Catégorie : Actualité

  • De bonnes raisons d’aller à Intelligences Numériques 2014

    diLa 1ère conférence internationale consacrée aux cultures et à la société numériques se tient à Nantes du 17 au 19 septembre 2014. Digital Intelligence 2014 /Intelligences numériques 2014  #di2014. Marie-Agnès Énard, responsable communication Inria, nous donne de bonnes raisons d’aller à DI2014. Une raison supplémentaire : Marie-Agnès a toujours raison.
    Serge Abiteboul

    Communicante dans un centre de recherche en informatique, cernée par des scientifiques passionnés, curieuse de cultures numériques et de productions artistiques, je découvre l’annonce sur la Toile de DI2014. J’épluche consciencieusement le pré-programme, j’essaie tous les liens du très beau site de la conférence. J’en arrive à l’évidence que je veux absolument y aller et que j’aimerais aussi vous convaincre de m’y retrouver.

    Voici donc mes 5 bonnes raisons :

    1. Tout est dans le titre : Intelligences numériques. Durant 3 jours, des chercheurs, des artistes, des étudiants d’horizon et de disciplines différents vont échanger, partager et mixer leurs savoirs pour enrichir collectivement le domaine des cultures numériques. Et le plus incroyable c’est qu’ils nous invitent à y participer. En effet le public visé couvre un large éventail de métiers ou de centres d’intérêt ; du sociologue à l’entrepreneur, en passant par l’urbaniste ou le community manager. Même la responsable de la communication que je suis y trouvera son compte.

    2. Parmi les 11 thématiques qui sont proposées et qui font échos à des sujets d’actualités et de débats au sein de notre société, il y en a forcément un ou plusieurs qui vous touche ou vous interpelle :

    • Données
    • Humanités numériques
    • Biens communs numériques
    • Villes intelligentes
    • Arts numériques
    • Littérature numérique
    • Web social
    • Interactions homme-machine
    • Culture et pratiques numériques
    • E-learning
    • Sécurité, vie privée et identité numérique.

    3. Jetez un œil à la liste des personnalités qui sont aux commandes de cet évènement : présidents de programme, coorganisateurs, conférenciers, coordinateurs thématiques, membres du comité de programme… Vous avez en face de vous ce qui se fait de mieux dans le domaine des cultures numériques.

    4. DI2014 s’inscrit dans le cadre de la semaine du numérique planifiée sur Nantes avec une programmation très riche. Ce sera l’occasion de participer à la 13ème édition du festival des cultures électroniques et des arts numériques Scopitone2014 dont je vous invite à aller voir le Best Of 2013 en vidéo. Durant 3 jours, nous pourrons nous immerger dans les cultures numériques avec délectation.

    5. Mon dernier argument est plus personnel. Je pense qu’il faut encourager, soutenir, participer et marquer notre intérêt pour ce type de manifestation pluri- et interdisciplinaire autour des cultures numériques.  Cette première édition se passe sur le territoire français ; l’édition 2015 sera à Québec. Encourageons les deux universités à l’initiative de cet évènement, Nantes et Laval (Québec), à atteindre l’objectif ambitieux annoncé de « fertiliser les échanges et les frictions créatives »

    A présent, il faut attendre le mois de juin pour avoir le programme consolidé mais une chose est sûre, j’y serai et vous ?

    Marie-Agnès Enard

  • Le patient numérique personnalisé

    Nicholas Ayache nous parle de son cours au collège de France, « Le patient numérique personnalisé : images, médecine, informatique ». Un mariage de l’informatique et de la médecine,  l’image omniprésente. Il nous fait pénétrer dans des recherches parmi les plus avancées en imagerie médicale computationnelle. Il nous fait découvrir un aspect essentiel de la médecine de demain.

    1@Asclepios-Inria

    L’imagerie médicale computationnelle, à la croisée de l’informatique, des sciences numériques et de la médecine, a pour objectif de concevoir et développer des logiciels de traitement informatique des images médicales pour assister le médecin dans sa pratique clinique. Ces logiciels visent notamment à enrichir le diagnostic en extrayant, à partir des images médicales, des informations objectives et cliniquement utiles. Ils visent également à assister la pratique thérapeutique avec des algorithmes de planification et de simulation appliqués à un modèle numérique du patient.

    Mais avant de développer ces différents points, revenons un instant sur la nature même des images médicales, et sur les nombreux problèmes que pose leur exploitation.

    L’essor des images médicales

    Les images médicales sont aujourd’hui omniprésentes dans la pratique clinique courante et hospitalière. Outre les radiographies, quatre grandes modalités d’imagerie sont couramment utilisées : le scanner, l’IRM, l’échographie, ou la scintigraphie . Les images produites par ces quatre modalités sont volumiques : elles fournissent en chaque point du corps humain des informations mesurées dans un petit élément de volume appelé voxel, l’extension volumique du pixel.

    Il existe d’autres modalités d’imagerie du corps humain, et de nouvelles techniques émergent régulièrement. Citons par exemple l’élastographie qui permet de mesurer l’élasticité des tissus à partir d’IRM ou d’ultrasons, et l’endomicroscopie qui permet de visualiser l’architecture microscopique des cellules à l’extrémité de fibres optiques.

    La plupart des images médicales sont très volumineuses. L’image anatomique d’un organe, voire du corps entier peut contenir entre quelques millions et plusieurs centaines de millions de voxels (pixel en 3D), stockés dans d’immenses matrices 3-D de nombres. La quantité d’information augmente rapidement lorsque plusieurs images sont acquises sur un même patient pour exploiter la complémentarité des différentes modalités, ou pour suivre une évolution temporelle ; il s’agit alors d’images 4-D avec trois dimensions spatiales et une dimension temporelle.

    Comme si ce déluge d’images ne suffisait pas, de grandes bases de données d’images deviennent progressivement accessibles sur la Toile d’Internet. Ces images sont souvent accompagnées de métadonnées sur l’histoire du patient et sur sa pathologie.

    Le rôle de l’informatique et des sciences numériques

    Face à toutes ces images et à leur complexité, le médecin ne peut généralement extraire visuellement que des informations lacunaires et qualitatives. Les images volumiques ne sont souvent visualisées que sous la forme de coupes 2-D. Il est alors quasiment impossible de quantifier précisément le volume d’une tumeur, de détecter une anomalie isolée dans un organe entier et suivre son évolution subtile entre deux examens, ou de quantifier dans une série temporelle d’images le mouvement d’un organe dynamique comme le cœur. Il est encore plus difficile de planifier une intervention délicate sans l’aide de l’ordinateur.

    L’informatique et les sciences numériques jouent alors un rôle crucial pour exploiter de façon rigoureuse et optimale cette surabondance d’information. Elles sont essentielles pour l’analyse des images reconstruites dont le but est d’extraire de façon objective l’information cliniquement pertinente et de la présenter dans un cadre unifié et intuitif au médecin. Elles offrent également la possibilité de construire un modèle numérique du patient pour la simulation : simulation de l’évolution d’une pathologie ou de l’effet d’une thérapie par exemple, ou simulation de gestes médicaux ou chirurgicaux pour l’entrainement du praticien (réalité virtuelle). Enfin, en combinant des images pré-opératoires avec des images interventionnelles (prises pendant l’intervention), elles offrent de nouvelles capacités de visualisation qui rendent le patient virtuellement transparent (réalité augmentée) pour le guidage de gestes complexes.

    Analyse et simulation informatiques des images médicales reposent sur des algorithmes qui doivent prendre en compte la spécificité de l’anatomie et de la physiologie humaines à l’aide de modèles mathématiques, biologiques, physiques ou chimiques, adaptés à la résolution des images. Ces modèles du corps humain dépendent eux-mêmes de paramètres permettant de modifier la forme et la fonction des organes simulés. Utilisés avec un jeu de paramètres standard, les modèles sont génériques : ils décrivent et simulent la forme et la fonction moyennes des organes dans une population. Mais avec les images médicales et l’ensemble des données disponibles sur un patient spécifique, les paramètres d’un modèle générique peuvent être ajustés grâce à des algorithmes pour reproduire plus précisément la forme et la fonction des organes de cet individu. On dispose alors d’un modèle personnalisé.

    Patient numérique personnalisé et médecine computationnelle

    Le patient numérique personnalisé n’est autre que cet ensemble de données numériques et d’algorithmes permettant de reproduire à diverses échelles la forme et la fonction dynamique des principaux tissus et organes d’un patient donné. C’est aussi le cadre unifié qui permet d’intégrer les informations provenant des images anatomiques et fonctionnelles du patient, ainsi que les informations qui décrivent l’histoire singulière du patient et de sa maladie.

    Rappelons ici que les modèles numériques et personnalisés du patient sont destinés à assister le médecin dans sa pratique médicale : assister le diagnostic en quantifiant l’information présente dans les images ; assister le pronostic en simulant l’évolution d’une pathologie ; assister la thérapie en planifiant, simulant et contrôlant une intervention. Voilà ce qui préfigure la médecine computationnelle de demain, une composante informatique de la médecine destinée à assister le médecin dans l’exercice de sa pratique médicale au service du patient.

    Des images médicales au patient numérique

    Dans ma leçon inaugurale, intitulée « des images médicales au patient numérique », j’ai choisi quatre exemples qui illustrent une certaine progression des algorithmes et des modèles mis en œuvre pour exploiter les images médicales. Les deux premiers exemples, morphométrie et endomicroscopie computationnelles, relèvent du domaine de l’anatomie computationnelle. Les algorithmes utilisés s’appuient sur des modèles géométriques, statistiques et sémantiques du corps humain. Les deux exemples suivants, oncologie et cardiologie computationnelles, relèvent de la physiologie computationnelle. Leurs algorithmes s’appuient en plus sur des modèles biologiques, physiques ou chimiques du corps humain, à plusieurs échelles.

    21Tractographie dans des images IRM de diffusion
    pour révéler la connectivité du cerveau. @Asclepios-Inria

    22Divergence du flux de déformation dans l’évolution de la maladie d’Alzheimer:
    la couleur représente les régions changeant de volume @Asclepios-Inria

    23Variabilité des sillons corticaux mesurée sur 98 cerveaux sains,
    les zones rouges étant les zones de plus forte variabilité @Asclepios-Inria

    Exemple 1 : Morphométrie Computationnelle

    À l’aube du 21ème siècle, l’anatomie descriptive devient statistique. L’informatique et les sciences numériques permettent d’exploiter de larges bases de données d’images médicales pour construire des atlas statistiques 3-D de l’anatomie des organes. Ils permettent ainsi de quantifier la variabilité de la forme du cortex cérébral, ou celle de la structure des ventricules cardiaques. La dimension temporelle peut être prise en compte, pour construire des atlas statistiques 4-D, qui capturent l’évolution statistique des formes anatomiques avec le temps, et permettent par exemple de construire des algorithmes capables de quantifier l’atrophie anormale du cerveau dans la maladie d’Alzheimer. L’imagerie computationnelle joue ici le rôle d’un microscope informatique qui permet de révéler des informations cliniquement pertinentes qui sont peu ou pas visibles dans les images médicales originales.

    3Atlas Intelligent en endomicroscopie :
    à la présentation  de l’image de la première ligne,  les images visuellement similaires
    s’affichent automatiquement avec leur diagnostic
    @maunakeatech

    Exemple 2 : Endomicroscopie Computationnelle

    De nouvelles technologies d’imagerie permettent d’acquérir des images de résolution microscopique des tissus à l’intérieur du corps humain. L’informatique est appelée à la rescousse pour améliorer la qualité des images, pour augmenter le champ de vue tout en préservant la résolution grâce à des algorithmes de mosaïques numériques, et enfin en développant le concept d’atlas intelligent : il s’agit de conserver une grande base de données d’images déjà interprétées, et d’utiliser des algorithmes d’indexation d’images par leur contenu pour rapprocher d’une nouvelle image les images de la base de données les plus similaires. Les atlas intelligents pourraient se généraliser à de très nombreuses formes d’images médicales dans le futur.

    4142Modèle computationnel personnalisé
    de croissance d’une tumeur cérébrale @Asclepios-Inria

    Exemple 3 : Oncologie Computationnelle

    Des modèles numériques de tumeurs cérébrales sont développés pour mieux exploiter les observations fournies par les images médicales. Ces modèles incluent une composante physiopathologique qui décrit l’évolution de la densité des cellules tumorales dans les tissus cérébraux du patient. Une fois ces modèles personnalisés, des algorithmes permettent de mieux quantifier l’évolution passée de la tumeur, et sous certaines hypothèses, de mieux prédire son infiltration et son évolution future. Les modèles peuvent être enrichis pour guider la planification thérapeutique, notamment en radiothérapie. Ils peuvent également servir à construire des bases de données d’images de tumeurs virtuelles, utilisées pour entrainer des algorithmes d’apprentissage statistique à interpréter automatiquement les images de tumeurs réelles.

     51Maillage de calcul des 4 cavités cardiaques p
    our la simulation électromécanique du cœur @Asclepios-Inria

    52Orientations des fibres cardiaques mesurées in vivo
    par IRM de diffusion @Asclepios-Inria

    Exemple 4 : Cardiologie Computationnelle

    Les modèles numériques du cœur permettent de simuler son activité électrique et mécanique, ainsi que le mouvement 4-D qui en résulte. Ces modèles peuvent être personnalisés grâce à des images médicales dynamiques, et des mesures de pression et d’électrophysiologie pour l’instant assez invasives (utilisation de cathéters endovasculaires). Les modèles personnalisés permettent à des algorithmes de quantifier la fonction cardiaque, et de prédire certains risques d’arythmie. Ils permettent dans certaines conditions de prédire le bénéfice attendu de certaines thérapies, par exemple la pose d’une prothèse vasculaire dans une artère coronaire, ou l’implantation d’un stimulateur cardiaque destiné à resynchroniser le mouvement des ventricules. Des prototypes permettent déjà à des algorithmes de simuler de façon interactive certains gestes de cardiologie interventionnelle destinés à corriger des arythmies.

    6162Modèle computationnel du foie pour la réalité augmentée
    et la réalité virtuelle @Ircad-Inria, @Asclepios-Inria

    L’imagerie médicale computationnelle, à la croisée de l’informatique et de l’imagerie médicale, fournit de nouveaux outils numériques au service du médecin et du patient, dans le cadre plus large de la médecine computationnelle.
    Les progrès actuels dans ces domaines permettent d’entrevoir comment l’informatique et les sciences numériques peuvent accompagner le passage d’une médecine normalisée et réactive à une médecine plus personnalisée, préventive et prédictive . Ils reposent en grande partie sur des avancées algorithmiques en traitement d’images et dans la modélisation numérique de l’anatomie et de la physiologie du corps humain.
    Les cours à venir, ainsi que les séminaires et le colloque de clôture approfondiront les fondements algorithmiques, mathématiques et biophysiques de ce domaine de recherche en plein essor, tout en illustrant son caractère pluridisciplinaire et ses avancées les plus récentes. On y retrouvera des scientifiques et des médecins de spécialités variées, au chevet du patient numérique.

    Nicholas Ayache, Inria et professeur au Collège de France

  • Quand Fleurira le numérique ?

    « Parce que nos enfants deviendront adultes dans un monde où,
    soit ils programmeront, soit ils seront programmé
    s »

    Fleur Pellerin 2013

    Le monde des entrepreneurs soutient collectivement Fleur Pellerin dans son rôle de déléguée aux PME, à l’Innovation et au Numérique [2], voire se montre explicitement très déçu de l’absence de Fleur Pellerin du gouvernement [1] (ou de son passage à un autre poste). Probablement pour au moins la moitié d’entre eux, ce positionnement se fait au-delà des barrières politiques gauche-droite.

    C’est un fait remarquable dans le paysage politique français. Ces entrepreneurs du web ont été jusqu’à militer sur Twitter, via le hashtag “#keepfleur”, pour que Fleur Pellerin reste sur la mission de l’économie numérique [3]. Mais ils n’ont pas été entendus [4].

    Encore plus remarquable est le fait que cette mobilisation va bien au-delà [5,6]. Pour quelle raison ? Au-delà des qualités personnelles qui font l’unanimité [7], cette grande serviteur(e) de l’état a compris ce qu’est l’éducation au numérique et en propose une vision qui dépasse tous les clivages.

    Éduquer au numérique, ce n’est pas uniquement apprendre à programmer. Ce n’est pas non plus rejeter l’idée d’apprendre à programmer. C’est apprendre à comprendre comment ça marche ; apprendre un peu de culture scientifique et technique en science informatique ; de culture historique aussi ; apprendre à relier nos usages du numérique aux fondements sous-jacents pour les maîtriser. Dans le faux débat de savoir s’il faut apprendre à coder (ou pas) Fleur Pellerin est de celles et ceux qui se sont d’abord demandé pour quoi. Et de donner la réponse : apprendre à coder pour décoder le numérique. Ou, dit autrement, apprendre à écrire le numérique pour savoir le lire de manière éclairée. C’est cette vision que Fleur Pellerin a portée.

    Et pourtant Fleur Pellerin n’est pas une informaticienne ou une chercheuse en informatique 🙂 c’est une «commerciale» et une «politique» de par ses études, une «Énarque» même ! Bien loin des scientifiques et de ce monde académique dont nous sommes. Elle est donc la preuve que l’éducation au numérique n’est pas l’apanage d’un clan, mais une vraie cause nationale dans l’intérêt de nos enfants.

    Total respect.

    Colin, Eric, Marie-Agnès, Pierre, Serge, Sylvie et Thierry

    [1] http://www.huffingtonpost.fr/2014/04/02/fleur-pellerin-entrepreneurs-pigeons-numerique-montebourg_n_5075561.html?ir=France
    [2] http://lentreprise.lexpress.fr/gestion-entreprise/remaniement-les-entrepreneurs-soutiennent-fleur-pellerin-sur-twitter_46755.html
    [3] http://www.lesinrocks.com/2014/04/02/actualite/la-non-reconduite-de-pellerin-decoit-les-patrons-du-web-11494941/
    [4] http://www.bvoltaire.fr/jeremiemassart/fleur-pellerin-debarquee-ca-commence-mal,55335
    [5] https://twitter.com/search?q=Pellerin%20commence%20mal&src=typd[6] https://twitter.com/search?q=%23keepfleur&src=tyah
    [7] https://fr.wikipedia.org/wiki/Fleur_Pellerin
    [6] https://fr.wikipedia.org/wiki/Fleur_Pellerin

  • Les ZRRrrr

    © Inria / Photo Kasonen
    © Inria / Photo Kasonen

    Depuis quelques mois, nos laboratoires de recherche bruissent d’un sigle à l’origine mystérieuse, aujourd’hui honni, ZRR. Vous avez peut-être cru qu’il s’agissait des Zones à Revitalisation Rurale. Mais, un sigle peut en cacher un autre; ce sont les Zones à Régime Restrictif. Oui, ça fait peur. Binaire a demandé à André Seznec, Directeur de Recherche Inria à Rennes, de nous expliquer. Et si on laissait les chercheurs protéger leur travail ? Et si on les laissait chercher ?

     

    De quoi s’agit-il ? Sous ce vocable étrange, se cache le mécanisme que doivent mettre en œuvre les laboratoires de recherche pour protéger leurs données sensibles. Il s’agit de protéger le patrimoine scientifique et technique de nos laboratoires contre les intrus qui désireraient les piller. Le lecteur, peu au fait du monde de la recherche académique, se réjouira sûrement qu’enfin les autorités prennent des mesures pour préserver ce patrimoine. Il y a sûrement au sein de certains laboratoires des données, des informations, des découvertes dont il ne faudrait pas que des intrus peu scrupuleux s’emparent.

    Sauf que…

    Il existait déjà un dispositif pour protéger ce patrimoine : les ERR, Établissement à Régime Restrictif. Dans le cadre de ce dispositif d’ERR, nous, les responsables d’équipe de recherche, devions à chaque recrutement ou visite d’un étranger hors Communauté Européenne déjà déposer auprès du fonctionnaire sécurité défense (FSD), un dossier ; le FSD transmettait le dossier au ministère au HFDS, haut fonctionnaire défense et sécurité, qui donnait un avis dans les 2 mois, avis qui pouvait ne pas être suivi par le directeur de l’établissement. Ce mécanisme des ERRs a été jugé laxiste par le gouvernement Fillon qui a proposé le mécanisme des ZRRs. Cette proposition a été reprise par le gouvernement Ayrault.

    Avec la mise en place des ZRRs, les contraintes changent pour nous, chercheurs. Les malheureux chercheurs en ZRR se voient appliquer un régime bien plus sévère et arbitraire.

    En premier lieu, toute demande de recrutement – du jeune stagiaire en fin de licence au chercheur visiteur prix Nobel – devra être soumise à l’accord du FSD, dont l’avis devra être impérativement suivi. Ceci sans distinction de nationalité, et oui, même les européens, même les français !

    Imaginez le malaise quand, après des mois d’intenses tractations, vous avez enfin réussi à inviter en séjour sabbatique le « pape » de votre discipline scientifique, à en assurer le financement et soudain la sanction couperet tombe : avis FSD négatif. Les collaborations internationales si prisées par toutes les instances d’évaluation de la recherche seront elles aussi soumises à avis du FSD. Les services du FSD ne peuvent pas être scientifiquement omnipotents : ils donnent leur avis à partir de listes de mots clés et de nationalités, listes qui ne sont pas publiques.

    Récemment, devant mes récriminations, il m’a été répondu qu’il faudra « apprendre à présenter les lettres de demande d’accord FSD sous le bon angle« . Enfin une bonne nouvelle : Courteline n’est pas mort !

    En second lieu, les ZRRs seront vraiment des zones géographiques. Au sein de notre établissement, la direction a décidé de faire une application différenciée avec certaines équipes en ZRR et d’autres hors ZRR. Les équipes punies en ZRRs – et oui punies, puisqu’elles ne bénéficieront d’aucun avantage en compensation de contraintes supplémentaires – seront regroupées physiquement dans une partie du laboratoire ; l’accès à cette zone du laboratoire sera restreint. L’accès ne sera pas impossible physiquement, nous a-t-on annoncé -trop cher sans doute -, mais légalement. Le ridicule ne tue pas heureusement.

    Le troisième point est sans doute celui qui crée le plus grand malaise : l’absence totale de transparence des décisions. Pourquoi telle équipe est classée en ZRR et pas telle autre ? Pourquoi l’avis du FSD est positif pour tel étudiant de telle nationalité et négatif pour tel autre ? Quelles peuvent bien être les recherches qui doivent être protégées dans telle équipe alors même que tous les financements mentionnent l’objectif de publier les résultats ?

    Un dernier point qui fera sourire le monde de la sécurité informatique. Dans un grand institut d’informatique, la mise en œuvre des ZRRs prévoit que les équipes ZRR et hors ZRR partageront le même réseau informatique.

    Bien sûr, il ne faut pas être naïf, il y a parfois dans nos laboratoires des données à protéger. Il est sans doute nécessaire de mieux sensibiliser les chercheurs. Mais ceci devrait impliquer les chercheurs au niveau local et non remonter au ministère. Les décisions doivent être expliquées et susceptibles d’appel.

    Aujourd’hui, la mise en œuvre des ZRRs au sein de nos laboratoires de recherche telle qu’elle est prévue est vécue comme discriminatoire, arbitraire et démotivante par les équipes de recherche concernées.

    NB : un moratoire à la mise en œuvre des ZRRs a été décidé en février 2014 ; mais il ne concerne pas les laboratoires qui étaient préalablement ERR.

    André Seznec, Inria

    Note de binaire : Nous aurions pu mettre des dizaines d’articles violents contre les ZRR. Mais il était difficile de choisir. Il suffit de poser la question ZRR restrictif à un moteur de recherche.

  • L’enseignement ISN en 2013, une preuve que l’informatique se décline aux deux genres

    L‘Informatique et science du numérique (connue sous l’abréviation ISN) est ce nouvel enseignement de spécialité de terminale série scientifique qui permet aux jeunes d’apprendre les sciences informatiques, donc de maîtriser le numérique et de découvrir qu’il y a de beaux métiers techniques ou non sur ce secteur économique majeur (ces nouveaux métiers du numérique représenteraient plus de 1 million d’emplois [ref] et environ 25% de notre croissance économique [ref], plusieurs milliers d’emploi restent à pourvoir chaque année [ref]).

    Cette spécialité ISN est proposée pour la seconde année grâce à l’investissement parfois héroïque des professeurs qui se sont formés à cette nouvelle discipline (presque uniquement sur leur temps libre) dans le cadre d’une coopération profonde et puissante avec des centres universitaires et de recherche dans chacune des Académies. Parmi les lycéens de terminale, 10 000 élèves en 2012 et presque 15 000 en 2013 ont choisi cet enseignement. Cela semble être un véritable succès. Toutefois, cela est encore considéré comme une « expérimentation ».

    Ce succès est à relier à celui d’un concours « libre » (rien à gagner, mais le plaisir de faire un bon score) sur l’informatique organisé par un petit groupe d’informaticiens motivés. Ce n’est pas une compétition « geek », mais un concours ludique, accessible à tous, qui montre comment l’informatique peut être amusante et variée avec la représentation de l’information, la pensée algorithmique, des jeux de logique, … Ce « concours Castor informatique » a intéressé pas moins de 170 000 jeunes cette année et double son public en France chaque année depuis trois ans. Un grand succès et une très belle mixité avec 48% de filles.

    Les statistiques de l’enseignement d’Informatique et sciences du numérique pour 2013 montrent elles aussi une progression sensible et un intéressant équilibre des genres :

    • à la rentrée 2012, 10 035 élèves avaient choisi ISN, dont 2 010 filles (soit 20,0 %)
    • à la rentrée 2013, 14 511 élèves ont choisi ISN, dont 4 170 filles (soit 28,7 %)
    • une progression globale de +44,6 % et de +107,5 % pour les filles

    Un succès !

    Philippe Marquet

  • Hollande aussi…

    François Hollande :
    « codage à l’école, tout doit commencer par là et nous allons donner cette impulsion »
    « le codage sera progressivement généralisé »
    et
    « le plus vite possible former les enseignants »

    http://www.cnnumerique.fr/echange-avec-la-salle-lors-de-linauguration-du-us-french-tech-hub-prusa-presidence-de-la-republique

    Voir l’extrait:

    Philippe Marquet

  • Jospin et Rocard aussi…

    La lettre ouverte à François Hollande, Président de la République, concernant l’enseignement de l’informatique a déjà été signée par des professeurs au Collège de France, des académiciens des sciences, des présidents et directeurs d’universités, d’instituts, de laboratoires, de centres INRIA, d’Ecoles, des industriels, des responsables d’associations, des enseignants, chercheurs, enseignants-chercheurs, techniciens, ingénieurs, et… deux anciens Premiers Ministres (Lionel Jospin et Michel Rocard).

    Jean-Pierre Archambault, Président de l’EPI
    (Association Enseignement Public et Informatique)

     

  • Lettre ouverte à Monsieur François Hollande, Président de la République

    Lettre ouverte à Monsieur François Hollande, Président de la République, concernant l’enseignement de l’informatique

    Monsieur le Président,

    L’informatique a donné naissance à une industrie du même nom, puis à une culture qui a pris une place considérable dans notre société, le numérique. La politique volontariste, la formation au numérique et par le numérique, que vous avez voulue, a pour but d’accompagner l’entrée de notre pays dans le monde du numérique. Cette politique n’a une chance de réussir que si elle s’accompagne d’un développement massif de l’enseignement de l’informatique qui est la clé de la compréhension du monde numérique en construction.

    Mais, au-delà de cette nécessaire compréhension par chaque citoyen du monde dans lequel nous vivons, la France doit aussi former des ingénieurs et des scientifiques qui ne sachent pas seulement utiliser des outils numériques mais qui sachent aussi en développer. Il en va de la compétitivité de nos entreprises. Il en va de notre capacité à rester à la pointe de l’innovation. Il en va du combat essentiel que vous menez pour l’emploi.

    Vos homologues chefs d’état et de gouvernement Barack Obama et David Cameron se sont exprimés publiquement pour inciter leurs jeunes compatriotes à apprendre à programmer, à apprendre l’informatique. Ce mouvement se renforce dans de nombreux pays, en Finlande, en Israël, en Corée, etc. La France ne peut pas rester à la traine.

    Un enseignement a été créé à la rentrée 2012 en Terminale S et des initiatives importantes ont été prises récemment par le Ministre de l’Education Nationale, notamment pour les Classes préparatoires aux grandes écoles. Mais cet effort ne suffira pas à placer notre pays dans le peloton de tête des nations qui décideront de l’innovation. Cet enseignement est notoirement fragilisé par la pénurie d’enseignants bien formés en informatique. Cela ne peut surprendre, il s’agit là d’un effort considérable à réaliser dans des temps de contraintes budgétaires. C’est bien pourquoi seule une parole publique forte peut permettre de donner sa dimension nécessaire à un tel programme.

    Monsieur le Président, nous comptons sur vous. Vous pouvez décider

    • d’accorder à l’informatique sa place dans le socle commun de connaissances, de compétences et de culture de l’éducation nationale,
    • de faire entrer l’informatique en tant que discipline à part entière dans le système éducatif français, avec des initiations à l’école
      primaire et une entrée dès le collège,
    • de créer un Capes et une Agrégation d’informatique, et ainsi un corps
      enseignant de jeunes diplômés en informatique issus de nos Universités et de
      nos Écoles.

    L’enseignement de l’informatique peut et doit devenir le fleuron de l’éducation nationale, l’étendard de votre action de modernisation de notre pays.

    La Société informatique de France vous invite à découvrir les premiers signataires, à signer et à faire signer cette lettre dans cette page.