sommes incarnés dans un corps. Regardez le clavier ! Maintenant, on a les écrans tactiles.

    La question est maintenant de concevoir des machines qui fonctionnent avec nos corps. Regardez les travaux de Stelarc sur l’obsolescence du corps humain. Il s’agit de se réapproprier la technologie. Alors que l’on voyait l’ordinateur comme un outil externe, le corps devient un outil d’interaction. C’est le même principe que la cane pour les aveugles : au début, quand on a une cane, on la voit comme un objet externe. Mais on peut l’utiliser pour tester une surface par exemple, ou pour sentir un mur. Elle devient une extension du corps. Je pense que l’on peut voir la technologie comme extension du corps humain.

    Entretien réalisé par Charlotte Truchet 

    Image of the artwork "Bloom" at Kelvin Grove Road, QUT Creative Industries Precinct.
    Photographie de l’oeuvre Bloom installée à Kelvin Grove Road, QUT Creative Industries Precinct (crédit Jon McCormack)
  • Les maths pour aider notre planète

    À quoi servent les mathématiques ? Il faut évidemment rappeler que  « […] le but unique de la science, c’est l’honneur de l’esprit humain et […] sous ce titre, une question de nombres vaut autant qu’une question de système du monde »

    Mais cela ne les empêche pas de nous aider aussi au quotidien et il y a bien peu de secteurs de l’activité humaine dont elles soient absentes. C’est particulièrement vrai pour la compréhension de notre environnement : climat, économie, géologie, écologie, science spatiale, régulation démographique, politique mondiale, etc.

    breves de maths
    Aller sur le site

    Le livre collectif Brèves de maths (Éditions Nouveau Monde) illustre, de façon accessible, la variété des problèmes scientifiques dans lesquels la recherche mathématique actuelle joue un rôle important. Cet ouvrage propose une sélection des meilleures contributions du projet Un jour, une brève de l’initiative internationale Mathématiques de la planète Terre.

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    Antoine Rousseau est chercheur et consacre une partie de son activité à la médiation scientifique.
  • Langue et Langages

    Langages de programmation et langues naturelles. Le néophyte est un peu perdu. Il n’est pas certain que l’informaticien ait vraiment réfléchi aux liens, aux différences. Maurice Nivat, un des grands pionniers de l’informatique, nous livre quelques réflexions sur le sujet. Il en dégage des pistes intéressantes pour l’enseignement de l’informatique aux enfants. Serge Abiteboul.

    Il est bien connu que l’informatique a donné naissance à une étonnante quantité de langages de programmation, il y en a des milliers et je pense qu’il en apparaît toujours de nouveaux.

    Après bien des hésitations, des décisions ministérielles récentes vont faire que ces langages, du moins certains d’entre eux, fassent l’objet d’un enseignement pour les élèves du second degré et, avec eux bien sûr, la programmation ou l’art d’écrire dans ces langages des textes baptisés programmes qui permettent de faire réaliser des actions par des machines électroniques. Les programmes décrivent des façons de faire que l’on appelle des algorithmes d’un mot un peu barbare mais ancien puisqu’il apparaît dès le treizième siècle.

    Clair de Lune, Verlaine.
    Votre âme est un paysage choisi
    Que vont charmant masques et bergamasques
    Jouant du luth et dansant et quasi
    Tristes sous leurs déguisements fantasques.
    Tout en chantant sur le mode mineur
    L’amour vainqueur et la vie opportune
    Ils n’ont pas l’air de croire à leur bonheur
    Et leur chanson se mêle au clair de lune,
    Au calme clair de lune triste et beau,
    Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres
    Et sangloter d’extase les jets d’eau,
    Les grands jets d’eau sveltes parmi les marbres.
    Quicksort, Anonyme
    …  if(first<last){
    pivot=first;
    i=first;
    j=last;
    while(i<j){
    while(x[i]<=x[pivot]&&i<last)
    i++;
    while(x[j]>x[pivot])
    j–;
    if(i<j){
    temp=x[i];
    x[i]=x[j];
    x[j]=temp; }  } 

    On peut difficilement programmer si l’on n’a pas une idée précise de l’algorithme qu’il s’agit de décrire, comme il est difficile de parler si l’on ne sait pas quoi dire. Et pour avoir une idée de l’algorithme que l’on va programmer il est nécessaire d’avoir un but clairement défini et de savoir de quels moyens on dispose. La prolifération des langages de programmation vient de ce qu’il y a beaucoup de façons de décrire un algorithme comme il y a beaucoup de façons d’exprimer quelque chose que l’on veut dire, beaucoup de langages, c’est dire de systèmes de notation possibles, dans lesquels on peut écrire et aussi de nombreuses écritures possibles dans un même langage.

    Je bondis toujours quand je lis, dans des manuels d’informatique, que le corrigé de l’exercice n°17 page 234 est « le » programme suivant, l’exercice consistant à écrire un programme pour décrire un petit algorithme décrit tant bien que mal en français augmenté de quelques formules plus ou moins mathématiques en Python ou ce que vous voudrez. C’est aussi absurde que le serait de dire qu’il y a un seul texte en français décrivant une situation donnée ou rendant compte de faits observés. Il ne faut pas enseigner longtemps la programmation pour se rendre compte qu’à un tel exercice, les élèves peuvent apporter les réponses les plus diverses et parfois toutes exactes. La correction des copies rendues s’apparente plus à celle des compositions françaises par le professeur de français qu’à celle d’un devoir de math et peut se révéler cauchemardesque pour le prof, tout en apparaissant assez arbitraire à l’élève.

    Dans la plupart des manuels c’est avec les premières lignes écrites dans un langage de programmation que commence l’apprentissage de l’informatique et de la programmation et je pense que c’est grand dommage car les élèves, quels qu’ils soient, ont commencé à utiliser des programmes bien avant, quand ils ont appris à compter, à faire des additions et multiplications et aussi les règles de phonétique et de grammaire permettant de lire à haute voix un texte écrit en français ou d’écrire sous la dictée. Ces programmes que les enfants apprennent (non sans mal souvent) dès le CP à l’âge de six ans sont écrits en français, seul langue ou langage qu’ils connaissent, et décrivent soit des algorithmes simples comme celui de l’addition soit des algorithmes très complexes comme celui de l’orthographe.

    En fait les enfants ont dans la tête quantité d’algorithmes, plus ou moins précis, plus ou moins bien décrits, appris, connus, en français ou dans quelque chose de très près du français, un français élémentaire avec des ajouts de vocabulaire tenant au domaine dans lequel se situe l’algorithme, qui peut être celui du comportement en général, de la vie sociale, du jeu, du sport, de matières scolaires.

    En commençant l’enseignement de l’informatique par la présentation d’un langage de programmation artificiel, on donne l’impression que l’informatique est un domaine nouveau, quelque peu ésotérique, concernant les ordinateurs et eux seulement, ce qui est méconnaître que la recherche d’algorithmes pour faire ceci ou cela, avec les moyens qu’on a, est une activité que tout le monde pratique et ce depuis sa plus tendre enfance.

    Dire qu’apprendre la programmation c’est apprendre à « coder » est une absurdité, le premier codage que l’on apprend c’est la langue maternelle qui n’est qu’un code, au sens strict, faisant correspondre, de façon très arbitraire (il y en a quand même plusieurs milliers dans le monde), des mots à des objets, des actions, des gestes, des sensations, des sentiments, des idées.

    L’enfant est déjà habitué à toutes espèces de restrictions, distorsions, extensions de sa langue maternelle pour répondre aux divers besoins de communication rapide ou secrète ou de dénominations d’objets et d’actions liés à des activités ou des situations particulières qui ne sont pas dans le dictionnaire. Il a déjà senti qu’il y a des façons de dire l’histoire, ou la géographie, ou la science, ou la littérature qui ne sont pas les mêmes, même s’il est incapable de préciser en quoi ces façons diffèrent. On lui a même appris à se servir d’un dictionnaire plus ou moins encyclopédique et de divers livres de classe pour y rechercher et éventuellement trouver des informations en réponse à des questions qu’on lui pose ou qu’il se pose.

    Je pense qu’il serait de bonne pédagogie de construire les connaissances de l’informatique qu’on cherche à donner aux enfants sur ce savoir. Il s’agit aussi bien de la connaissance explicite de quelques algorithmes, que de celle, diffuse, de beaucoup d’autres, en s’appuyant sur leur expérience déjà vécue des niveaux de langue, des changements de sens des mots et de phrases quand on change de contexte ou de type de discours.

    Le problème de savoir dire en français, dans la langue de tout le monde ce que fait l’informatique, ce qu’est un algorithme, ou comment marche un programme déborde largement le cadre de l’enseignement dans les écoles, lycées et collèges.

    La diffusion souhaitable d’une culture informatique à tous les jeunes scolarisés mais aussi tous les citoyens a pour but de permettre à tous de se diriger et se comporter dans un monde où le travail humain est inextricablement mêlé à celui de très nombreuses machines au sein de systèmes complexes dont le bon fonctionnement repose sur des algorithmes de plus en plus nombreux et sophistiqués. Le but de l’enseignement de l’informatique au plus grand nombre qui n’écrira jamais de programme autre que jouet est de faire comprendre ce mouvement d’informatisation galopante, de démythifier la machine et de rendre familiers les algorithmes, ces curieux objets qu’on ne voit jamais (comme les nombres), que nous utilisons tout le temps sans souvent nous en rendre compte et qui cependant de plus en plus nous gouvernent.

    Il s’agit surtout de pouvoir parler, dans notre langue, en français, de l’informatique comme on peut parler de cuisine, de jardinage, de bagnoles, de football sans être cuisinier, jardinier, constructeur de voiture ou joueur professionnel.

    Maurice Nivat

    Une version plus longue est disponible.

  • Concours Castor informatique 2015

    Concours castorLa semaine prochaine, du 14 au 21 novembre, se déroule le concours Castor informatique ! L’édition 2014 avait touché plus de 220 000 élèves ! L’édition Française est organisée par l’association France-ioi, Inria et l’ENS Cachan, grâce à la contribution de nombreuses personnes. Ce concours international est organisé dans 36 pays. Plus de 920 000 élèves ont participé à l’épreuve 2014 dans le monde.

    Les points à retenir, le concours est :

    • entièrement gratuit ;
    • organisé sur ordinateur ou sur tablette sous la supervision d’un enseignant ;
    • il dure 45 minutes ;
    • entre le 14 et 21 novembre 2015, à un horaire choisi par l’enseignant ;
    • avec une participation individuelle ou par binôme ;
    • aucune connaissance préalable en informatique n’est requise.

    Nouveautés 2015 :

    • Ouverture aux écoles primaires : le concours est désormais ouvert à tous les élèves du CM1 à la terminale !
    • Niveau adaptable : chaque défi est interactif et se décline en plusieurs niveaux de difficultés pour accommoder les élèves de 9 à 18 ans.

    Il est encore temps de s’inscrire pour les enseignants (vous pouvez le faire jusqu’au dernier jour, même si nous vous conseillons d’anticiper).

    En attendant, ou si vous n’êtes plus à l’école, vous pouvez vous amuser à tester les défis des années précédentes depuis 2010, et en particulier les défis interactifs de 2014 !

    Sylvie Boldo, Arthur Charguéraud, Mathias Hiron et Françoise Tort

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  • Le professeur devenu doyen

    Dans le cadre des Entretiens autour de l’informatique, Binaire interviewe Zvi Galil, doyen en informatique au « Georgia Institute of Technology » aux USA après une carrière de professeur et chercheur en algorithmique, complexité, cryptographie et conception expérimentale d’algorithmes. Il nous parle de la haute administration dans le monde universitaire et du développement des MOOCs. Claire Mathieu et Maurice Nivat.

    Zvi Galil
    Zvi Galil

    B : Vous avez été doyen de l’école d’ingénierie à l’université de Columbia, président de l’université de Tel-Aviv, et, maintenant, doyen de l’informatique à Georgia Tech. Comment êtes-vous passé du statut de professeur et chercheur renommé à la haute administration ?
    ZG : Quand j’étais directeur de département à l’Université de Columbia, je pouvais faire cela et continuer à faire de la recherche dans le même temps. Mais il y a eu un moment charnière en 1995, quand on m’a demandé d’être le doyen de l’ingénierie à Columbia. J’ai hésité. Je savais que si je disais oui, ce serait un changement de carrière. Je me rendais compte que cela signifierait pour ma recherche. Ce fut une décision importante pour moi : dans les années 1990, j’étais classé numéro un pour les publications aux conférences FOCS et STOC (*). Même en n’y ayant plus rien publié depuis 1995, je suis toujours le numéro huit. De plus, j’adore faire de la recherche avec les étudiants en doctorat, ils sont comme des membres de ma famille. Je me lie d’amitié avec eux. Il y en a certains qui sont devenus des amis très proches. Ainsi, c’était un choix difficile. Je me posais également la question : ai-je atteint le sommet de ma carrière de chercheur ? En 1995, j’étais âgé de quarante-huit ans. Je me disais que j’avais atteint le sommet, et je savais que la qualité de mon travail de recherche allait diminuer. L’informatique théorique est un domaine extrêmement concurrentiel, et vous devez rester au courant des dernières évolutions. Mes principaux domaines de recherche sont les algorithmes de graphes et la ”Stringologie” (terme que j’ai inventé). Ces travaux ont eu un certain impact, et certains des résultats sont encore actuellement les meilleurs. Mais d’un autre côté, il y avait  cette occasion qui se présentait d’être un leader du monde universitaire, d’être un doyen. Cette perspective m’intéressait aussi. Une chose qui est bien quand on est directeur ou doyen, c’est l’interaction avec de nombreuses personnes dans de nombreux contextes différents, et, pour ma part, de par mon caractère j’aime interagir avec les gens. Lorsque vous êtes doyen, vous essayez d’améliorer votre école. Finalement, je décidai de répondre oui. Et, pendant que j’y ai été doyen, l’école d’ingénierie de l’université de Columbia est passée du rang 31 au rang 19.

    B : Quelles nouvelles idées avez-vous eu en tant que leader universitaire ?
    ZG : Tout d’abord, l’enseignement est très important pour moi. Dans une université, un doyen n’a pas besoin de dire à la faculté que la recherche est importants, car c’est évident pour tout le monde, mais cela n’est pas vrai en ce qui concerne l’enseignement. J’insistais donc beaucoup sur l’enseignement. À Georgia Tech, j’ai fait augmenter le taux de participation des étudiants aux enquêtes, jusqu’à environ 75% de participation, et l’enseignement s’est amélioré. Les trois quarts des cours sont maintenant évalués au dessus de 4.17, dans un intervalle de 1 à 5 ! J’ai eu une influence sur l’enseignement en invitant les mauvais enseignants dans mon bureau pour une conversation …

    Et puis, lorsqu’on est doyen, quelquefois on veut emmener son unité dans de nouvelles directions. À l’Université de Columbia, j’ai joué un rôle dans la création d’un nouveau département d’ingénierie biomédicale. À Georgia Tech, nous développons l’apprentissage machine. Je me rends compte que c’est une sous-discipline très important de la science informatique. Mais tout cela est initié par les professeurs. Moi, je parle aux gens et j’écoute leurs idées. Il faut une certaine humilité pour cela.

    B : Et lorsque vous, personnellement, avez une opinion sur une certaine direction de recherche qui vous semble importante, comment faites-vous pour convaincre les universitaires d’aller dans cette direction ?
    ZG : En tant que doyen, ma tâche principale est de recruter des gens. Les professeurs sont ceux qui décident qui embaucher. Pour collaborer avec les directeurs de département, je gagne leur confiance, et ensuite je peux à mon tour leur faire confiance. Par exemple, en ce moment aux États-Unis l’informatique est dans une situation de boom incroyable, tout le monde embauche partout, alors il est très difficile de recruter d’excellents candidats, car ils obtiennent plusieurs offres, et ils vont parfois à de meilleurs endroits. À Georgia Tech, les directeurs de département choisissent de n’embaucher personne plutôt que quelqu’un qu’ils n’ont pas vraiment aimé, ils préfèrent attendre et me font confiance pour leur redonner le poste l’année suivante.

    Par l’enseignement de cours en ligne (MOOCs), nous apprenons de nouveaux aspects de ce que la technologie peut faire pour aider à l’éducation.

     Cours en ligne sur l'apprentissage automatique de Georgia Tech. Capture d'écran.
    Cours en ligne sur l’apprentissage automatique de Georgia Tech. Capture d’écran.

    Un Mastère en ligne

    B : Comment le Mastère en ligne a-t-il commencé à Georgia Tech?
    ZG : À Georgia Tech, nous avons la tradition de faire des choses que personne n’a jamais faites auparavant. La dernière en date est le programme de Mastère en ligne. En Septembre 2012, cela faisait peu de temps que les MOOCs existaient, Sebastian Trun est venu me voir et m’a fait une suggestion : faisons un diplôme de Mastère pour un coût de mille dollars. J’ai répondu, mille dollars, ça ne marchera pas,  mais peut-être que quatre mille dollars pourraient suffire. En fin de compte, le diplôme coûte six mille six cents dollars. Même en France, un tel diplôme pourrait être intéressant parce que, même si les frais de scolarité sont très faibles en France, cela permettrait d’économiser de l’argent public. J’ai adoré cette idée. Il y avait là une occasion d’innover. Je savais aussi que ce serait une direction d’avenir pour l’enseignement supérieur. Donc, je me suis jeté à l’eau, et maintenant j’apprends à nager !

    Quelqu’un a dit deux choses au sujet des MOOCs : qu’ils sont comme une œuvre philanthropique venant d’universités d’élite, et que, tant qu’il n’y a pas de référence pour les MOOCs, ils sont comme une sorte d’éducation de deuxième classe pour la plèbe.  Personnellement, je considère les MOOCs comme des sortes de manuels sophistiqués. Mais les gens veulent des diplômes, des références, et c’est pourquoi nous avons créé un Mastère. Je prévoyais que les médias allaient réagir, mais nous avons été totalement dépassés par l’ampleur de la réaction. Le premier groupe d’étudiants terminera en décembre. Parmi eux, beaucoup ont déjà des emplois, et après avoir obtenu ce diplôme certains d’entre eux vont déjà obtenir une promotion. Vingt-quatre des étudiants sont déjà titulaires d’un doctorat et veulent peut-être une réorientation de carrière. Jusqu’à présent, tout se passe très bien.

    B : Quel a été votre plus grande surprise à propos de ce Master en ligne à ce jour?
    ZG : Tout d’abord, le degré d’investissement des étudiants. Ils utilisent des réseaux sociaux tels que Google+ ou Facebook, beaucoup plus que les étudiants sur le campus, pour étudier, interagir et s’aider les uns les autres. Nous avons maintenant près de 2300 étudiants inscrits. Un défi majeur est d’obtenir des correcteurs et des assistants d’enseignement. Je croyais que nos étudiants en ligne ne seraient pas intéressés par ces emplois parce les assistants d’enseignement sont peu payés par rapport à leur emploi principal, et  parce qu’ils sont déjà très occupés. Mais si, ils le font, parce qu’ils aiment l’interaction, et ils aiment bien rendre service ; ils ne font pas ça pour l’argent ; ils le font pour donner en retour de ce qu’ils ont reçu. Ce programme permet d’attirer des gens différents des étudiants classiques, y compris beaucoup qui ne s’inscriraient pas à un Mastère traditionnel parce que ça coûte trop cher, mais de leur point de vue ce n’est pas un diplôme de Mastère mais  plutôt une formation continue. Ils ont onze ans de plus que les étudiants classiques, et nous avons donc atteint une population différente, qui n’empiète par sur le programme de Mastère classique sur le campus. Pour le moment, la plupart sont des étudiants des USA, mais à mesure que le temps passe, le Mastère va devenir plus international.

    Ainsi, nous nous sommes jetés à l’eau, c’est une nouvelle expérience, et nous sommes nous-mêmes en phase d’apprentissage. Nous sommes surpris par ce qu’on peut accomplir avec la technologie. Par exemple, quelqu’un a dit qu’il pensait que les discussions qui ont normalement lieu en classe ne se produiraient pas en ligne. Mais en fait, il se trouve que le contexte en ligne fonctionne bien pour les discussions. Notre devise est : l’accessibilité grâce au faible coût et à la technologie. Nous ne savons pas encore où la technologie nous emmènera.

    B : À quoi les MOOCs ne peuvent-ils pas servir ?
    ZG : Initialement il y a un très grand nombre d’étudiants, mais la plupart d’entre eux abandonnent et ne reçoivent pas de diplôme. Cela ne fonctionne que pour ceux qui sont extrêmement motivés.

    Nous sommes l’université

    B : Y a-t-il autre chose que vous souhaitiez ajouter ?
    ZG : Je crois en la communauté universitaire. Une université, c’est une communauté de professeurs, d’étudiants, de parents, de personnels. Tout le monde doit avoir droit à la parole. Dans la haute administration, nous ne sommes pas obligés de faire ce qu’ils nous disent, mais nous avons l’obligation de les écouter. En 1948, quand Eisenhower est devenu le président de Columbia, il a dit aux professeurs : « Vous autres, membres du corps professoral, êtes les employés de l’université ». I.I. Rabi (prix Nobel) a levé la main et a dit: « M. le Président, nous autres professeurs ne sommes pas les employés de l’université ; nous sommes l’université. » Et c’est un point de vue auquel j’adhère.

    Claire Mathieu et Maurice Nivat

    (*) Deux conférences sélectives et prestigieuses en informatique théorique.

  • C’est la fête !

    logo_fete_de_la_science_459382Depuis 24 ans maintenant, durant toute une semaine, la science est à la fête partout en France. Avec plus d’un million de visiteurs, 7000 chercheurs impliqués et un foisonnement d’animations, d’expositions, de débats et d’initiatives originales, partout en France et pour tous les publics, la Fête de la science est une occasion de découvrir le monde des sciences et de rencontrer des scientifiques. Les sciences du numérique ne sont pas en reste, avec les multiples initiatives proposées par les établissements de recherche comme par exemple celles du CNRS et ou celles d’Inria que Marie-Agnès Enard a choisi de vous inviter à découvrir.

    Bordeaux – Sud Ouest : Circuit scientifique bordelais

    Dans le cadre du Circuit scientifique bordelais, les structures d’enseignement supérieur et de recherche et leurs laboratoires ouvrent leurs portes du 5 au 9 octobre, en proposant des ateliers ludiques aux élèves du primaire à l’université. C’est l’occasion de venir découvrir le monde passionnant de la recherche et les activités des scientifiques dans de nombreuses disciplines. Au centre Inria Bordeaux – Sud-Ouest, chercheurs et ingénieurs accueilleront les élèves de tous les niveaux et de toute l’académie pour leur transmettre leur passion pour les sciences du numérique. Pour vous inscrire, suivez le lien.

    Grenoble – Rhône Alpes  : Portes ouvertes aux lycéens !

    Inria Grenoble ouvre ses portes aux lycéens les 8 et 9 octobre pour une immersion dans le monde des sciences du numérique. Au programme : parcours de visite augmentée du centre de recherche, découverte de plateformes d’expérimentations, habitat intelligent, capture et modélisation de formes en mouvement, initiation aux notions de l’informatique par des activités ludiques sans ordinateurs, cryptologie et protection de messages, dialogue avec les scientifiques sur des problématiques de société.

    Lille – Nord Europe  : Chercheurs itinérants

    Les scientifiques du centre de Lille interviendront dans les établissements scolaires (collèges et lycées) de la Métropole lilloise, du lundi 05 au vendredi 16 octobre 2015. Au programme : réalité virtuelle, programmation objet, imagerie de synthèse, intelligence artificielle… un partage de connaissances sur des sujets qui les passionnent et enrichissent d’ores et déjà notre quotidien.Une manière pour nos chercheurs de communiquer sur leur métier, leurs thématiques et d’échanger avec des élèves afin d’enrichir leur perception de la recherche. Un partage de connaissances sur des sujets passionnants qui enrichissent notre quotidien.

    Nancy – Grand Est  : Artem fête la science

    Scientifiques et médiateurs du centre vous donnent rendez-vous sur le site d’Artem les 9 et 10 octobre prochain, pour une approche plurielle de la science, où informatique rimera avec ludique !  Au programme : robots humanoïdes, informatique sans ordinateur, jeu de société, reconnaissance d’images, envolées de drones, numérique et santé,… Manifestation co-organisée par Mines Nancy, le LORIA, l’Institut Jean Lamour et GeoRessources, avec le soutien d’Inria Nancy – Grand Est.

    Paris – Rocquencourt  : L’eau, future énergie verte ?

    Le centre Paris – Rocquencourt s’associe à la fête de la science Sorbonne Universités qui souhaite mettre en avant cette année le travail des scientifiques qui étudient le climat sous tous ses aspects. Du 9 au 11 octobre, l’équipe Ange du centre vous dira tout sur la dynamique des vagues, la houle, les énergies alternatives et vous propose une conférence sur le thème : Nouvelles vagues, de la simulation numérique à la conception.

    Rennes – Bretagne Atlantique  : Programme ton robot !

    Le centre Inria Rennes – Bretagne Atlantique sera présent au Village des sciences de Rennes du vendredi 9 au dimanche 11 octobre 2015, au Diapason sur le Campus Universitaire de Beaulieu. A cette occasion, nos scientifiques vous proposeront de créer un programme sur ordinateur puis de le tester sur un robot. Plusieurs épreuves ou défis seront proposés selon trois niveaux de difficulté permettant une acquisition progressive du langage de programmation.

    Saclay – Ile de France  : Parcours ludique à la découverte des sciences du numérique

    Le centre de recherche Inria Saclay – Ile-de-France ouvre ses portes vendredi 9 et samedi 10 octobre et invite petits et grands à la découverte des sciences du numérique au travers d’animations ludiques reflétant l’interaction entre l’informatique, les mathématiques et les autres sciences. Au programme, plusieurs ateliers animés par les chercheurs du centre : découverte des secrets de la cryptographie, bio-informatique ludique, initiation aux bases de données, introduction à la programmation et aux robots, exploration du cerveau, et plongée au cœur d’un réseau.

    Sophia Antipolis – Méditerranée  : Explorez les sciences du numérique ! 

    Les scientifiques et médiateurs du centre invitent tous les publics, petits et grands  à venir découvrir les sciences du numérique au travers d’approches concrètes et ludiques. Une programmation riche et variée vous attend à Antibes Juan-Les-Pins, Montpellier et La Seyne sur Mer les 10 et 11 octobre ainsi qu’ à Vinon-sur-Verdon le 17 octobre. Au programme : Maths de la planète Terre, traitement d’images, graphes et algorithmes, manipulations, coding goûters, initiation à la robotique, jeux de société, activités débranchées, tours de magie… Du 5 au 9 octobre, les scientifiques d’Inria interviendront également dans des lycées, un moment privilégié pour dialoguer avec les jeunes et débattre sur des thématiques ciblées, mais aussi pour parler de leur métier de scientifique tel qu’ils le vivent. Enfin nos chercheurs interviendront également dans les médiathèques de la communauté d’agglomération de Sophia Antipolis.

    Nous vous souhaitons une belle semaine festive et scientifique ! Vous pouvez d’ailleurs partager vos découvertes sur Twitter en suivant le compte @FeteScience et son mot-dièse #FDS2015 ou sur Facebook.

    Marie-Agnès Enard

  • Class’Code… c’est parti !

    Former 300 000 éducateurs, animateurs, enseignants pour que ceux-ci puissent demain utiliser le code informatique dans leurs activités devant les enfants et les adolescents, c’est le défi fou de Class’Code. Faire aussi qu’apprendre à programmer ne soit pas une fin en soi mais un moyen de s’approprier vraiment le monde numérique : ils sont totalement fous !  A Binaire, nous sommes fans de Class’Code*. Nous croyons en ce projet d’une importance considérable pour la France. Nous vous tiendrons régulièrement informé de ses avancées. Serge Abiteboul.


    L’introduction du numérique à l’école doit s’accompagner pour réussir de la formation des enseignants et d’éducateurs de qualité. Cette formation est l’objectif du projet Class’Code qui a été lancé le mardi 15 septembre.  Le projet est piloté par Inria, et soutenu par le Programme d’Investissements d’Avenir.

    Class’Code s’est donné comme défi de former, dans les 5 prochaines années, 300 000 éducateurs, animateurs et enseignants, celles et ceux qui vont avoir à éduquer au numérique les prochaines générations.

    Pour y arriver, le projet a regroupé des compétences de tous types : sociétés professionnelles de l’informatique et du numérique, acteurs de l’éducation populaire et de la médiation numérique, entreprises spécialisées dans la formation des enfants ou dans la production de MOOCs, régions, organismes de recherche et de l’enseignement supérieur… Ce sont ainsi plus de 20 partenaires qui travaillent ensemble !

    Class’code en portraits (1)

    Valérie est également Madame la Maire de Villeneuve-les-Bois. Elle a été convaincue de l’intérêt d’enseigner l’informatique en périscolaire. Elle a demandé à deux employés municipaux  qui gèrent des activités périscolaires dans la commune de suivre la formation Class’Code. Devant l’intérêt des parents (et surtout des enfants), elle a également recruté une animatrice supplémentaire : le fait que celle-ci ait suivi une formation reconnue la rassure.

    Pour former à une telle échelle, Class’Code va construire ce qui sera le plus important dispositif de formation hybride jamais mis en place :

    • Un ensemble de formations en lignes dont le principal support est la vidéo, permettant à chacun de suivre gratuitement les cours.
    • Un dispositif à l’échelle nationale permettant à chacun de s’intégrer dans un groupe local d’éducateurs qui vont se rencontrer régulièrement pour s’entraider, ajouter des activités de terrain à leur apprentissage en ligne, bénéficier de l’expérience supplémentaire de certains animateurs aguerris ou de professionnels de l’informatique (techniciens, ingénieurs, chercheurs, étudiants, enseignants), faire le lien entre les connaissances et les sujets de société dans lesquels le numérique joue un rôle primordial.

    Class’code en portraits (2)

    Kevin est employé par la Mairie de Villeneuve-les-Bois. Il intervient dans les écoles, sur le temps périscolaire. L’idée d’animer un atelier sur « le code » lui semblait intéressante, mais il ne savait pas par où commencer. Il a suivi Class’Code et réussit aujourd’hui à parler de création, de technologie, d’applications et de sciences informatiques à des enfants de 10 ans… qui adorent ça !

    L’ambition de ce projet va reposer sur beaucoup de pragmatisme, énormément de volonté, et un certain nombre de principes essentiels :

    • L’équité territoriale, un enjeu majeur et difficile. Pour éviter une possible fracture numérique demain, il convient aujourd’hui d’être attentif à ce qu’équipements et compétences atteignent toutes les banlieues, toutes les campagnes.
    • Le code comme point de rencontre de la science informatique, la technique et la société. A Class’Code, nous pensons résolument que le numérique, pour être compris, et pour ne pas faire peur, doit être abordé à travers la science et la technologie et non seulement par l’étude de ses usages ou l’analyse de ses conséquences.
    • L’informatique, comme support à une éducation ouverte. Proche des préconisations du Conseil National du Numérique, Class’Code va s’appuyer sur une pédagogie participative : le jeu, le partage, la découverte, la création… autant de leviers qui doivent trouver leur place dans la formation des éducateurs avant d’atteindre celle des enfants. Le code n’a aucune raison d’être rébarbatif. Ce n’est ni un gadget ni une fin en soi ; c’est un support privilégié pour acquérir les compétences en partageant le plaisir.
    • Le soutien des informaticiens et des professionnels du numérique (étudiants, élèves, techniciens, ingénieurs). En France, énormément de personnes, d’entreprises exercent dans leur métier l’informatique ou l’étudient… Ils ont, depuis longtemps, exprimé leur envie de contribuer à la formation de la jeunesse. Leurs entreprises, les écoles, universités et laboratoires de recherche sont souvent membres de réseaux, de fédérations, de collectifs qui ont adhéré à Class’Code et sont prêts à soutenir son action.

    Class’Code en portraits (3)

    Amine est animateur depuis 2 ans auprès d’un organisme d’éducation populaire. On lui a proposé la formation Class’Code pour devenir animateur en informatique. Il a dit oui, est vite devenue opérationnel et intervient déjà plusieurs fois par semaine auprès d’enfants de 7 à 10 ans. Il bénéficie de l’aide de Paule, ingénieure en informatique, qui lui explique les choses qui lui paraissaient trop compliquées et intervient parfois auprès de lui devant les enfants.

    • La création de ressources éducatives libres. Un enjeu majeur, mis en avant à la fois par l’UNESCO et l’OCDE est de rendre les objets du savoir librement accessibles. Le projet Class’code s’y est engagé : cela permettra, au-delà du projet, au-delà de la géographie, à d’autres initiatives de réutiliser, réadapter le matériel créé et de le partager.
    • Une démarche prenant en compte les enjeux de genre. Aujourd’hui encore, l’un des deux genres a peu accès à l’informatique. Si l’on est de ce genre, il est beaucoup plus difficile de se voir proposer les enseignements qui permettent d’avoir accès aux métiers du numérique, qui sont pourtant parmi ceux qui permettent aujourd’hui, mais surtout demain, d’exercer des emplois bien rémunérés, modernes, passionnants. Les obstacles sont nombreux et il est évident que Class’Code ne les fera pas tomber tous. Mais nous nous engageons à être vigilants sur ces questions, à remettre en cause régulièrement nos actions.

    Class’code en portraits (4)

    Paule travaille dans une entreprise du numérique. Son entreprise a été convaincue de l’intérêt de l’opération et lui a libéré du temps pour qu’elle suive le MOOC de Class’Code. Elle est ainsi devenu facilitatrice : elle contribue à la formation des animateurs et enseignants en expliquant, mais aussi en ajoutant des éléments de fond dans les débats concernant l’impact du numérique. Au début, Paule pensait n’avoir rien à apprendre car elle était informaticienne… Mais elle a vite vu qu’expliquer cela aux enfants n’était pas si simple : maintenant, elle accompagne Amine quand son emploi du temps le lui permet dans les ateliers périscolaires qu’il gère.

    Les prochaines étapes

    Grâce à un coup de pouce financier de la Région des Pays de la Loire et au soutien de la région PACA, le projet a pu se mettre en marche avant sa signature institutionnelle. Cela permet aux équipes de construire les premiers MOOCs, de mettre en place les premières infrastructures pour lancer des expérimentations dès le printemps 2016 et ouvrir les inscriptions pour la première formation à l’automne 2016.

    Class’code en portraits (5)

    Najat est Ministre de l’Éducation. Elle a compris que les ressources éducatives libres produites par Class’Code étaient susceptibles d’être réutilisées, réadaptées pour la formation des enseignants de l’Éducation Nationale. En suivant Class’Code, les enseignants peuvent non seulement se former au numérique en s’appuyant sur des connaissances scientifiques et technologiques, mais également suivre un MOOC et donc expérimenter cette nouvelle forme d’apprentissage !

    L’équipe opérationnelle de Class’Code: Camila, Camille, Claude, Colin, Daniela, Florent, Guillaume, Martine, Romain, Sophie, Thierry,  …

    Pour aller plus loin

    • Le projet Class’code. Il est possible, sur le site, de s’inscrire pour être informé(e), proposer de participer, d’aider à animer un territoire, une formation, etc.
    • Les Flots ou MOOCs (massive open online course) en anglais.
    • Les ressources éducatives libres et les positions de l’UNESCO et de l’OCDE.
    • Les questions de genre dans le secteur du numérique

    Les partenaires de Class’code. Autour de la Société informatique de France, se retrouvent unis avec Magic Makers, porté par Inria, associant OpenClassrooms, La Main à la pâte, Pasc@line, Simplon.co, Les Petits Débrouillards, la fédération des Pupilles de l’Enseignement Public, Atelier Canopé des Alpes-Maritimes, les régions des Pays de la Loire et PACA, les universités de Evry, Côte d’Azur, Nantes, et Franche-Comté, le CIGREF, l’AFDEL, en lien avec le CNAM, l’université d’Orléans, la médiathèque d’Antibes, l’initiative jecode.org, France-IOI, et ce n’est pas fini…

    (*)Label PIA Class’Code est soutenu -sous le nom de MAAISoN- au titre du Programme d’Investissements d’Avenir dont la Caisse des Dépôts est opérateur.

     

     

     

     

     

  • Je ne suis pas informaticienne

    Il n’est jamais trop tôt pour bien faire. Et l’informatique n’y fait pas exception. Elle est arrivée au lycée, mais cela aura pris le temps. Binaire s’intéresse à des expériences de la découverte de l’informatique à l’école primaire. Isabelle Glas nous parle d’une initiation en Île-de-France sur le temps périscolaire. Sylvie Boldo

    Je ne suis pas informaticienne. Mon créneau, c’est la communication, l’événementiel et la gestion administrative. Recrutée en 2013 par le Labex DigiCosme* pour animer le réseau et mettre en œuvre ses activités, je me suis retrouvée parachutée dans l’univers parallèle et insoupçonné des chercheurs en informatique.

    Lorsque j’ai abordé ce nouveau secteur (pensez abordage, le sabre au clair et l’âme prête au au combat), il me paraissait évident que tout le monde se préoccupait d’enseigner l’informatique aux générations futures. L’omniprésence des technologies numériques, la virtualisation des échanges, l’introduction de programmes dans tous les produits issus de l’industrie (voitures, montres, télévisions…) semblaient amplement justifier qu’on se préoccupât de munir les jeunes français(e)s d’un bagage minimum en informatique. De fait, je fus stupéfaite de découvrir l’ampleur et la durée du combat mené par les chercheurs de la discipline pour imposer cette conviction et inscrire l’informatique dans les programmes depuis les classes de primaire jusqu’aux cursus des écoles d’ingénieurs (voir http://www.epi.asso.fr).

    Par « informatique » , entendez la science et, dans un premier temps, la programmation. Il ne s’agit pas de développer à tout prix le parc numérique des écoles et de remplacer les encyclopédies papier par Wikipédia, mais d’inculquer aux enfants les bases de l’algorithmique. L’objectif est de leur laisser entrevoir la complexité des programmes derrière le lissé des interfaces, mais de façon telle qu’il ne se sentent pas intimidés par cette complexité. Pour ceux qui n’ont jamais programmé, la tâche semble insurmontable, magique, comme si l’apprentissage du code nécessitait un rite initiatique assorti d’un sacrifice à quelque déité païenne. En réalité, la programmation obéit à des bases très simples que tout le monde peut s’approprier, à condition de les apprendre et de les pratiquer. Plus que toute autre discipline, l’art de la programmation est question de rigueur, d’habitude, de réflexe. C’est l’une des raisons pour lesquelles il faut s’y prendre tôt.

    Une bonne occasion a été donnée au Labex DigiCosme d’œuvrer pour l’initiation à l’informatique des plus jeunes avec la réforme des rythmes scolaires de 2013 et l’instauration des fameux Temps d’Activités Périscolaires (TAP). Un peu de pragmatisme ne faisant pas toujours de mal, pourquoi ne pas investir ces plages horaires et profiter du « temps de cerveau disponible » pour instiller un peu d’informatique dans les chères têtes blondes et brunes ?

    Le plan a très vite fonctionné. Plusieurs chercheurs et ingénieurs volontaires (souvent parents eux-même) se sont manifestés pour participer au projet, proposer des activités et se rendre dans les écoles pour encadrer des séances. Une ébauche de programme a rapidement vu le jour, faisant appel aux outils pédagogiques crées par les chercheurs de France et du monde entier (laby, ressources pixees, concours Castor, scratch). Côté institutionnel, il n’a pas été très difficile de susciter l’intérêt de Mairies et d’établissements, séduits par le concept éducatif (et peut-être le caractère bénévole de l’animation).

    Laby

    Copie d’écran du logiciel Laby

    Cela nous mène au centre de loisirs du parc de la grande maison à Bures-sur-Yvette, l’après-midi du mercredi 27 mai 2015. Nous nous étions mis d’accord avec la Mairie pour venir tester certaines activités avec des groupes d’enfants du CE2 au CM2. Nous étions trois, Mathias Hiron (président de France-IOI), Christine Paulin (professeur à l’université Paris-Sud) et moi-même, entourés par l’équipe d’animation du centre. Le programme était divisé en deux ateliers : une partie « Castor » encadrée par Mathias Hiron et une partie « découverte de la programmation » menée par Christine Paulin et moi, centrée sur l’utilisation de Scratch Junior. Nous avions dans notre besace des tablettes flambant neuves, des castors savants et autres animaux virtuels, ainsi qu’une unité centrale et un téléphone hors d’usage prêts à exhiber leurs entrailles électroniques pour satisfaire la curiosité des enfants.

    La participation des enfants à l’activité était volontaire, dans la limite du nombre de participants que nous pensions pouvoir gérer sans nous laisser déborder. 18 enfants se présentèrent, ce qui était légèrement plus que prévu mais constituait une belle victoire sur le soleil qui brillait ce jour là avec insolence. Informatique 1 – balle aux prisonnier 0 ! Si l’un des enfant pensait qu’il allait être question de fusées, je suis raisonnablement sûre que la plupart d’entre eux avaient au moins une vague idée de ce dont il allait être question.

    Neuf enfants suivirent Mathias Hiron jusqu’aux sièges colorés au fond de la salle pendant que Christine Paulin et moi prenions en main le reste de l’effectif. L’idée était de s’échanger les groupes en cours de route. Je ne ferai pas le compte-rendu de l’atelier Castor – disons simplement que les enfants en sont sortis ravis.

    De notre côté, nous commençâmes, comme il se doit, par le début, c’est-à-dire une discussion pour tester les connaissances de notre public et établir une définition de l’ « ordinateur ». Qu’est-ce qu’un ordinateur, après tout ? Qu’est-ce qui le différencie le smartphone et le PC de la machine à laver ? Les enfants se montrèrent très réactifs sur ce thème déjà familier et la conversation permit assez facilement d’identifier les caractéristiques de l’ordinateur (pluralité des tâches, etc.). En récompense, les participants eurent le plaisir de découvrir l’intérieur d’une unité centrale et d’un téléphone portable, démontés à leur intention par l’équipe du LRI. L’étape suivante eut moins de succès et le questionnaire prévu sur les entrées (saisie clavier, clics de souris…) /sorties (affichage, son…) ne suscita qu’un intérêt modéré.

    Apparemment, il est déconseillé d’aborder trop de concepts dans une même séance. Les enfants purent se reposer devant un petit film sur les algorithmes présenté par les Sépas, des extraterrestres pas très futés qui ont grand besoin de s’instruire.

    Pour la suite, nous avions prévu de jouer au « Robot idiot », grand classique des activités débranchées. Le jeu consiste à demander à un enfant de guider un camarade hors d’un labyrinthe en lui fournissant des instructions précises et exhaustives. Tel un robot exécutant un programme, l’enfant guidé doit suivre exactement les instructions, sans en corriger les insuffisances – la finalité étant de montrer que l’origine des « bugs » se trouve dans les programmes. L’activité était conçue pour que les participants construisent d’abord l’algorithme à l’aide de flèches directionnelles dessinées sur des cartons avant de passer à la mise en situation. Il fut toutefois difficile d’obtenir la dichotomie théorie / test, les enfants apparaissant nettement plus attirés par l’aspect  jeu de rôle que par la réflexion sur le processus. Nous assistâmes cependant à de mémorables interprétations de R2D2.

    Pour finir en beauté et emporter définitivement l’adhésion de notre public, nous pouvions compter sur « l’effet tablette ». La technologie a cet étrange pouvoir de transformer les enfants fatigués et agités en chérubins sages et motivés (si-si). Nous vîmes même des enfants sacrifier leur pause pour profiter plus longtemps de Scratch junior. Malgré leur empressement, les enfants se montrèrent très civils dans le partage du medium afin que chaque membre du groupe puisse en profiter.

    Scratch (et son dérivé utilisable sur tablette, Scratch junior) est l’un des outils les plus connus en matière d’initiation ludique à l’informatique. Conçu par le MIT, il permet d’élaborer des animations en programmant les actions de personnages et objets placés dans un décor au choix de l’utilisateur (plusieurs paysages sont proposés, en ville, à la campagne, sur la lune ou sous l’océan…). Les commandes de programmation sont matérialisées par des briques (avancer, tourner, agrandir …) à associer pour faire bouger chaque élément.

    Scratch Junior

    Exemple de création, © MIT et les enfants de Bures-sur-Yvette

    L’application connut un grand succès auprès des enfants qui demandèrent même le lien pour la retrouver en ligne. La prise en main étant très intuitive, notre groupe n’eut pas de mal à s’approprier les fonctions de base suite à une simple (et courte) démonstration des principaux outils. Ravis par les horizons ouverts à leur créativité (notamment les outils interactif permettant d’enregistrer sa voix, de colorier les personnages), les enfants s’emparèrent immédiatement du jeu pour proposer les scénarios les plus variés et réaliser des créations, parfois très esthétiques.

    L’expérience fut moins concluante sur l’aspect algorithmique. Peu d’élèves s’intéressèrent aux fonctions plus avancées, la majorité préférant se servir des éléments immédiatement utilisables. C’est toutefois ce qui fait l’ingéniosité de Scratch : les outils plus complexes apparaissant lorsque l’utilisateur souhaite créer des animations plus riches, c’est l’imagination qui sert de guide à l’apprentissage. Jamais bloqués dans leur élan, les enfants viennent eux-même s’informer sur les concepts lorsqu’ils deviennent nécessaires à leur création.

    Dans notre cas, la grande faiblesse du dispositif résidait dans l’impossibilité de télécharger les projets pour les stocker hors des tablettes (option possible avec Scratch sur PC). Très fiers de leur(s) projet(s), nos informaticiens en herbe auraient aimé pouvoir les retrouver pour les montrer à leurs parents. A défaut, nous eûmes le privilège d’assister à des démonstrations itératives de chauves souris en vol et d’atterrissage de fusées au fond de la mer.

    À la fin de l’après-midi, fourbus mais heureux, nous fûmes récompensés par une petite voix qui nous demanda avec espoir « mais alors, vous revenez quand ? ».

    Isabelle GLAS, chargée de projets communication et formation, Labex DigiCosme

    (*) Le Laboratoire d’Excellence Digicosme est un projet financé par les Investissements d’Avenir qui fédère les laboratoires en informatique de 11 établissements et instituts de recherche de l’Université Paris-Saclay.

  • Code Week 2015, ça roule !

    Plusieurs initiatives aident à comprendre les fondements de l’informatique. Le Castor Informatique pour les élèves, l’heure du code pour les jeunes de tous âges, et l’initiative européenne de la semaine du code, juste après la Fête de la Science qui fêtera aussi la Science Informatique.

    logo-codeweekOn repart donc pour une semaine de festivités autour de l’initiation à la programmation, de concert avec tous les autres pays européens, du 10 au 18 octobre 2015. C’est l’occasion de permettre à chacune et chacun, de ma garagiste à mon fleuriste, de comprendre cette informatique qui a généré notre monde numérique. Le comprendre ? Oui, de manière concrète : on s’amuse a créer un petit objet numérique en le programmant pour expérimenter et s’approprier les notions plus abstraites de cette nouvelle science. Et on devient ainsi une personne éclairée sur ces sujets.

    Bienvenue à toutes les bonnes volontés en lien avec Rendez-vous sur le site Code Week France et sur la mailing-liste grâce à ce formulaire. Les hashtags à suivre serontles suivants : #codeweek2015 #codeFR.

    Thierry Viéville.

  • L’isoloir : un jeu numérique, sérieux mais pas rasoir

    Expliquer le numérique : vaste programme. Évidemment, le numérique peut aider. Tralalère, Inria, Universcience, Les Atomes Crochus et Traces ont unis leurs forces pour proposer un jeu numérique sérieux, l’Isoloir. Ils le racontent à Binaire. Serge Abiteboul.

    L’Isoloir se présente sous la forme d’une machine à voter qui permet « d’exprimer une opinion », puis de se documenter afin « d’approfondir des choix » et « de formuler des propositions » de lois éclairées. L’isoloir propose aussi un document pédagogique permettant de préparer avec la classe des sujets de réflexion citoyenne, en utilisant des documents préparés à cet effet. L’Isoloir considère 5 grands enjeux de la citoyenneté numérique:  liberté d’expression, identité numérique, éducation au numérique, gouvernance d’internet, géolocalisation.

    L’exemple de l’identité numérique.

    Commençons par …voter. Quelle est notre opinion initiale sur ce sujet ? C’est en découvrant les options possibles que nous entrons dans le sujet :

    isoloir-1Une fois ce choix exprimé, comment aller plus loin ? Il faut se documenter sur le sujet :

    isoloir-2Qu’était la notion d’identité avant Internet ? Qu’est-ce qu’Internet a changé ? La prise recul va enrichir notre opinion :

    isoloir-4Nous sommes alors en mesure de faire évoluer notre opinion initiale ou au contraire de mieux l’argumenter, de discuter avec les autres joueurs sur ces sujets, voire de proposer des choix de société :

    isoloir-3Voici comment, en jouant collectivement en présentiel ou en ligne, nous pouvons enrichir notre vision citoyenne sur des sujets, ici des sujets liés au numérique.

    Charlotte Barrois de Sarigny, Fabienne Baudin, Marie-Hélène Comte, Pascale Garreau, Ronan James, Sophie De Quatrebarbes, François Rigaud, Thierry Viéville.

    Contenu repris de pixees.fr
    En savoir plus :

     


  • L’informatique privée d’ordinateur

    « L’informatique sans ordinateur », c’est le titre d’un article de Baptiste Mélès que je vous encourage à lire, dans Images des Mathématiques, une revue du CNRS. Et Baptiste d’enfoncer le clou dès l’incipit : « L’informatique a la fâcheuse réputation d’être la science des ordinateurs. » Il y aurait une informatique sans ordinateur ? Pire, les ordinateurs lui feraient-ils de l’ombre ?

    Baptiste raconte l’informatique sans ordinateur à travers trois exemples :

    • Internet par pigeons voyageurs. Baptiste nous explique comment Internet fonctionne. Surtout, il nous explique que ce fonctionnement est indépendant de l’ordinateur et pourrait être réalisé… avec un dispositif de papier, d’encre et de pigeons.
    • La recherche d’un mot dans un dictionnaire. Il nous présente un algorithme « diviser pour conquérir », qu’un humain peut réaliser tout autant qu’un ordinateur.
    • La programmation sur papier. Il nous montre comment écrire des programmes en UML, un langage qui n’exige aucun ordinateur, qui permet à des êtres humains de spécifier des algorithmes, de collaborer entre eux, d’échanger des idées, même s’ils vont utiliser au final des logiciels très différents.

    L’article de Baptiste est important parce qu’il s’attaque à la confusion que beaucoup font entre ordinateur et informatique.

    Le mot « informatique » est tellement plus juste que computer science – la science des ordinateurs ! Reprenons la définition du texte de la Société Informatique de France :

    L’informatique est la science et la technique de la représentation de l’information d’origine artificielle ou naturelle, ainsi que des processus algorithmiques de collecte, stockage, analyse, transformation, communication et exploitation de cette information, exprimés dans des langages formels ou des langues naturelles et effectués par des machines ou des êtres humains, seuls ou collectivement. L’informatique : la science au cœur du numérique

    L’informatique n’est pas juste la science des ordinateurs. Depuis Turing, des chercheurs en informatique le montrent dans des résultats éblouissants aux frontières des mathématiques. Les enseignants le découvrent également aussi, notamment en primaire, à travers « l’informatique débranchée » (CS unplugged) Les élèves apprennent loin de tout ordinateur, autour de jeux, les notions au cœur de l’informatique, comme l’information et sa communication, les algorithmes et les ressources qu’ils demandent.

    Et pour conclure, j’emprunterai une phrase de Baptiste : « Si l’ordinateur est l’objet informatique par excellence, c’est simplement parce que les concepts et méthodes informatiques y sont mobilisés de façon massive — mais non de façon exclusive. »

    Serge Abiteboul Inria

    En savoir plus ? Beaucoup d’activités débranchées sont présentées sur pixees.fr :

    Introduire la notion de complexité pour classer les problèmes, et la recherche de solution optimale ou approchée ? Il suffit de trouver le plus court chemin avec une … planche à clou ! En savoir plus.
    ©Inria et pixees.fr
    Faire découvrir la cryptographie sous forme de jeux aux plus petits ? Il suffit de deviner comment passer un message secret avec une clé secrète alors que … tout le monde voit tout ! Essayer de trouver vous aussi. En savoir plus.
    ©Image des maths. Le vidéo est une coproduction Tralalère, XD Production et Universcience.
  • Vous savez quoi ? « Girls Can Code! »

    ÉducationTu ne seras pas forcément informaticienne, ma fille, mais la programmation informatique sera un sujet que tu maîtriseras dans ce monde devenu numérique : vazy !

    C’est un stage gratuit pour apprendre à coder, comprendre les bases de l’informatique, et rencontrer d’autres personnes motivées à ne pas uniquement consommer, mais aussi co-construire le monde numérique. Un stage de programmation entre collégiennes et lycéennes du 24 au 29 août à Paris. Grâce à France-IOI et Prologin.

    Et quelqu’un (un mec, sûrement) va dire «mais pourquoi devraient-« elles´´ avoir un traitement particulier ?» … n’est ce pas l’aveu d’une dissymétrie ? Oui : une dissymétrie de la société [1].  Et dès qu’on se donne les moyens de ne pas créer cette dissymétrie, comme dans le cadre du concours Castor Informatique (avec 46% de filles), ou d’aider à la corriger [2] comme le fait cette initiative, alors les choses bougent.

    Concrètement: Il est encore temps de s’inscrire: il suffit de remplir le formulaire sur gcc.prologin.org avant le 1er août. Le stage est entièrement gratuit et ouvert à toute fille née en 1995 ou après et qui n’est pas encore détentrice du baccalauréat.L’organisation prend en charge la restauration et l’hébergement à l’hôtel, mais pas les frais de transport jusqu’au lieu de stage. D’ici le stage, il est utile de se créer un compte sur France-ioi et se laisser guider par les exercices.

    Serge Abiteboul et Thierry Viéville.

    [1] Collet, Isabelle (2011). Effet de genre, le paradoxe des études d’informatique, TIC & Société, [En ligne], 5(1)

    [2] Le MOOC Égalité Femmes-Hommes pour aider à comprendre et faire changer les choses à ce sujet

    Note: Binaire essaie de ne pas sombrer dans le monde très masculin des sciences en ouvrant ses articles à un grand nombre d’amies. Au delà la journée des droits de la femme (Bonne fête des Meufes !, L’informatique: pour nous, les femmes!), on s’y interroge sur ce sujet (Où sont les femmes ?, Barbie est moins conne qu’on le dit) et parle bien volontiers de (Et un, et deux, et trois femmes Prix Turing !La pétulante Grace HopperLa visionnaire Ada Lovelace).

     

  • Lire, compter, coder…

    Une excellente émission à podcaster sur l’enseignement de l’informatique. La question est souvent posée sur les antennes mais les vrais sujets sont rarement abordés comme ils le sont ici. Enfin, une vision réaliste, optimiste sans cacher les problèmes lourds ! Un discours positif qui reconnait les vraies avancées, un discours positif sur les profs des écoles, collèges et lycée, en accord avec ce que je connais, et qui fait plaisir à entendre. Serge Abiteboul.

    Du grain à moudre : Lire, compter, coder… bientôt le triptyque de la rentrée scolaire?
    avec

    • Sophie Pène, Professeur à l’Université Paris Descartes, membre du Conseil National du numérique,
    • Gilles Dowek, mathématicien, logicien et informaticien, chercheur et directeur de recherche à Inria,
    • Stéphie Vincent, Directrice association CoDEV « Accroître par le numérique le pouvoir d’agir »
  • Science informatique dites vous ? Deux revues et un blog à votre service.

    Il est important que, des actrices et acteurs … aux utilisateurs et utilisatrices du numérique, nous partagions une culture en sciences du numérique, pour comprendre et maîtriser les technologies qui en sont issues.

    Pour concrétiser ce partage avec le monde de la recherche, la Société Informatique de FranceInria et le CNRS proposent deux revues et un blog : profitons-en !

     

    logo-1204

    1024 ? Une revue pour les professionnelles et les professionnels du monde de l’enseignement, de la recherche et de l’industrie de l’informatique qui permet de découvrir les différentes facettes de cette science.

     

    logo-interstices)I(nterstices ? La revue de culture scientifique en ligne qui invite à explorer les sciences du numérique, à comprendre ses notions fondamentales, à mesurer ses enjeux pour la société, à rencontrer ses acteurs et actrices.

     

    logo-binaireBinaire ? Le blog du monde.fr qui parle de l’informatique, de ses réussites, de son enseignement, de ses métiers, de ses risques, des cultures et des mondes numériques.

     

  • Enseignement de l’informatique pour les humanités et les sciences sociales

    A binaire, nous pensons que l’informatique concerne tout le monde. C’est pourquoi ces journées de la SIF autour de l’enseignement de l’informatique pour les humanités et les sciences sociales nous paraissent particulièrement importantes. Serge Abiteboul, Thierry Vieville.

    logo-sif

    Inscriptions ouvertes !
    23 & 24 juin 2015 à Paris, CNAM
    Enseignement de l’informatique
    pour les humanités et les sciences sociales

    la SIF organise deux journées pédagogiques sur le thème de « L’enseignement de l’informatique pour les humanités et les sciences sociales ».

    Quelques points abordés :

    • État des lieux, en France et à l’étranger
    • Quelle informatique nécessaire aux humanités, sciences sociales ?
    • Approches pédagogiques et didactiques pour enseigner l’informatique aux humanités et sciences sociales
    • Humanités numériques
    • Formation des professeurs des écoles à l’informatique

    Information complémentaire, programme et inscription (gratuite pour les adhérents de la SIF) à partir de la page dédiée à l’événement societe-informatique-de-france.fr/enseignement/j-pedago/j-pedago-2015/

    ou auprès d’Olivier Baudon <olivier . baudon @ labri . fr>.

  • Dit-on ordinatorus et ἰνφορμάτικα ?

    Le débat sur le collège ne peut pas se résumer à ce qu’on enlève. Il convient également de voir ce qui va arriver. Colin de la Higuera nous en parle ici en prenant un peu de hauteur et en regardant au delà de nos frontières. Thierry Viéville.

    La très sérieuse Chaîne Parlementaire nous résume les clés du débat sur la réforme du collège et distingue en première position la question du latin. Les autres sujets essentiels sont ensuite discutés, et, surprise, la question de la place de l’informatique, et de façon plus générale la formation aux nouvelles technologies ne semble intéresser personne, ni du côté des politiques, ni de celui des journalistes. Ces gens n’ont-ils pas le problème de tous les parents, c’est-à-dire celui de se demander si l’école ne pourrait pas contribuer à ce que nos enfants trouvent un emploi plus tard et apprennent à bien vivre dans la future société ?

    En effet, tout laisse penser que notre société est en pleine mutation, que les digital natives (qu’il convient d’appeler aujourd’hui les enfants du numérique) ne sont en aucun cas des surdoués qui savent tout de façon innée. La numérisation de tous les métiers et de tous les aspects de notre vie n’est pas sur le point de s’arrêter. Il ne s’agit pas simplement de savoir utiliser ses deux pouces pour taper un message : il s’agit d’avoir eu la formation adéquate permettant de comprendre les concepts et de pouvoir ainsi, sur la base d’acquis solides, s’adapter aux technologies sans cesse mouvantes et devenir un acteur de la société de demain.

    C’est d’ailleurs pour cette raison qu’autour de nous tous les pays prennent la question à bras le corps et introduisent l’informatique en tant que discipline, qu’elle s’appelle Computer Science, Informatik ou Informática [1].

    http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/11/Pompeii-couple.jpgFemme tenant des tablettes et un stylet (Pompéi, Ier siècle)
    http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Pompeii-couple.jpg#/media/File:Pompeii-couple.jpg

    En France, le Conseil Supérieur des Programmes a également choisi d’introduire, à différents endroits, l’enseignement de l’informatique : celle-ci serait bientôt enseignée dès le collège, avec une initiation à certains aspects dès le primaire et l’opportunité de découvrir le codage dans le cadre périscolaire. Un enseignement d’une vraie discipline. Mais d’une discipline qui est elle-même pluridisciplinaire.

    Si tout n’est pas parfait [2], il parait important de ne pas résumer la réforme du collège à la baisse du niveau en latin ou à un débat concernant la préservation du programme de telle ou telle discipline. Cette réforme pourrait être celle par laquelle nos enfants se prépareront au monde numérique, à en devenir acteurs plutôt qu’à le subir et pourront aspirer aux emplois de demain et à devenir des citoyennes et citoyens éclairés sur ces sujets.

    Colin de la Higuera.

    [1] La PEEP, fédération de parents d’élèves, vient justement de prendre fermement position sur cette question

    Voir aussi : Françoise en Angleterre , Françoise en Inde , Françoise en Israël , Françoise en Bavière, où comment Binaire nous fait découvrir comment les jeunes des autres pays se forment au monde de demain.

    [2] Pourquoi regretter l’absence d’une discipline informatique ?  Uniquement parce que les enseignants ne seront pas complètement formés à ce nouveau domaine, comme on forme aujourd’hui les enseignants des autres matières.

  • Il était une fois l’Internet

    Elodie Darquié & Maryse Urruty préparent un spectacle dont un premier extrait sera présenté à Pas Sage en Seine en juin 2015. Elles veulent expliquer Internet aux enfants. Intrigué, Binaire a demandé à Valérie Schafer d’aller se renseigner. Elle nous invite à suivre le travail d’Elodie et Maryse.François Hollande détaillait il y a quelques jours le plan pour le numérique à l’école, qui passe notamment par des équipements mobiles à destination des collégiens, des outils et ressources pédagogiques, la formation des personnels et une réflexion sur l’enseignement de l’informatique au lycée ou celui de la programmation à l’école. Relevant d’ambitions qui, si elles peuvent être complémentaires, n’en poursuivent pas moins des objectifs et approches très différentes entre familiarisation aux environnements numériques et découverte de la science informatique, cette réflexion politique prend acte et stimule par le haut des initiatives qui prennent corps depuis plusieurs années sur le terrain. Elles sont ainsi pensées au sein des milieux scientifiques (voir les échanges au sein de ce blog ou de la Société informatique de France sur l’enseignement de l’informatique), du corps enseignant, ou encore dans le cadre d’associations et de projets qui œuvrent à développer l’appétence des jeunes pour l’informatique ou les littératies numériques (coding goûters, ateliers comme ceux de Magic Makers, association L’enfant @ l’hôpital, etc.)

    Au sein de ces initiatives variées et stimulantes, celle de Maryse Urruty et Elodie Darquié a un positionnement original, à rebours de certains discours qui voient dans l’équipement, la pratique et la manipulation, la meilleure (voire la seule) façon d’éveiller la curiosité des plus jeunes au numérique. « Nous avons aussi choisi le spectacle vivant pour privilégier l’interaction avec le public. Nous voulons parler de technologies que nous percevons à travers des écrans dans un rapport direct avec les spectateurs. Passer par des personnages nous aide à créer une nouvelle relation entre le public et la technologie », explique Maryse. « En général, on traite du numérique avec des formats et une esthétique assez technologiques. Nous, nous avons choisi de parler de technologie avec un format très ancien : un récit conté », complète Elodie.

    Accueillies en résidence à l’Agora de Nanterre, dans le cadre du festival Nanterre Digital, leurs premières représentations de Il était une fois l’Internet sont prévues pour octobre 2015. Au cœur du spectacle destiné aux 8-12 ans, il y a le voyage de leur héroïne Data au sein du réseau des réseaux. Ces jeunes diplômées de Science Po Toulouse ont trouvé leur inspiration dans Il était une fois la vie mais aussi dans une culture éclectique, ancrée dans son temps. Elles mentionnent en vrac : Alain Damasio, the Lego movie, Terry Pratchett, C’est pas Sorcier, Mario Kart, XKCD, Benjamin Bayart, la légende de Korra, Claude Ponti, Child of Light, la Trilogie des Fourmis. Elles ont su combiner leurs expériences et passions : celle de Maryse pour le théâtre, celle d’Élodie pour le numérique, mais aussi la médiation scientifique qu’elle a pu découvrir chez Inria. C’est d’ailleurs de cette dernière expérience et en particulier de celle du jeu Datagramme que leur est venue l’envie de développer en complément un jeu sur plateau qui œuvre comme le spectacle à matérialiser Internet. Car ce sont bien les aspects matériels et les réalités technologiques des couches basses du réseau qui sont au centre de cette découverte et des ateliers associés : il s’agit de suivre la charmante et amoureuse Data dans la boite noire, dans les coulisses de l’Internet, un parcours « dans les tuyaux » que ne renierait pas Andrew Blum.

    vs.1Les moyens pour faire pénétrer les enfants dans cet univers technologique complexe de manière ludique et pédagogique sont pensés jusque dans les moindres détails. « Les images sont animées, mais subtilement, pour ne pas monopoliser l’attention des spectateurs. Nos principales sources d’inspiration sont les gif et le gif-art » explique Elodie, tandis que Maryse ajoute: « Le visuel est lent et répétitif comme un motif qui laisse la narration libre et la complète selon les besoins de chaque spectateur. Nous cherchons également à créer une ambiance sonore, entre un cocon musical et les bruits des machines ».

    Il était une fois un monde merveilleux dont les routes étaient faites de lumière... On l'appelait l'Internet. © Elodie Darquié & Maryse Urruty (CC-BY-NC-ND)
    Il était une fois un monde merveilleux dont les routes étaient faites de lumière… On l’appelait l’Internet.
    © Elodie Darquié & Maryse Urruty (CC-BY-NC-ND)

    En attendant de découvrir un extrait du spectacle à Pas Sage en Seine en juin 2015, on a envie de souhaiter tous nos vœux de succès à ce projet pour plein de raisons.

    D’abord, il pose la question difficile des matérialités, des matériels, des infrastructures et considère les environnements numériques dans leur globalité et non uniquement par leur face visible et la manipulation. Il communique aux enfants le goût pour les infrastructures. (Et pour les parents, nous conseillons un autre artiste, le génial John Oliver, hilarant et passionnant quand il vous parle de Neutralité de l’Internet ou encore d’infrastructures).

    Et puis, le projet est ambitieux. Il combine le spectacle vivant, des ateliers et du jeu. Un  « Guide du Routeur” est distribué aux spectateurs. Ce livret explicite les références du conte et les recontextualise par exemple en parlant des datacenters ou du routage, via une Pirate box (un dispositif créant un petit réseau wifi autour de lui pour partager librement des fichiers).

    Enfin Maryse et Elodie nous offrent une merveilleuse réponse en récit et images aux questions que se pose la recherche sur les Temps et temporalités du Web, que résume en quelques mots Maryse : « Le conte c’est un genre qui va chercher du côté de l’enfance, du merveilleux et du fantastique. Il nous a permis de façonner un univers complet dans lequel nous pouvions recréer des interactions entre les personnages, et un nouveau rapport au temps. L’histoire du spectacle ne dure en réalité qu’une milliseconde, mais dans notre monde imaginaire, nous prenons le temps de vivre chacune des péripéties de Data, notre héroïne, à une vitesse compréhensible par nos spectateurs ».

    Une parenthèse de poésie, un peu de « slow science », une cyberflânerie ; que tout cela est  bienvenu !

    Valérie Schafer, ISCC, CNRS/Paris-Sorbonne/UPMC

    Note : L’activité pédagogique qui recrée le voyage de Data s’appuiera sur des ordinateurs offerts par le collectif Emmabuntüs et l’association « Les Amis d’Emmabuntüs ». Elodie et Maryse collaborent  également avec l’Electrolab, le plus grand  hackerspace d’Europe basé à Nanterre, où elles fabriquent une partie de leur scénographie et de leur matériel pédagogique.